La psycho
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      Mon gynéco et moi

      Mon gynéco et moi
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      Et combien même la douleur d’être serait en relation avec le bien-naître, pour la psychanalyse, elle ne peut se résumer à la seule tentative d’apaisement du “ traumatisme de la naissance ”, cher à Otto Rank. Vivre est tout simplement difficile quelles que soient la société ou la culture dans laquelle l’Homme évolue. Mais peut-on parler réellement d’évolution chez l’être humain ou s’agit-il d’une illusion de plus ? Les mentalités ont-elles changé au point qu’anthropologiquement parlant, on se hasarde à parler de progrès ? D’ailleurs, la famille du XXIème siècle renvoie-t-elle véritablement une image plus conviviale ?

      Un gynécologue-obstétricien, Chef de service d’une maternité de province, livre son point de vue et dévoile toute la difficulté de l’approche psychologique en gynécologie comme en obstétrique.

      Psychanalyse Magazine : En tant que gynécologue, pensez-vous que la psychanalyse s’applique à des indications précises ?
      Dr A. : Plus de la moitié des consultations gynécologiques sont des prétextes somatiques, à savoir des problèmes qui n’ont rien à voir avec la médecine à proprement parler.

      P. M. : Pour Hippocrate, le syndrome pré-menstruel était la résultante de “ l’agitation du sang cherchant à s’échapper de l’utérus ”. Cette description, quelque peu réductrice, permet de mesurer le parcours que les femmes ont accompli au cours des siècles. Cependant et alors qu’elles se sont petit à petit imposées dans des sociétés phallocrates, la douleur pré-menstruelle persiste ; en donnez-vous une explication psychologique ?
      Dr A. : Il est important de préciser ce que l’on entend par douleur pré-menstruelle. Il y a une douleur qui correspond à l’arrivée immédiate des règles et qui va être un phénomène de souffrance tissulaire. Cette souffrance libère certaines substances, telles que les prostaglandines, lesquelles commandent, entre autres, la contracture musculaire qui entraînera la sensation de douleur. C’est donc un processus physiologique. La réaction produite, le niveau de douleur éprouvé, sont effectivement liés au psychisme. Le cortex cérébral a une action sur des systèmes de commande et ainsi de suite, par paliers successifs. Ainsi parvient-on à un impact sur la cible qui va être l’ovaire, lequel va travailler d’une façon plus ou moins bonne, réagir d’une façon différente quand il souffre, entraîner des troubles vasculaires, etc. C’est-à-dire des phénomènes physiologiques purs, phénomènes physiologiques locaux qui vont finalement déboucher sur la douleur. Il est certain que le point de départ de ces phénomènes physiologiques peut être tout à fait variable, selon les soucis, les ennuis, mais la douleur, la tension pré-menstruelle est un phénomène qui, pour moi, est surtout d’ordre physiologique malgré tout. Et puis, comment pourrait-on avoir une action à l’avance sur tous les phénomènes physiologiques qui vont intervenir ? Je pense qu’il faut être simple. La preuve c’est que l’on arrive d’ailleurs très mal à arrêter les phénomènes du syndrome pré-menstruel. On a beaucoup de difficultés à avoir une thérapeutique efficace à ce niveau. Autant on dispose d’une thérapeutique efficace sur la douleur menstruelle que l’on parvient très bien à arrêter, autant le syndrome pré-menstruel reste quelque chose sur lequel on a peu d’effet.

