Que l’on soit passé ou non devant Monsieur le Maire et Monsieur le Curé, que l’on ait partagé les mêmes territoires ou que l’on ait gardé des espaces à soi, que le couple ait duré plusieurs décennies ou seulement quelques mois, la souffrance est toujours présente lorsqu’un des partenaires décide de mettre fin à l’aventure.
Il n’existe pas de séparation sans douleur, sans déchirement, sans abandon. C’est valable pour celui qui part comme pour celui qui est quitté. Dans une séparation, chacun vit sa réalité en fonction de la place qu’il occupe mais aussi de son histoire personnelle. On n’a pas systématiquement un méchant d’un côté et un gentil de l’autre. Une séparation se déclenche à deux, même s’il y en a toujours un qui endosse la responsabilité de sa mise en œuvre. Et sa place n’est pas forcément la plus enviable. Certes, son comportement peut être plus ou moins maladroit, agressif, détaché, destructeur ; les circonstances peuvent se révéler plus ou moins perturbantes. Mais ces différences viennent se greffer sur une situation difficile à gérer pour l’un comme pour l’autre, et toujours douloureuse. À quoi sert alors de se poser des questions ?
Faire le tri
Il s’agit surtout de ne pas ajouter de la souffrance à la souffrance. De faire le tri entre la douleur liée à la séparation elle-même et les blessures anciennes, intimes, qui se réveillent à cette occasion. La tentation est grande, dans le
maelström du moment, de tout mettre dans le même panier et de le balancer à la figure de celui qui nous fait souffrir ou que nous jugeons insatisfaisant. Pourtant, dans ce fatras, certaines douleurs n’appartiennent qu’à nous. Les reprocher à l’autre est non seulement injuste mais inutile. Car l’autre ne peut nous aider ni à les anesthésier, ni à les dépasser, ni à résoudre les problèmes qui les ont provoquées. La douleur se vit différemment selon qu’on la laisse nous traverser et s’en aller ou qu’on s’accroche à elle pour conserver un semblant de lien avec celui qui nous a “ trahis ”. Le désir de vengeance nourrit la douleur. Pour s’en défaire, il n’y a qu’une solution : le pardon. Pardonner, c’est d’abord se libérer de la souffrance générée par le ressentiment. Entendons-nous bien, pardonner n’est pas absoudre. Ce n’est pas donner raison à l’autre de nous avoir meurtris. Ce n’est pas renouer la relation comme si rien ne s’était passé. Au contraire, c’est se débarrasser du poids de la rancœur, renvoyer l’offense qui nous a été faite, déposer l’habit de victime que l’on avait un temps revêtu pour sortir de l’emprise du bourreau, pour enfin se tenir droit et libre à l’orée de notre nouvelle vie. Pardonner, c’est cultiver un état intérieur de détachement qui nous protège contre les conséquences des agissements de l’autre. Mais on ne peut pas pardonner tout de suite. Ce serait faire taire trop tôt nos émotions douloureuses. Celles-ci ont besoin de se déployer pour que nous puissions entendre ce qu’elles ont à nous dire avant de les laisser désenfler et disparaître.
La défusion
Si la rancœur s’installe et occulte trop longtemps notre paysage intérieur, il faut se demander à quoi elle sert pour pouvoir enfin s’en défaire. Le pardon est d’autant plus aisé que l’on n’a pas rompu la communication, même au cœur de la tourmente. Or, c’est souvent ce qui envenime les relations dans les périodes de séparation. Chacun se retire dans sa propre histoire, confronté à ses difficultés. Chacun reproche à l’autre de ne pas faire un pas vers lui, de ne pas l’écouter et l’aider, comme il le faisait précédemment, du temps du couple. Et plus celui-ci était fusionnel, plus la défusion déchire violemment les fils de la communication. Certes, certaines personnes sont confrontées à des comportements abjects. Leur douleur s’enfle alors de déception et de colère. Voire de culpabilité à l’idée de s’être laissé berner, d’avoir été le jouet de leurs propres projections, au point de ne pas voir la réalité de l’être avec lequel elles entretenaient pourtant une relation intime. Mais ces cas ne sont pas si fréquents. Cela n’empêche pas que, le plus souvent, on se chamaille, on se déchire, on ne s’écoute pas, on ne s’entend même plus...
Lorsqu’on se sépare, on a pourtant besoin de parler de soi, de partager ses questions et ses doutes, de se sentir écouté et compris. On a besoin qu’un témoin assiste au déroulement du scénario qui nous amène du couple au célibat, puis à un nouveau couple. Parfois même directement du couple au couple. Mais on ne peut plus demander à l’autre de remplir cette fonction. Quand bien même il accepterait de le faire, cela ne serait ni juste ni efficace. Ce serait peut-être même teinté d’un brin de perversité. Inconsciente, bien sûr !
Marie Borrel*
*Pour en savoir plus, lire :
“ Divorcer zen : comment réussir une séparation sereine ”,
Presses du Châtelet
