Stop aux fOtes d’orthographe !

Il est important, lorsqu’on désire s’intéresser à l’orthographe, de comprendre qu’une langue évolue en fonction des époques et des peuples qui les traversent. Si le latin et le grec étaient, dans l’Antiquité, considérés comme le nec plus ultra de la culture, force est de constater qu’aujourd’hui ils ne sont plus parlés, d’où leur qualificatif de langues mortes. Ce qui n’empêche pas notre langue française d’en rester fortement imprégnée. À partir du début du XVIème siècle, période où la littérature a cessé peu à peu de s’exprimer essentiellement en latin, des imprimeurs, comme Geoffroy Tory, appuyés par des auteurs tels Ronsard, sont devenus les véritables pionniers de l’orthographe française. Face à la pluralité des dialectes ruraux, il était nécessaire d’ériger des règles unificatrices afin que les textes fussent accessibles au plus grand nombre. Mais ce mouvement de simplification n’alla pas de soi. En effet, il n’était pas question, pour l’élite, que le peuple accédât à ce qui, selon l’académicien Mézeray, distingue les gens de lettres d’avec les ignorants et les simples femmes… Ainsi les précurseurs de l’orthographe française étaient-ils facilement accusés de protestantisme. Parmi les nouveautés auxquelles résistaient les tenants d’une écriture élitique, figurait l’utilisation des accents aigus, graves et circonflexes. Ces signes linguistiques furent choisis pour raccourcir les mots, tout en gardant la trace de la lettre originelle, l’accent circonflexe remplaçant par exemple le s (hôpital au lieu de hospital). Au XVIIIème siècle, on supprima certaines consonnes muettes et Voltaire fit adopter le ai au lieu du oi (français au lieu de françois). Peu à peu, les règles actuelles prirent forme mais sans rester immuables, preuve de la vitalité d’une langue. La dernière réforme, datant de 1990, a occasionné plus de 1500 rectifications dans le Petit Robert de 1993. Parmi elles, la suppression des traits d’union dans certains mots comme portemonnaie ou weekend, la tolérance au niveau de l’accent circonflexe (facultatif) sur le i et le u d’un verbe au passé simple et au subjonctif, ou encore l’emploi du tréma sur la voyelle qui doit être prononcé comme dans aigüe ou gageüre…

Dans la mesure où l’orthographe renvoie à un code accepté par tous, la respecter au mieux revient à respecter son interlocuteur. Certes, l’orthographe du français est sans doute, avec celle du japonais, et pour des raisons différentes, l’une des plus difficiles au monde, explique Jean-Pierre Jaffré, chercheur au CNRS dans le laboratoire HESO (Histoire Et Structure des Orthographe et système d’écriture). Mais peut-être est-elle ainsi la plus riche de sens ? Le fait qu’elle ne soit pas seulement une transcription phonétique, comme le voudraient certains adeptes du tout SMS, aide à la précision de la pensée et à la compréhension mutuelle. Heureusement que sévère ne s’écrit pas comme ses verres ou encore comme c’est vert. On imagine la confusion sémantique qui s’installerait dans une société où l’écrit ferait fi de toute différence. On assisterait bel et bien à une régression de type oral qui annihilerait toute la créativité humaine, depuis le temps des cavernes jusqu’à nos jours. In fine, prendre en compte l’orthographe revient à s’inscrire honorablement dans notre lignée d’Homo sapiens en constante évolution…

Tout un chacun est capable de diminuer le nombre de ses fautes d’orthographe. Pour y parvenir, il n’est pas question de s’autocensurer ni de se culpabiliser, ce qui aboutirait à une absence totale de mise en acte. Une fois intégré le sens à donner à une orthographe de qualité, passons à la pratique. Jean-Pierre Jaffré préconise trois phases essentielles à toute production écrite : l’élaboration du texte, l’analyse de ses composantes et enfin la réécriture.
1) L’élaboration du texte : il s’agit ici, dans un premier jet, de ne s’attacher qu’au contenu de ce que l’on veut écrire, sans se sentir bloqué par le risque de fautes. Le mieux est d’écrire manuellement mais vous pouvez aussi vous servir d’un traitement de texte. Comparez cette phase à l’esquisse du peintre.
2) L’analyse des composantes : cette phase intermédiaire est capitale. Il est question ici, effectivement, de s’occuper davantage de la forme que du fond. À la relecture, corrigez déjà certaines fautes d’usage que vous avez pu laisser passer. Il existe également des correcteurs d’orthographe qui vous alerteront si vous tapez votre texte sur un clavier informatique. Toutefois, l’outil incontournable reste le dictionnaire lorsqu’un doute persiste. D’autant que ces ouvrages spécialisés sont souvent munis de tables de conjugaison et de précis grammaticaux. Si cette phase vous paraît difficile, n’hésitez pas – et sans complexe – à montrer votre texte à quelqu’un de votre entourage, à condition qu’il ne porte aucun jugement négatif sur vos erreurs orthographiques. C’est aussi un excellent moyen de se perfectionner, tout en instaurant une situation de communication évolutive.
3) La réécriture : cette phase finale vous rappellera certainement le temps où vous recopiiez votre brouillon sur votre copie définitive. Mais sachez que la méthode est loin d’être inefficace. Elle vous apportera de surcroît le plaisir de l’œuvre achevée, sans rature ni sentiment d’avoir raté votre cible (ce qui est la véritable définition du mot péché auquel la faute renvoie souvent de manière péjorative)…