      P. M. : Les psychanalystes assistent de plus en plus à des demandes de femmes enceintes désireuses de faire “ une préparation à la naissance ”. Ce type d’accompagnement un peu particulier vous semble-t-il intéressant, utile, voire justifié ?
      Dr A. : Je pense que c’est très utile, surtout et encore plus à partir du moment où les femmes en font la démarche. Quant à dire que ce soit justifié, dans certains cas très certainement, ne serait-ce qu’au travers de la relaxation que l’on cherche à obtenir. Mais, soyons lucides, l’accouchement de maintenant n’est plus tout à fait celui d’il y a trente ans. Il n’y avait pas la péridurale et autres méthodes analgésiques. Désormais, il existe toute une information et les futures mères sont inconsciemment  plus détendues. Ce dont j’aurais tendance à avoir un peu peur au niveau d’une analyse, c’est qu’elle pousse la réflexion très loin, alors qu’une grossesse, en fait, c’est court. J’y vois là un certain obstacle. Le temps que les gens fassent la démarche, la préparation va se faire sur une durée maximale de trois ou quatre mois. Est-il donc souhaitable dans ces conditions de démarrer une analyse, laquelle sera en général relativement longue pour obtenir un résultat ? Une fois que l’enfant sera là, la mère se trouvera devant une situation différente sur le plan matériel : les biberons, s’occuper de l’enfant, etc. Aura-t-elle encore le temps, l’argent, les moyens, de continuer ? Et qu’en sera-t-il de l’acquis qu’elle aura eu durant ces quelques mois chez le psychanalyste ? Il est certain que, intellectuellement, je suis tout à fait d’accord sur le fait que le principe puisse être utile, efficace et parfois justifié, mais dans certains cas, une relaxation de base très simple, telle que la sophrologie, peut avoir sur une durée aussi courte un résultat correct sur la conduite au moment de l’accouchement. Je ne parle pas d’un résultat en profondeur mais d’une attitude différente pendant l’accouchement. D’autre part, une analyse est-elle possible en cours de grossesse, période très excessive, où les femmes sont hyper fragilisées, hypersensibles à l’environnement extérieur, à tout ce que l’on va leur dire, à tout ce qu’elles vont voir, tout ce qu’elles vont entendre ? Peut-on obtenir un résultat dans ces conditions ?

      P. M. : Certains gynécologues ont pu constater qu’une femme, connaissant le sexe de son enfant avant la naissance, pourra adopter une attitude plus passive lors de l’accouchement. Êtes-vous de cet avis ?
      Dr A. : Non, la passivité n’est pas liée à la connaissance du sexe de l’enfant. Par contre, il est dommage de connaître le sexe de l’enfant à l’avance et il est regrettable d’avoir détourné l’échographie de son rôle pour la transformer en déterminisme de sexe.

      P. M. : Leboyer développe les avantages d’une “ naissance sans violence ” qui, selon lui, ne peut qu’amener à un monde “ meilleur ”. C’est alors l’ensemble des Maternités hospitalières qu’il faudrait modifier. La méthode Leboyer relève-t-elle de l’utopie ?
      Dr A. : Leboyer a fait beaucoup. Je suis très reconnaissant des “ méthodes Leboyer ”. C’est grâce à Leboyer que, dans les Maternités, il y a eu une prise de conscience dans le sens où on a compris qu’il n’y a pas d’obligation de “ gifler ” l’enfant pour le réveiller, par exemple, ou ne rien lui donner à manger pendant vingt-quatre heures. Des tas de choses se sont modifiés ainsi : la lumière, le bruit, avec des salles d’accouchements comprenant une baignoire, avec de la musique mais, par contre, sans surveillance médicale ou monitorale. Ceci était vraiment une réaction excessive face à l’hyper médicalisation de l’accouchement. Cependant, il faut admettre que tout changement excessif va permettre ensuite, dans un deuxième temps, de revenir à une réflexion correcte. C’est ce qui fait la force de Leboyer. Et maintenant, les Maternités  font du Leboyer tous les jours, avec peut-être en moins les heures de baignoire ! Même les femmes très “ Leboyer ” acceptent parfaitement la surveillance en monitorage. Elles demandent en fait ce qui leur semble raisonnable : le silence, l’environnement de qualité… Toutes les Maternités d’aujourd’hui ont cet acquis.

      P. M. : Le gynécologue, lors de l’accouchement, moment clef de l’existence, prend symboliquement la place du père dans le transfert puisqu’une relation triangulaire père-mère-enfant est recréée. Votre expérience vous permet-elle de parler de cette communication émotionnelle unique ?
      Dr A. : Une communication émotionnelle oui, mais moi je ne la place pas à un niveau très élevé. C’est le plaisir de partager, de voir quelqu’un d’heureux en face de soi. Le médecin est content au sens banal : la mère est heureuse, le père est heureux… L’équipe médicale vibre avec eux. Si ce n’était pas le cas, c’est qu’il y aurait un problème ailleurs. Mais une communion très “ psy ” entre le gynéco, la mère et l’enfant et excluant le père, non. Au contraire, les pères participent de façon naturelle, normale. L’enfant arrive, ce n’est pas un triangle entre l’enfant et deux autres points. Les trois points du triangle, pendant l’accouchement, sont trois adultes avec l’arrivée d’un enfant. Ce n’est pas l’exclusion d’un des membres du groupe par intégration de l’enfant.

