Se mettre dans la peau
de Lucian Freud….

 
Se mettre dans la peau de Lucian Freud….
©iStock
 


L’œuvre de Lucian Freud est partagée en plusieurs périodes. Cet éminent peintre commence sa carrière par des peintures surréalistes, puis la poursuit par une série réaliste dite « néoromantique » qui se caractérise par des toiles faites avec une texture légère. Ensuite vient la période de maturité. Freud peint dorénavant dans une texture épaisse, utilisant des tons bruns, gris et blancs. Les portraits apparaissent souvent avec une gravité singulière ne voulant dissimuler aucune partie du visage du modèle. Les portraits, et notamment ses autoportraits, sont brossés sur le vif, repris de nombreuses fois. Leur observation éclaire non seulement sur l’évolution technique de l’artiste mais, également, sur le rapport qu’il entretient avec le corps et la peau. Ses dernières œuvres mettent ainsi en évidence une granulosité marquée…

Lucian Freud naît le 8 décembre 1922 à Berlin. Son père, l’architecte Ernst Ludwig Freud, est le plus jeune fils du fondateur de la psychanalyse. Il fuit la montée du nazisme et s’installe en 1934 avec sa famille en Angleterre. Sigmund Freud les rejoint en 1938 à la suite de l’Anschluss de l’Autriche. Cette même année, il entre à l’École de peinture et de dessin d’« East Anglia » et en 1942 au « Goldsmiths College » de Londres. Mais déjà, en 1939, ses tableaux sont publiés, entre autres dans la revue « Horizon » et, en 1944, ses peintures exposées. Il revient très régulièrement à Paris pour rencontrer Picasso et Giacometti. Marié et divorcé d’unions différentes, Lucian Freud est père de plusieurs enfants dont la designer de mode Bella Freud, l’écrivain Esther Freud et l’artiste Jan Mc Adam Freud. Ses toiles ne sont maintenant que rarement exposées dans des galeries ou des musées : elles appartiennent généralement à quelques collectionneurs, ces tableaux restant en leur possession, montrés dans leurs propres demeures, comme s’il y avait quelque chose de personnel dans leur signification. Nous trouvons peut-être ici la spécificité de l’œuvre de Freud : ses toiles touchent à l’intime de l’être. C’est d’ailleurs dans l’évolution du travail sur la matière qui compose ses portraits et autoportraits que nous pouvons comprendre le rapport qu’entretient l’artiste avec le corporel et, en particulier, son enveloppe.

Les périodes de création


L’étude des autoportraits de Lucian Freud restitue l’évolution et l’avancée humaine. En effet, les premiers portraits sont plus lisses, les contours du visage restent flous, les traits ne sont pas marqués. Avec le temps, les portraits semblent prendre du relief, de l’épaisseur, la peau du visage se craquèle légèrement. Les derniers tableaux donnent à voir des faciès qui semblent recouverts d’une certaine pellicule granuleuse et épaisse. Dans un autoportrait, où l’on aperçoit le peintre entièrement nu, on comprend mieux l’importance qu’il porte au corps dans le rapport avec l’autre. La chair est en quelque sorte l’instrument qui permet de rentrer en contact. Elle est aussi, avec la peau, ce qui nous délimite en tant qu’être incarné. Ce travail sur le contenant ne ressemble à aucun autre. Pour Lucian Freud, la peinture - et sa matière - doit être le miroir montrant l’expérience des personnes.

La place de la peau dans la psychanalyse


Comme le souligne Danièle Pomey-Rey, dermatologue, psychiatre et psychanalyste, la peau renvoie à de nombreuses formes : peau fragile des enfants, peau grasse des adolescents, peau sèche et tachée des personnes âgées. Elle est l’objet de toutes nos attentions, voire de tous nos complexes.
> Le regard de Sigmund Freud : c’est à partir de l’organe peau, de son amplitude, que le maître de la psychanalyse met en place une représentation de l’appareil psychique et de son fonctionnement. La peau s’impose, dans cette conception, tel un cerveau étalé. Comme la peau, la psyché est étendue, mais elle ne le sait pas, dit Freud dans « Résultats, idées, problèmes ». Dans « Le moi et le ça », il écrit que le moi conscient est avant tout un moi corporel, il n’est pas seulement un être de surface, mais lui-même la projection d’une surface. Ce qui fait dire à Pomey-Rey : Plus encore qu’un cerveau étalé : prolongement du psychisme dans l’ordre de la matière. Le psychanalyste Didier Anzieu récupère le modèle freudien pour fondre la peau avec le moi, lui attribuant ainsi une forme de charpente, d’enveloppe. Quant à Jacques Lacan, il nous interpelle en énonçant que l’inconscient freudien se situe entre cuir et chair. Autrement dit, le « moi imaginaire » compare la peau à la forme d’un sac irréversible où le moi devient le trou du sac. Avec Lacan, la peau se révèle une corporéisation où se projettent et se dissimulent des perceptions provenant de l’intérieur et de l’extérieur. Si elle est un contenant, elle est un contenant qui s’exprime, elle montre à l’individu et aux autres sa force ou ses faiblesses. Dans ses travaux, Pomey-Rey écrit encore : Ma longue expérience, aujourd’hui partagée avec un certain nombre de mes confrères plus jeunes, m’amène à considérer comme une certitude le fait que le système nerveux traduit les stress, émotions et pensées en langage biochimique au niveau cutané.
> Le premier des sens : de tous les organes sensoriels, le toucher est le premier sens à apparaître au huitième mois de la gestation. Le primat du contact affectif par la peau est physiologiquement à l’origine de la totalité du développement sensoriel du nouveau-né. Son absence a des conséquences psychiques et vitales. L’œuvre de Lucian Freud est évolutive, notamment au niveau de sa technique de peinture. Toutefois, sur un plan personnel, ne faudrait-il pas y voir une forme de recherche régressive amenant le peintre à retrouver le contact primaire à la mère ? Une recherche de ce « peau à peau » primitif.

La recherche de fusion


Dans son dernier autoportrait, Lucian Freud se donne à voir nu, seul avec son couteau et sa palette de peintre. Il porte des chaussons éventrés, sans réelles formes. Il semble inactif, figé dans un mouvement régressif. Cette nudité n’est-elle pas celle de l’enfant qui vient au monde et qui cherche la fusion avec la peau de sa mère ? Freud est âgé de 85 ans lorsqu’il peint cette toile : la représentation de la peau n’y est pas aussi granuleuse que dans certains de ses tableaux. Ici, cette enveloppe ne semble pas si marquée par les années. Elle ne paraît pas être celle d’un octogénaire. Autrement dit cette peau, ainsi peinte, n’est pas repoussante. Elle invite même à être touchée sans que l’autre ne ressente une forme de dégoût. La vie sentimentale de Lucian Freud peut venir en écho à cette envie perpétuelle de toucher et d’être touché par un corps de femme. Dans cet ordre d’idée, soulignons que la presse britannique insiste souvent sur la vie sentimentale tumultueuse du peintre et de ses nombreuses maîtresses car malgré ses 87 ans, il vit encore des relations amoureuses avec des femmes de 40 à 50 ans de moins que lui. Le contact charnel avec des partenaires plus jeunes ne correspondrait-il pas, là encore (en-corps ?), à cette recherche sans fin des premiers contacts maternels ? Quoi qu’il en soit, l’œuvre de Lucian Freud vient nous interpeller sur notre propre rapport au corps et les possibles connections entre l’inconscient et la peau.

 

Dominique Séjalon

 

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