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Le développement personnel
dans Signes & sens
Dépasser les blessures sentimentales
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Toute vie de couple connaît des déconvenues. Toutefois, lorsque l'infidélité récurrente, la jalousie pathologique, l'intolérance, la grossièreté, la violence verbale compulsive s'en mêlent, décider de rompre s'impose. Ce passage à l'acte, s'il constitue une issue salvatrice, n'efface cependant pas suffisamment les blessures sentimentales pour la plupart d'entre elles. Les dépasser est pourtant une nécessité pour se reconstruire et ne pas transformer l'amour en phobie.
L'être humain - et c'est logique - éprouve de grandes difficultés à concevoir que la haine puisse s'immiscer dans son binôme affectif, les premiers temps de la relation ayant été souvent passionnés. Pour parvenir à accepter changement et séparation, un retour en arrière doit s'effectuer, malgré son apparence désagréable.
Une responsabilité mutuelle
Bien que l'humanité connaisse une évolution psychologique tangible, une croyance particulièrement résistante persiste : le conjoint délaissé, dénié, est la victime ! Cette analyse est totalement fausse. Chacun des partenaires a sa part de responsabilité dans cette mésentente quotidienne. Le problème repose sur le fait que les mois passant, un véritable laisser-aller s'est installé insidieusement, favorisé par une passivité muettement consentie.
. Caroline, jeune quadragénaire, déléguée médicale, reconnaît que sa sophistication - qui avait séduit son futur mari 10 ans plus tôt - s'est envolée progressivement : " Quand je rentrais de mon travail, je n'avais qu'une hâte, c'était d'enlever mon tailleur sexy et mes escarpins... J'enfilais une tenue décontractée, genre tee-shirt très ample. Le dimanche, je ne me maquillais plus et je passais une partie de la journée affalée sur le canapé à regarder des séries TV. Quand j'ai appris que l'homme que j'aimais par-dessus tout me trompait, j'ai voulu mourir. Ma tentative de suicide n'a rien empêché. Il est parti avec une esthéticienne. C'est mon thérapeute qui m'a permis de mettre l'accent sur la profession de cette jeune-femme. Il est vrai que je ne faisais plus aucun effort. J'avais même arrêté le sport que je pratiquais avec mon amoureux au début de notre union, mais il ne s'en plaignait pas. Ensuite, j'ai fait une fausse-couche et le bébé tant attendu n'est jamais arrivé malgré les traitements médicaux. Mon psy a été très sévère lors d'une consultation : il m'a affirmé que j'avais puni mon mari avec ma léthargie ambiante, comme pour le rendre responsable de ma non-maternité ! "...
Le psychanalyste Gilbert Roux explique que " chaque rencontre affective se faisant sous le sceau de la névrose, il est évident que les mauvais transferts sont toujours prêts à s'agiter ! ". Interrogé sur l'histoire de Caroline, il interprète cette régression conjugale comme la réactualisation d'une souffrance infantile : " Il est très probable que cette épouse ait rejoué un manque affectif des premières années de son existence, avec un papa insuffisamment disponible ou aimant. Son inconscient a recherché un père dans son mari : ses comportements peu actifs à la maison, suivis de l'absence d'enfant, traduisent un état de petite fille, de l'ordre d'un SOS et son conjoint a joué le jeu... un temps... "...
Ainsi la sérénité conjugale ne peut-elle faire l'impasse d'une mise en observation de soi-même pour éviter les dérives. Ceci étant, quand cette attitude protectrice n'a pas été établie au moment voulu, avoir l'honnêteté de revisiter ses propres erreurs constitue le terreau de la cicatrisation des plaies sentimentales. Cette étape conduit à accepter ce qui est pour se sentir libéré et entrer dans une réalité rassurante : un couple qui a terminé sa trajectoire commune ne signe pas l'arrêt définitif du bonheur à deux, dans un autre contexte certes mais dont le socle sera fait cette fois-ci impérativement de bonnes résolutions à tenir pour qu'il se pérennise.
Pardon et autopardon
Une erreur revient à croire qu'il suffit de reformer un couple le plus vite possible pour oublier les souffrances liées au précédent mais toute quête affective hâtive amènera son lot de déceptions. Les désillusions provoqueront alors une horde de regrets et le deuil de l'ex se révèlera impossible.
. Hugues, 32 ans, professeur de musique, confie qu'il a su rapidement que son mariage ne durerait pas. Sa jeune épouse, qui ne travaillait pas, dilapidait l'argent du ménage en futilités : " J'ai pris conscience de ses comportements ahurissants quand l'interdit bancaire est tombé comme un couperet. Longtemps, j'ai eu l'impression qu'elle me faisait payer mais j'avoue que je la laissais faire, fantasmant à tort qu'elle allait finir par se ressaisir. Par contre, quand la banque n'a plus voulu nous faire confiance, j'ai décidé de divorcer, ressentant intuitivement que persister dans ma pseudo-complaisance finirait par nous faire toucher le fond. J'ai quand même eu la rage après elle et, sitôt séparés, je me suis mis en quête d'une nouvelle compagne. Je n'avais que des relations sans intérêt, affligeantes pour certaines, et mon ex-épouse me manquait de plus en plus cruellement. J'en étais arrivé à l'auréoler et à la regretter au plus haut point. J'ai même envisagé de lui proposer de revivre ensemble ! "...
La psychopraticienne Dominique Roby n'est pas étonnée par ce témoignage : " Si on excepte la charge névrotique de ce couple, attestée par l'expression 'des relations sans intérêt' livrée par Hugues, son récit confirme que vitesse et précipitation ne permettent pas de lâcher prise sur l'ancienne union. "... La psychothérapeute accorde une importance extrême à la période qui suit la séparation et dont elle précise qu'elle devrait être placée sous le signe de la " solitude tant que l'imaginaire renvoie à une attente démesurée et donc finalement factice et improbable de renouveau. "... C'est d'ailleurs aussi le point de vue de Rosette Poletti et Barbara Dobbs, auteurs de l'ouvrage " Lâcher prise " publié aux Éditions Jouvence : " Lâcher prise est nécessaire pour vivre pleinement le moment présent, pour éviter de ressasser un passé mort et de se soucier d'un futur imaginaire ", soulignent-elles de leur côté. Ceci étant, si seul ce projet est raisonnable, il n'en demeure pas moins épineux. Interrogée sur les moyens d'y parvenir, Dominique Roby nous parle de la nécessité de pardonner à son ex et de s'autopardonner : " Le plus simple et le plus porteur consiste à reconsidérer les 'fautes' réciproques de chaque partenaire en admettant que chacun a fait ce qu'il a pu avec son héritage familial et ses zones d'ombre, et bien entendu son éducation. Il devient dès lors concevable d'objectiver ce que ce parcours à deux a produit de positif et d'évolutif dans la mesure où il n'y a jamais de manichéisme en amour. "...
Un couple avance jour après jour comme il le peut, c'est une certitude. Intégrer cette évidence s'étaye sur la prise en compte des limites de l'union amoureuse dans laquelle les affects parviennent systématiquement à œuvrer en sous-marin pour le pire. Autrement formulé, la grande sagesse exige de ne pas idéaliser l'élu(e) de son cœur. Ce principe élémentaire présente l'avantage précieux que les blessures sentimentales éventuelles a posteriori, si elles sont parfois inévitables, ne seront pas invalidantes. Cette caractéristique offre l'atout de pouvoir les dépasser le cas échéant, sans y perdre sa conviction qu'aimer n'est jamais qu'une expérience de plus sur le chemin.
Gaëlle Joubert
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