      P. M. : Les psychanalystes sont plutôt défavorables au principe de la “ péridurale ” dans la mesure où la naissance doit engager la mère autant que l’enfant dans une sorte de “ passage à l’acte ” structurant pour les deux. Vous rangez-vous de leur côté sur ce point qui peut déranger au nom d’une morale judéo-chrétienne ? En d’autres termes, une femme doit-elle accoucher dans la douleur ?
      Dr A. : Je ne pense pas qu’une femme doive accoucher dans la douleur ; je ne vois pas pourquoi la douleur serait un bien en soi. Que, par contre, la suppression médicamenteuse de la douleur empêche de ressentir un certain nombre de sensations qui font, a posteriori, mieux intégrer la naissance de l’enfant, là je suis d’accord. D’ailleurs, beaucoup de femmes qui ont eu une péridurale pour le premier enfant n'en veulent plus pour le second ; elles disent qu’elles n’ont pas l’impression d’avoir accouché, ce qui veut bien dire que la sensation mécanique à la sortie de l’enfant est sûrement ce qui permet d’intégrer le fait d’avoir accouché. Il faut quand même limiter la douleur. La douleur est quelque chose qui est mauvais par définition, qu’elle soit morale ou physique, même si la douleur morale peut entraîner d’excellentes conséquences positives mais, à l’inverse, il faut essayer de soulager. Dire qu’une femme doit souffrir pour accoucher est totalement illogique. Elle doit se sentir bien et juger, elle, de son niveau acceptable et tolérable de douleur. Tout simplement pour éviter de prendre des risques médicaux par banalisation de péridurales. Il faut éviter les déviations mais ne pas juger pour la femme et lui laisser le choix de l’analgésie. Nous devons informer honnêtement sans pousser dans un sens ou dans l’autre.

      P. M. : Françoise Dolto a accordé une importance considérable à l’approche de la relation mère-enfant, y compris pendant la période intra-utérine. Quelle analyse faites-vous de l’apport pédo-psychanalytique ?
      Dr A. : Les histoires d’approche in utero, je n’y crois pas. Que l’enfant réagisse à des stimuli liés aux états d’âme de la mère, je suis d’accord ; il y a des secrétions de produit qui, sur un plan physiologique, entraînent effectivement des conséquences.

      P. M. : Accueillir un enfant, pour des parents, c’est avant tout le nommer. Pensez-vous que le choix d’un prénom soit lié au hasard ?
      Dr A. : Ce n’est pas “ avant tout ”, le nommer est important. Dans le choix du prénom, il y a des parents qui réfléchissent pendant tout le temps de la grossesse et même avant, d’autres qui arrivent le jour de l’accouchement sans avoir trouvé et auxquels on doit donner des bouquins à la dernière minute ! Ce choix est-il lié au hasard ? Dans certains cas oui ; la plupart du temps, le prénom est choisi en fonction des films américains, des chanteurs à la mode ou d’un souvenir amoureux…

      P. M. : La dépression “ post-partum ” frappe les profils de femmes dites “ abandonniques ” ; les confiez-vous de préférence à un psychanalyste, un psychologue ou un psychiatre ?
      Dr A. : On s’est beaucoup attaché aux problèmes hormonaux de la dépression du post-partum qui est sûrement beaucoup plus physiologique que psychologique.

      P. M. : Pour la psychanalyse, on ne naît pas parents, on le devient. Avez-vous pu vérifier cette hypothèse qui tendrait à signifier que l’instinct maternel n’existe pas ?
      Dr A. : Être parent et l’instinct maternel sont deux choses complètement différentes. Il est bien évident que l’instinct maternel existe en ce sens qu’il se trouve déjà chez l’animal ; il est indéniable au travers de toutes les réactions qu’une femelle a par rapport à ses petits. Les abandons d’enfant aujourd’hui sont quasiment inexistants. En sept ans, il y a eu deux abandons d’enfant dans notre Maternité, donc comment parler de l’expérience de l’abandon d’enfant ?

