Le développement personnel
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      Travail : pour que ça
      ne résiste plus...

      Travail : pour que ça ne résiste plus
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      Chômage toujours aussi élevé, explosion du nombre de érémistes… La précarité se fait encore plus oppressante. Mais sommes-nous tous égaux face à la crise économique et pourquoi certains semblent-ils aller à l’encontre de leurs propres intérêts ?

      Face à la précarité, à l’inactivité et à la misère, auxquelles nous pouvons tous être confrontés, plusieurs attitudes s’offrent à nous. Après le choc, certains vont tout faire pour s’en sortir, quitte à accepter un nouveau poste bien en-deçà de leurs capacités ; d’autres vont se décourager et adopter une attitude de retrait, de désinvestissement, voire d’auto-sabotage. On est parfois frappé par l’incroyable malchance de certaines personnes. Entretiens loupés, réveil oublié… Un comportement que Pierre Mannoni, Professeur de psychologie, a choisi de nommer abdiction. Sommes-nous tous susceptibles d’y succomber ? Il semblerait que non : L’abdiction ne peut quand même pas toucher n’importe qui, indique-t-il. Elle concerne des personnes déjà très orientées. Le chômage a des sources strictement économiques mais indépendamment de cela, on peut dire que parmi les personnes en difficulté, certaines se sont mises elles-mêmes dans cette situation délicate. Elles souffrent d’un état déficitaire du Moi ; c’est la somme de tous leurs problèmes antérieurs qui les a amenées dans les difficultés. Il y a des mécanismes psychologiques, psychopathologiques, qui se mettent en place...
      On peut y voir un lien avec la névrose d’échec décrite en 1939 par René Laforgue, un des pionniers de la psychanalyse en France et correspondant de Freud. Dans son ouvrage « Psychopathologie de l’échec », Laforgue montre comment des individus, apparemment sans histoires, peuvent se mettre à échouer totalement dans leur vie privée et/ou professionnelle. Il se base notamment sur des observations de Freud quand celui-ci évoque dans « Nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse », ces gens qui répètent toujours, à leurs dépens, les mêmes réactions sans les corriger ou qui semblent eux-mêmes poursuivis par un destin inexorable, tandis qu’un examen plus précis nous enseigne qu’eux-mêmes, sans le savoir, se préparent ce destin. Nous attribuons alors à la compulsion de répétition le caractère démoniaque, conclut-il. Ainsi, au lieu de coups du sort, il s’agirait simplement de coups infligés par l’inconscient ! Des difficultés programmées d’avance, à cause d’un sentiment de culpabilité, voire de la seule façon d’atteindre la jouissance, même si elle passe par l’échec et l’autopunition…

      Réussir à échouer


      Persuadés de leur indignité, ces sujets prennent un plaisir masochiste à s’auto-punir et s’interdisent parallèlement la réussite. Comme si leur devise était « J’échoue, donc je suis ». Comme si la conviction de la fatalité qui les poursuit les empêchait de sortir de leur spirale négative. Ils ont pourtant pu déjà connaître le succès, à l’instar de ces jeunes diplômés d’écoles prestigieuses, ces anciens détenteurs de postes élevés qui se retrouvent au RMI. À Paris notamment, ils sont de plus en plus nombreux : On peut être diplômé d’université (ce qui est le signe d’un certain succès) mais on est ensuite rattrapé par l’abdiction. On ne peut pas utiliser son diplôme, explique Pierre Mannoni. Quels moyens peut-on donc mettre en place pour s’extraire de cette spirale infernale ?
      Si Pierre Mannoni ne croit pas à la résilience (ou plus exactement à la sublimation) pour tous, il envisage toutefois quelques solutions… Il y a des personnes plus résistantes que d’autres. Certaines ont de telles failles qu’il est très dur de les réhabiliter. Par expérience thérapeutique, on sait qu’on ne peut pas tout soigner, on sait à quel point il est difficile d’aider et de guérir. Il y a des cas dans lesquels on ne peut pas avoir de rémission. La résilience ne concerne pas tout le monde ! On peut toutefois mettre en place des stratégies d’adaptation personnelle pour comprendre ce qui a amené le sujet où il en est. Il faudrait des thérapies au cas par cas, ou des groupes de paroles, pour réhabiliter ces personnes avec leur propre histoire, observe encore le Professeur.

      Le travail n’est pas la santé !


      Il est toutefois impossible de s’affranchir du contexte général : Plus les conditions de vie sociale sont dures, plus la vulnérabilité augmente. Aujourd’hui, les travailleurs sociaux sont surchargés. Il y a vraiment une hausse de la population en détresse et un glissement progressif vers des difficultés encore plus grandes. Certains érémistes arrivent à s’en sortir mais il y a aussi ceux qui ne font même plus de démarches. Si on avait plus de moyens, si on pouvait donner plus de travail aux gens, cela pourrait soulager certaines situations. L’autre souci, c’est que la société actuelle place au premier rang le succès ; c’est d’autant plus dur d’échouer. Notre société nous menace avec le mythe du bonheur, certaines personnes abdiquent car elles pensent que le succès n’est pas pour elles, rajoute Pierre Mannoni. Les blocages professionnels ne concernent évidemment pas ceux qui souffrent d’en manquer. Il y a également tous ceux qui souffrent de résistances au sein de leur entreprise. Ceux chez qui leur poste provoque stress, problèmes de santé, troubles du sommeil, etc. Ces maux sont notamment dus à ce culte de la performance de la société, qui attend toujours plus des travailleurs. Sans oublier les cas, de plus en plus nombreux, de harcèlement moral et de violence au travail. Selon l’Organisation Internationale du Travail, on déplore chaque année 160 millions de nouvelles maladies liées à l’exercice de sa profession et plus d’un million de décès en lien direct ou indirect avec le travail. Ces maladies peuvent être diverses : troubles respiratoires, cardiovasculaires, mentaux, cancers, etc. Pourtant, selon le psychiatre Patrick Légeron, la souffrance, les maladies et les problèmes psychologiques touchent en premier lieu ceux qui n’ont pas de travail. Le « stress de non-travail » est encore plus grand.

       

      Nathalie Jeanjean

      *À lire :
      > « La malchance sociale »,
      Pierre Manonni,
      Éditions Odile Jacob.

      > « Le stress au travail »,
      Patrick Légeron,
      Éditions Odile Jacob.

       

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