Marie-France, enseignante, offre un précieux témoignage. À lire absolument.
Signes & sens : Quelle raison vous a amenée à faire un travail de psychothérapie ?
Marie-France : Un état de mal être, avec des envies suicidaires liées à l’effondrement de toutes les valeurs morales sur lesquelles était construite mon éducation. Le déclencheur a été un problème professionnel qui a ouvert en moi une plaie si profonde qu’il m’a fallu la nettoyer « jusqu’à mon enfance ».
S & s : Vous êtes donc depuis dix-sept ans en thérapie avec un neuropsychiatre ?
M. F. : J’ai d’abord eu affaire à une psychologue mais cela ne m’a pas aidée. En fait, au temps fort de ma dépression, je parlais déjà avec les murs et les deux séances avec cette personne m’ont fait le même effet. Aucune intervention de sa part… Le mur !
S & s : En psychanalyse pourtant, la part d’interprétation du thérapeute est essentielle. Freud a beaucoup insisté sur cet aspect de la profession… Vous avez donc décidé de passer du psychologue au psychiatre ?
M. F. : Oui et je dois dire avec bonheur puisque ce médecin m’a réellement prise en charge. Il incarne le père, la mère, desquels j’ai toujours voulu me faire aimer.
S & s : La psychanalyse parle à ce sujet de transfert positif mais il existe dans la cure son contraire, le transfert négatif : celui-ci va permettre de se détacher de l’analyste et donc des parents fantasmatiques pour vivre son propre désir. Avez-vous déjà ressenti un sentiment d’hostilité face à votre psychiatre ?
M. F. : Je dois avouer que même si j’ai parfois eu de la difficulté à me rendre chez lui, je lui ai toujours voué une sorte de culte.
S & s : Parallèlement, vous avez traversé une épreuve somatique douloureuse ?
M. F. : En effet, il m’arrive de dire que « j’ai eu la chance d’avoir un cancer du sein » !
S & s : Peut-on parler d’une forme d’autopunition ?
M. F. : Absolument ! Ce cancer était vraiment la manifestation physique d’un désir morbide. Mais, paradoxalement, il m’a permis d’apprécier la vie ! Avant ma maladie, j’avais l’impression que ma souffrance n’était pas reconnue. J’ai d’ailleurs eu du mal à ce que les médecins différencient ma dépression d’avec une réelle atteinte organique. Ils me disaient : « C’est purement imaginaire ». J’ai même surpris l’un d’entre eux faisant à l’adresse de mon mari un signe avec son doigt sur la tête pour tout diagnostic ! Seul mon médecin psychiatre m’a encouragée à poursuivre les examens.
S & s : La psychanalyse évoque, à propos des somatisations, les bénéfices que peut en tirer l’inconscient. Pensez-vous que cela puisse s’appliquer à votre histoire ?
M. F. : C’est très curieux ce que vous dites. Le cancer s’est manifesté lors de la phase de guérison de ma maladie nerveuse. Je suis fermement convaincue que je me le suis fabriqué de toute pièce. Il y a eu un soulagement lorsqu’il a été reconnu. J’ai pu me battre contre quelque chose de concret. Et le grand paradoxe est que cela m’a redonné une envie folle de vivre !
S & s : Pouvez-vous aujourd’hui envisager la séparation d’avec votre thérapeute ?
M. F. : J’ai guéri de ma dépression en guérissant de mon cancer. J’ai même retrouvé la Foi en Dieu, chose que j’avais rejetée de par mon éducation puritaine. Tout cela, je le dois à la psychothérapie et à mon psychiatre. Alors ! Même si je le vois beaucoup moins souvent, je sais qu’il sera toujours là pour moi et cette certitude me soutient.
S & s : Faites-vous une distinction entre psychologue, psychiatre et psychanalyste ?
M. F. : Non ! Pour moi, le plus important reste la qualité de la relation.
S & s : Pouvez-vous en quelques mots apporter une conclusion à notre entretien ?
M. F. : Il m’est très difficile de me limiter à quelques mots mais ce que je voudrais préciser, c’est que, outre mon mari et mon psychiatre, vous êtes la première personne à qui j’ose parler sans retenue de mon histoire. Aussi, j’espère de tout cœur que mon témoignage pourra servir à vos lecteurs.
S & s : Si je vous dis que ce n’est ni la psychiatrie, ni la psychologie, ni la psychanalyse qui guérit mais l’Amour, comment réagissez-vous ?
M. F. : Par une évidente adhésion !
Propos recueillis par Isabelle Mollard