      P. M. : Lors d’une demande d’interruption de grossesse, abordez-vous l’entretien sous un angle psychanalytique et si oui, pour quelles raisons ?
      Dr A. : Non, pas du tout parce que ce serait sortir du rôle du médecin, lequel est mis devant un fait accompli, il n’a plus le choix. On pourrait, en effet, discuter avec les femmes, parler de leurs motivations, de leurs raisons mais le médecin, de par la législation, se retrouve seulement face à une technique vis-à-vis de laquelle il n’a pas le droit d’intervenir pour essayer de faire changer d’avis. C’est une loi qui, à ce niveau-là, se montre très jésuite en évoquant “ l’extrême détresse de la femme ”. Le problème n’est donc pas là. Une femme veut une interruption de grossesse : le médecin contrôle. Il y a des cas où il peut y avoir une relation différente qui va s’installer, où l’on va discuter mais ce ne sera pas sous un angle psychanalytique qui supposerait d’abord de savoir ce que cela veut dire. En présence d’une femme qui arrive pour une interruption de grossesse, paniquée, qui veut que l’acte soit vite réalisé, peut-on s’engager dans des pensées philosophiques ? Après oui, mais avant, malheureusement, non. Ce sont des personnes qu’il faut recevoir en urgence, les rajouter sur un planning. Tout doit se faire dans la journée : consultation, anesthésiste, conseil familial et fixer la date d’intervention. Nous n’avons pas le temps, en plus, de jouer les psychanalystes si tant est que nous en ayons la compétence, ce qui n’est pas le cas d’ailleurs. Et puis l’interruption de grossesse s’est banalisée…

      P. M. : Dans quelle mesure le terme “ euthanasie ” peut-il renvoyer au mot “ éthique ” ?
      Dr A. : Est-ce que l’euthanasie peut être compatible avec quelqu’un qui soigne ? C’est là où les problèmes d’éthique se posent. Est-ce qu’un médecin a le droit de pratiquer l’euthanasie alors qu’il est fait pour guérir ? Il me semble que l’euthanasie peut tout à fait s’envisager si les gens la demandent. Mais les médecins ne sont pas du tout formés pour cela.

      P. M. : Envisagez-vous l’avortement thérapeutique comme une nécessité ?
      Dr A. : Ce peut être un choix mais ce n’est jamais une nécessité. Une nécessité supposerait que ce soit des gens extérieurs qui décident en disant qu’il est nécessaire d’interrompre la grossesse. Ce n’est jamais nécessaire. Le médecin donne une information, propose éventuellement comme solution possible l’avortement thérapeutique mais, j’insiste, ce n’est jamais une nécessité, c’est un choix pour le couple. Celui-ci peut très bien faire le choix de garder l’enfant. L’avortement thérapeutique pourrait plutôt être une nécessité économique parce que nous sommes dans un pays où la structure de l’enfant anormal est très mauvaise et que, donc, nous pouvons considérer que c’est une économie pour la société de faire des avortements thérapeutiques des mal-formés parce que cela évite de les prendre en charge ensuite. Par conséquent, au niveau de l’économie du pays, c’est tout à fait envisagé par nos gouvernants parce qu’il s’agit d’une économie à tous les sens du terme. Par contre, dire que c’est une nécessité serait nier le choix de l’individu. À ce titre, je suis complètement opposé à des gens comme Lejeune ou à des commandos anti-I.V.G. parce que je pense que c’est de l’ordre des islamistes : on veut imposer une philosophie, un choix éthique ou religieux à d’autres individus qui n’en ont rien à faire. Il est normal de proposer l’avortement thérapeutique. Il peut être normal aussi de pousser en ce sens pour des raisons économiques parce que nous savons qu’après, il n’y a pas la structure pour élever l’enfant ; il faut être réaliste.

