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La psycho
dans Signes & sens
Les raisons de la complexité
de la sexualité |
La sexualité interpelle par sa dimension érotique. On parle même de « santé sexuelle » et les médias d’apporter leurs réponses, leurs conseils, voire des solutions. Depuis Freud, on sait que la sexualité ne représente pas seulement une fonction biologique, une différence permettant la reproduction : il existe une vie sexuelle inconsciente qui procède d’un ordre libidinal porteur de confusions et de fantasmes.
Que l’on soit trop chaste ou Don Juaniste à l’extrême, chacun a élaboré – au cours de son évolution – sa conception de la sexualité. Pour les uns, trop de tabous, de freins, de barrières, d’interdits. Pour les autres, il s’agit de plaisir et de jouissance avant tout. Existe-t-il finalement une normalité dans ce domaine-là ?
Établir une différence
Certains se disent « tièdes », manquant de réelle appétence sexuelle. D’autres, « drogués du sexe », n’ont de cesse de séduire. Quoi qu’il en soit, il est important d’éviter une confusion : la vie sexuelle diffère de la sexualité, au sens premier du terme, même si l’une et l’autre semblent intimement intriquées. La première est avant tout inconsciente, fantasmatique, intériorisée et affectée par le parasitage de pulsions libidinales refoulées, qui se fixent pendant les périodes pré-œdipienne et œdipienne. La deuxième est essentiellement une relation physique, extérieure, mais cette fonction génitale présente une particularité fondamentale pour l’inconscient : elle n’est pas directement liée à un processus d’auto-conservation ; on peut donc s’en passer !
Sortir de la confusion amour/sexualité
Durant la petite enfance, la zone génitale étant fortement « tabouisée », l’inconscient cherche un subterfuge pour se déculpabiliser du plaisir qu’il en éprouve puisque ce plaisir ne lui est pas vital. Il déplace la fonction de cette pulsion sexuelle en lui conférant un rôle, celui de remplir le vide, l’angoisse, tout comme le sein nourricier le fait lorsque la demande alimentaire du nourrisson se produit. Explication. L’enfant suit le raisonnement suivant : maman et papa s’aiment, ils font l’amour, maman et papa m’aiment, ils me nourrissent ; ainsi, faire l’amour c’est aussi nourrir, se dit l’inconscient du petit d’Homme. Ce raisonnement inconscient fantasmatique, bien sûr, génère une confusion entre amour et sexualité. À l’âge adulte, si cette approche erronée est restée fixée, des pathologies sexuelles peuvent se manifester de manière compulsive, répétitive, le but consistant à nourrir son partenaire de son amour pensant alors être aimé en retour... Ainsi, le drogué du sexe, selon la perception de l’amour qu’il a introjectée, poursuit une quête incessante : la recherche éperdue d’une satisfaction imaginée quantitative bien plus que qualitative. Son but ? Retrouver cette plénitude qu’il a connue enfant lorsqu’il était rassasié du lait ou de la nourriture que ses parents lui donnaient, comblant ainsi le manque, le besoin, le désir d’être aimé. Cette confusion qui concerne la fonction de la zone génitale, s’étayant ainsi sur la fonction orale, produit, chez l’enfant (puis chez certains adultes), une des façons dont il investit sa relation amoureuse. En outre, si la mère et le père n’ont pas été perçus comme s’aimant suffisamment, une image déformée de l’amour peut réduire le sujet concerné qui peut ne pas se sentir assez aimé et éprouver un besoin d’amour inconditionnel. La rencontre de l’âme sœur se fera de fait difficilement. Il est aussi héroïque pour ce type d’individus de rester fidèle car rien ne peut combler cette béance, l’objet d’amour se révélant toujours décevant. Ils finissent souvent par se retrouver seuls, acteurs involontaires de leur propre échec.
Découvrir la sexualité
S’engager dans une vie amoureuse de façon névrotique rencontre des résistances. Il y a, effectivement, une attente fantasmatique entre les membres du couple (sexuelle, intellectuelle, affective), comme si le partenaire devait unifier coûte que coûte. Vouloir posséder son amour revient donc à vouloir être idéalisé par lui, cependant qu’on ne peut pas systématiquement aimer à l’identique. C’est cette acceptation dont tout individu devrait s’accommoder. Ainsi est-il raisonnable de découvrir la sensualité car la nostalgie d’un amour qui, somme toute, reste fantasmatique et dont découlent l’obligation de performances sexuelles ou des inhibitions sexuelles, porte davantage à se détruire qu’à s’aimer.
Parvenir à un bel équilibre sentimental est toutefois réalisable. Il s’avère alors nécessaire de s’arrêter sur les 5 sens : l’olfactif, le goût, l’ouïe, la vue et enfin le toucher. Dans cet ordre-là précisément. Ainsi, se parfumer ne doit pas être un acte posé machinalement à la va-vite ; il faut apprécier les fragrances subtiles qui constituent une véritable alchimie avec les phéromones secrétées et libérées par les zones corporelles intimes : un accouplement sensoriel mais discret ! L’oralité ne doit pas se contenter d’une banale mastication : savourer en conscience déclenche un plaisir incomparable, base d’une communication sexuelle de qualité… Il y a déjà une notion de délectation avec ce début de programme épicurien ! L’ouïe n’est pas en reste : chaque fois qu’il est possible de le faire, écouter une musique de relaxation ou un concerto façon Vivaldi donne accès à une légèreté et à un optimisme, doublés d’élans passionnés qui ne demandent qu’à s’exprimer dans les bras de l’élu(e) de son cœur. Côté dressing, par exemple, la sensualité attend, là encore, d’être sollicitée : regarder avec émerveillement la tenue que l’on a choisie, en pensant au travail du créateur qui l’a conçue, pousse irrémédiablement à toucher la matière, à la caresser comme une seconde peau… Voilà comment tous les sens en éveil redéfinissent la qualité d’une relation sexuelle. Ces réflexes d’élaboration non seulement éliminent les failles potentielles du sentiment amoureux mais contribuent à assurer un lien constructif durable qui aboutira, le moment venu, à un couple solide car, comme l’a si bien écrit Tahar Ben Jelloun dans « L’auberge des pauvres », c’est le désir de l’amour qui engendre l’amour…
Philippe Recordier
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