De nombreux parents se posent cette question de façon légitime lorsque le couple se défait. Si elle est essentielle et s’il est coutume de dire que les enfants sont les fruits de l’amour, ils existent toutefois par eux-mêmes.
Certes, ils ne vivront pas bien la séparation, comme leurs géniteurs qui décident de se quitter après s’être unis, mais ils vivront d’autant plus mal une union forcée dont ils risquent de se sentir responsables. Une responsabilité qu’ils porteront toute leur existence.
Un mauvais calcul
Selon les statistiques, un couple marié sur quatre avoue poursuivre la vie conjugale en prétextant l’intérêt des enfants, envisageant de divorcer quand ils seront plus autonomes. Ce mauvais calcul, estime un cabinet d’avocats, auteur d’une étude sur le sujet, peut s’avérer contre-productif. Dans certains cas, agir ainsi ne sert qu’à accroître un peu plus les effets négatifs pour les enfants à long terme, assure le juge Martin Loxley. En effet, à l’âge adulte, des tensions peuvent s’installer à l’encontre de parents de la part d’enfants s’étant sentis trahis, voire pris en otage.
Une responsabilité d’adulte
Un enfant a beaucoup d’intuition. Même s’il n’existe pas de violence avérée au sein du couple, ni une pathologie mentale objective d’un des deux partenaires, il sent très bien si ses parents sont amoureux l’un de l’autre ou non. Si les parents décident de rester ensemble malgré leurs désaccords, les enfants « contracteront » alors une dette inconsciente, beaucoup plus préjudiciable pour eux que si les partenaires avaient assumé la responsabilité entière de leur relation. Cette forme de sacrifice peut effectivement s’avérer lourd de conséquences.
Je me suis sacrifié pour vous…
peuvent-ils souvent s’entendre dire. Un discours totalement illogique et… immature, ce qui est un comble ! Un enfant a besoin d’un parent bien dans sa peau, et non d’une victime qui peut se transformer en bourreau au fil du temps. Rester ensemble pour les enfants revient à mentir deux fois : à soi d’abord, à ses enfants ensuite. Passé le moment pénible de la séparation, un enfant parviendra toujours à s’adapter. Il est même fort possible qu’il préfère la nouvelle situation plutôt qu’un discutable compromis fait de non-dits et de faux-semblants.
La complexité du maintien du lien
Certains couples – assez rares – font le choix de vivre en association, tout en expliquant à leurs enfants que le couple tel qu’il était n’existe plus. Cette option possède l’avantage de ne pas les leurrer. Ainsi gardent-ils confiance en leurs géniteurs. Cependant, selon les psychologues, la solution reste difficilement envisageable si les enfants ne sont pas assez matures pour comprendre ce nouveau lien singulier. Une confusion peut s’installer, sans compter que les blessures de l’un ou l’autre des partenaires peuvent être ravivées au quotidien et, finalement, s’envenimer… La réapparition de disputes constituera un nouveau poids pour tout un chacun. Ce binôme, reconstitué sur des bases différentes, peut être également le résultat inconscient d’une peur de la rupture, l’existence des enfants devenant alors un prétexte fallacieux. Il est vrai que la société d’aujourd’hui parle facilement d’échec et la vie sentimentale n’échappe pas à ce jugement péremptoire. En outre, d’autres raisons peuvent pousser un couple à vouloir continuer sa route coûte que coûte, comme lorsque celui de ses parents a été idéalisé. Une psychorigidité familiale n’autorisera pas la séparation. L’inverse existe aussi : si le couple parental a été une catastrophe, le maintien de son propre couple, aussi bancal soit-il, aura pour objectif la réparation constante sur fond de dépassement. Pourtant, aider ses enfants à grandir ne peut faire l’économie de quitter l’illusion d’étapes existentielles parfaites. Toute rupture est porteuse d’opportunités. Faire le deuil des stades précédents constitue une ouverture merveilleuse pour mieux se connaître, gommer se erreurs, découvrir des capacités insoupçonnées jusque-là… Des statistiques canadiennes ont publié que 65 % d’enfants de parents séparés se disent plus heureux depuis que leurs géniteurs sont allés au bout de leur séparation… Un chiffre qui laisse à penser que ce sont les projections du couple qui rationalisent sa continuité bien discutable : angoisse de l’arrivée d’un(e) rival(e), angoisse de l’abandon, angoisse matérielle… D’ailleurs, comme le rappelait souvent Françoise Dolto, pour qu’une séparation soit réussie, encore faut-il que les deux conjoints la désirent… Et s’adressant à l’enfant du couple séparé, elle écrit dans son ouvrage « Quand les parents se séparent » : Ce divorce et cette souffrance ne sont pas inutiles puisque tu es né et que tu es une réussite de ce couple… L’enfant aimé, quels que soient les écueils qu’il a à traverser, le sait bien du reste.
Lydia Ceccaldi