      P. M. : Il est fréquent de dire que l’être humain cherche de plus en plus à fuir les responsabilités, la souffrance. La médecine moderne, au travers d’une médication largement systématisée, favorise-t-elle ce type d’évitement ?
      Dr A. : Nous ne sommes pas pour rien le pays au monde qui consomme le plus de psychotropes mais je ne pense pas que ce soit une médication systématisée. Pour ma part, je pense que c’est une erreur et je ne supporte pas ce genre de traitement. En revanche, que l’on cherche à fuir les responsabilités et la souffrance, cela prouve que l’être humain est intelligent, à moins d’être masochiste ! Mais dire que la médecine au travers de la médication favorise ce type d’évitement, je ne suis pas d’accord. Ce n’est pas la médecine moderne au travers d’une médication, c’est le plus souvent une automédication. Je dirais même plus, ce n’est pas la médecine moderne, c’est la pharmacopée moderne : ce sont les produits que l’on fabrique qui ont entraîné leur prescription. Il est mis à la disposition des médecins des produits et ce sont les gens eux-mêmes qui réclament la prescription de ces produits-là. Ce sont davantage les industriels, en mettant sur le marché ce type de produits, qui provoquent une consommation importante et non pas le seul fait que les médecins les prescrivent.

      P. M. : Accordez-vous une sorte de responsabilité à une contraception, facilement acceptée de nos jours, dans l’augmentation régulière du nombre de divorces ?
      Dr A. : Non, c’est une question de société, la femme a évolué. Pour moi, l’augmentation du nombre de divorces, c’est la perte d’autres valeurs qui fait qu’il n’y a plus les structures d’autrefois qui étaient des structures relativement rigides dont il n’était pas facile de s’extraire. Il y a trente ou cinquante ans, la femme ne travaillait pas, maintenant elle rapporte de l’argent à la maison, quelquefois même plus que le mari et l’argent est une grande liberté, beaucoup plus que le reste. La contraception n’est qu’un des éléments qui ont accompagné le fait que la femme se soit mise sur un pied d’égalité avec l’homme. C’est davantage par le biais de l’argent que les femmes peuvent échapper à un homme qui ne leur convient pas. Le travail est donc l’élément social qui fait que la femme peut se passer d’un homme et par conséquent, le divorce est plus facile.

      P. M. : Freud a laissé un éventail de travaux sur les stades de la libido et l’ensemble de la société, depuis Mai 68, accorde une importance certaine à transmettre une “ éducation sexuelle ”. Il s’est écoulé un peu plus d’une génération depuis les balbutiements d’une dite “ libération sexuelle ” et ses trente années couvrent l’ensemble de votre carrière professionnelle. Qu’en est-il, selon vous, de la sexualité aujourd’hui et quel bilan dressez-vous ?
      Dr A. : L’éducation sexuelle est forcément une démarche positive car ce sont des éléments d’informations que l’on apporte à des jeunes ou à des moins jeunes qui ne les ont pas eus auparavant. En ce qui concerne la libération sexuelle dont on parle depuis 68, il s’agit davantage d’une image qui a été faite de l’activité sexuelle. Libération, oui, mais au sens de liberté, à savoir : je suis libre, je suis indépendant donc je fais l’amour avec qui je veux... À mon sens, la libération sexuelle n’a aucun intérêt parce que je pense qu’elle a toujours existé, que ce soit au 18ème siècle ou maintenant, avec plus ou moins de facilité. Je suis convaincu qu’au travers de cette notion, on a davantage voulu créer une image de gens libres et que cette liberté passait par la liberté sexuelle, ce qui, malheureusement, est faux. Je prends l’image au sens propre, l’image vidéo par exemple, sorte d’éducation sexuelle totalement erronée et la facilité avec laquelle les individus s’identifient aux films. J’ai vu des couples venir en consultation me dire : On n’est pas normaux ? Qu’est-ce qu’il faut que l’on fasse ? Je pense que là une grave erreur a été commise en offrant aux spectateurs une sorte de repère, complètement fictif, excessif, d’une image de l’acte sexuel dans l’unique but de se vendre mais qui, sur des esprits un peu fragiles, un peu jeunes, peut créer l’équivalence d’une référence sexuelle. La liberté sexuelle a toujours été possible. C’est un choix des individus et la libération sexuelle consiste davantage en une forme de provocation dans la parole. Je trouve la sexualité d’aujourd’hui très perturbée, n’ayant pas la qualité qu’elle devrait avoir. La sexualité, au sens propre, n’est pas seulement l’acte, c’est tout un environnement. Comment faire la cour par exemple ? C’est avant tout la relation entre deux individus. Même chez les animaux, entre un mâle et une femelle, s’instaure tout un rituel qui peut durer des heures, avant de finir, éventuellement, par un accouplement. Les humains, de façon générale, ont trop ramené la sexualité à un niveau physique pur, à l’acte seul et c’est bien triste.

      P. M. : S’il vous arrive de travailler en collaboration avec des sexologues, dans quel cas leur adressez-vous une patiente ou un couple ?
      Dr A. : Je ne travaille pas avec des sexologues parce que, sincèrement, ils me font peur ! Il est d’autant plus difficile de juger que ce ne sont que des “ on dit ”, des rapports de patientes. Ce qui m’arrive, c’est d’orienter vers des psy. Car, dans certains cas, il est impossible de ne pas adresser les gens vers quelqu’un. Mais la prise en charge consiste le plus souvent davantage à leur faire comprendre que leurs repères, dans le domaine de la sexualité, sont faux. Les analystes sont fréquemment les seuls qui pourront régler leurs problèmes. Cela repose tellement sur des choses anciennes. Ce n’est qu’en travaillant sur le psychisme qu’il est possible de résoudre les difficultés et surtout de mettre en évidence qu’il ne s’agit pas d’un problème disons “ technique ”, lié à l’acte sexuel. Je constate, malgré tout, que, bien souvent, nous ne savons pas trop où envoyer nos patients et là, il me semble qu’il y a un manque.

      P. M. : Le sida, maladie d’amour par excellence, a-t-elle un sens qui impliquerait que la société doive réellement s’interroger au travers d’un système de valeurs qui, pour certains, est anéanti ?
      Dr A. : Pour moi, le sida n’a rien à voir avec un système de valeurs. Aucun système de valeur n’est anéanti. Pas plus qu’il ne s’agit d’une maladie d’amour ; c’est une maladie virale transmise pour des raisons de déficience locale qui, en fait, s’est beaucoup plus transmise, tout comme l’hépatite B, à cause de la drogue. Pourquoi les homosexuels ont-ils été les premiers à être contaminés ? Tout simplement parce que la muqueuse rectale est considérablement plus fragile que la muqueuse vaginale, donc se blesse et se surrinfecte plus facilement ; il en résulte des états inflammatoires importants favorisant ainsi l’atteinte virale par diminution des défenses de l’organisme. C’est pour cette raison que l’on rencontre, par exemple, des femmes qui ont eu un partenaire H.I.V positif, pendant des années, sans être contaminées ; cela s’explique chez des femmes qui sont saines et qui, localement, n’ont aucun problème. Donc, pour moi, le sida n’est pas une maladie virale comme une autre qui, malheureusement, s’est développée sur une catégorie d’individus qui l’a transmise comme n’importe quelle autre maladie virale et je pense que l’on doit surtout s’interroger sur l’information que l’on aurait dû faire aux gens, davantage que sur les problèmes de valeurs.

      P. M. : L’attitude de l’adolescente en consultation gynécologique s’est-elle modifiée et si oui, pouvez-vous préciser en quoi ?
      Dr A. : Son attitude ne s’est pas véritablement modifiée bien que la consultation gynécologique soit devenue plus facile parce que banalisée. L’adolescente de seize ou dix-sept ans qui vient pour une prescription de pilule, je ne la trouve pas différente d’il y a 25 ans. La plupart du temps, elle reste extrêmement pudique. Elle fait beaucoup d’efforts pour se faire examiner ; elle est rarement au “ top ” de la décontraction. Même la culpabilité n’a pas disparu dans sa totalité, ce qui prouve bien que la libération sexuelle ne veut pas dire grand’chose.

      P. M. : Dans un même ordre d’idée, avez-vous vu se transformer le profil paternel dans le sens d’une participation plus développée au sein de la famille. Son rôle vous semble-t-il dès lors actif et une communication père-enfant moins “ tabouisée ” peut-elle, à la longue, donner une place différente à la mère ?
      Dr A. : Il m’est impossible de répondre à cette question car, sur le plan médical, je n’ai jamais de contact avec les pères. Je peux répondre à titre individuel, bien que ce soit difficile. Cela dépend du caractère du père ; je me rends compte avoir eu, vis-à-vis de mes enfants, une place très singulière. Il n’y a eu aucun tabou. Le système dans lequel ils ont été élevés a fait que, dès leur plus jeune âge, le sexe a été quelque chose de tout à fait normal et naturel, ne serait-ce qu’avec les livres qui se trouvaient dans la bibliothèque et dans la façon dont je parlais. Ils pouvaient me demander, me poser des tas de questions mais qui, finalement, étaient plus en relation avec des lectures ou des émissions de télé. Il y a une image tout à fait particulière du sexe au travers d’un père gynécologue, alors qu’un père qui exercera une autre profession n’aura sûrement pas la même relation avec ses enfants. Finalement, à titre individuel, ma réponse n’a pas grande valeur.

      P. M. : Quel portrait psychologique traceriez-vous de la femme du XXIème siècle ?
      Dr A. : Je pense qu’au niveau psychologique, la femme du XXIème siècle va retrouver l’intérêt d’être femme avec ce que cela comporte de féminité, à savoir une certaine fragilité, une place en quelque sorte qui n’est peut-être pas tout à fait celle qu’elle a obtenue par le biais du travail. Cela ne signifie pas une position inférieure à celle de l’homme mais, tout simplement, ré-instaurer la féminité qui s’est beaucoup perdue de par l’évolution sociale. C’est peut-être de ma part un discours machiste mais je trouve qu’il y a dans la féminité un élément de fragilité, véritable ou faux, dont la femme a besoin, même si, dans les faits, elle n’en éprouve pas forcément la nécessité. En d’autres termes, il faudrait que la femme, qui est nettement plus maligne que l’homme, sache revenir à cette forme d’intelligence au travers de laquelle elle pourra donner à l’homme la sensation qu’elle a un peu besoin de lui, le sentiment qu’il lui est nécessaire, même si ce n’est qu’une impression, qu’une perception. Tout comme c’est le mâle qui part à la chasse, l’homme a peut-être besoin, pour être rassuré, d’entendre dire qu’il est le plus fort, le meilleur !

      P. M. : Vous êtes Chef de Service d’une Maternité. On parle d’un processus de dénatalisation depuis quelques décennies. Quel constat faites-vous ?
      Dr A. : Ici, il n’y a pas de dénatalisation parce que nous sommes dans une zone agricole, c’est très stable. Il y a beaucoup de villes qui ont vu leur recrutement dans les Maternités se modifier par restructuration des lieux d’accouchement environnants. Actuellement, ce que l’on constate est une augmentation de la natalité chez les gens qui n’ont plus de ressources ; ce qui laisse à penser que pour ceux qui n’ont plus de travail, faire des enfants est un moyen de se sécuriser, de se donner l’impression qu’ils ont un rôle social plus important. Par ailleurs, les aides nombreuses ont favorisé le développement du phénomène de “ parent isolé ”. Or, dans la réalité, pour la jeune femme dite “ parent isolé ”, il y a un homme mais qui prend soin de faire en sorte de ne pas apparaître. Ce sont donc de faux “ parents isolés ”. Il fut une époque où les enquêtes des Allocations Familiales parvenaient à dépister ce genre de fraude ; aujourd’hui, ce n’est plus possible par manque de personnel. Il est impressionnant de constater le nombre de gens qui sont au RMI, au chômage, qui n’ont plus de ressources et qui font des enfants, alors qu’ils n’ont pas de quoi les élever. Ce qui veut bien dire que la crainte de l’avenir, la non-place sociale, font que les individus, par le biais des grossesses, cherchent à obtenir quelque chose : pour certains, ce peut être le sentiment qu’ils vont avoir une place meilleure en étant parents, pour d’autres, ce sera l’impression qu’ils vont gagner de l’argent parce qu’ils vont recevoir des aides…

      P. M. : Que diriez-vous du métier de gynécologue ?
      Dr A. : Le privilège de cette profession, c’est d’être aussi bien celui auquel l’adolescente de quinze ans, que la grand-mère de soixante dix-huit ans, peut s’adresser durant toute sa vie de femme pour aborder des problèmes souvent délicats. Le gynécologue est le prestataire de service universel de la femme pouvant dans tous les épisodes importants de sa vie être présent, que ce soit la puberté, la grossesse ou la ménopause.

       

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