Sylvie Vartan
Un exigeant destin

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« Entre l’ombre et la lumière »*, est un livre de souvenirs où l’artiste raconte pour la première fois les coulisses de sa vie, depuis ce jour de décembre 1952 où elle fuyait sa Bulgarie natale avec ses parents et son frère pour échapper à la dictature stalinienne. L’occasion de rencontrer cette chanteuse à la vie étonnante comme un roman, dévorée dès l’enfance par l’envie brûlante d’être artiste.

Je magazine : Pourquoi avoir choisi de publier vos souvenirs ?
Sylvie Vartan : On ne connaît souvent de mon existence que le côté flamboyant, pas ce qui est dans l’ombre. Après le décès de mon frère, j’ai eu envie de raconter ce qui est davantage un parcours humain que celui d’une chanteuse. J’ai voulu rendre hommage à ceux qui ont littéralement sacrifié leur vie pour faire notre bonheur : ma mère, arrachée à sa famille et à son pays, mon père qui a renoncé à ses dons artistiques pour nous faire vivre… Ce sont des gens exceptionnels, très dignes et courageux, d’une générosité folle. Je souhaitais montrer à mes enfants ce qu’ont été leurs vies, pour qu’ils sachent d’où ils viennent, quel exemple ils peuvent tirer de l’histoire de ces gens merveilleux qui ont tant donné et ont eu des existences tellement plus difficiles.

J. M. : Votre vie est un véritable roman. Elle oscille constamment entre drame et conte de fée, semblant refuser toute demi-mesure. En ce sens, elle vous ressemble terriblement…
S. V. : C’est vrai, avec moi, c’est tout ou rien. La tiédeur m’est étrangère, je vis avec la violence de mes sentiments. Est-ce la vie qui m’a faite comme ça ou l’inverse ? Les deux sont indissociables, même si je pense avoir beaucoup influé sur mon existence. En tout cas, rien n’a jamais été prémédité.

J. M. : Ce destin hors du commun, vous l’expliquez comment ?
S. V. : Je serais bien en mal de le dire ! Mais je crois que lorsque, enfant, on est porteur d’un rêve et qu’une bonne étoile s’est penchée sur vous en vous donnant un certain talent, votre vie est déjà un peu tracée. Vous vous retrouvez comme sur des rails. Il s’agit ensuite de discerner les bons chemins des mauvais, de ne pas se tromper d’aiguillage.

J. M. : Très tôt dans votre carrière, vous avez été confrontée au revers de la célébrité : l’absence de vie privée. Votre mariage avec Johnny Hallyday en 1965 a été complètement gâché à vos yeux par l’acharnement de la presse…
S. V. : La surexposition médiatique a été quelque chose de totalement inattendu pour moi au départ. C’était terrible de perdre ainsi notre intimité, alors qu’il était déjà difficile pour un couple aussi jeune que le nôtre d’exister. Quand vos moindres faits et gestes sont épiés, déformés, lorsque des histoires plus ou moins fausses courent sur vous à la une des journaux, vous sentez que vous êtes en train de vous perdre vous-même. Cette célébrité, j’en ai finalement pris mon parti et je suis parvenue à l’apprivoiser avec le temps.

J. M. : De quelle manière ?
S. V. : En me refermant sur moi-même. Trop de bruit et trop d’adulation font qu’on essaie inconsciemment de se protéger. On devient beaucoup plus sauvage. Et puis, j’ai eu la chance d’avoir mon fils très jeune. Ce noyau familial formé par David et mes parents a très vite été ma planche de salut, y compris dans les moments les plus sombres.

J. M. : Gérer les aléas de la célébrité n’est pas donné à tout le monde. Certains artistes n’ont pas su résister à cette grande détresse qui pointe souvent derrière les paillettes…
S. V. : Je peux comprendre cela très bien. Deux heures durant, on s’épuise, on est assourdi par la musique et aveuglé par les lumières, les émotions sont au paroxysme. Mais une fois les projecteurs arrêtés, on se sent soudain terriblement seul. On réalise subitement que tout cela, au fond, ne dure que le temps d’un spectacle, que le rideau retombé, les gens retournent chez eux et ne pensent plus à vous. La vie paraît d’autant plus vide. C’est très brutal, vous tombez du haut de la tour Eiffel d’un seul coup, comme en état de manque. La scène est comme une drogue. Si on n’a pas su se ménager de garde-fous, on sombre.

J. M. : Le 14 août 1966, lorsque vous mettez au monde votre fils David, Johnny Hallyday est absent. Vous constatez qu’il n’est pas prêt à être père…
S. V. : C’est qu’à l’époque, il est encore un gosse lui-même. Une femme qui devient mère assume sa maternité tout de suite. Ce bébé, c’est une extension de son corps. Pour un homme, le processus est beaucoup plus complexe. La paternité n’est pas viscérale, contrairement à la relation d’une mère avec son enfant, qui passe par le sang.

J. M. : L’échec de votre mariage avec Johnny n’est-il pas aussi celui de deux personnalités écorchées vives, un peu dépassées par le succès ?
S. V. : Cela a compliqué la situation. Tout ce qui nous a rapprochés nous a séparés. Chacun a cherché chez l’autre une épaule, qu’il n’a pas toujours su offrir puisqu’au même moment, chacun était en proie à ses propres angoisses, contradictions et faiblesses. Le timing aurait pu être plus favorable.

J. M. : Quand votre fils David a divorcé d’Estelle Lefébure, cela ne vous a-t-il pas ramené à votre séparation d’avec Johnny ?
S. V. : On souffre beaucoup plus quand cela arrive à votre fils qu’à vous-même. Quand les enfants sont petits, c’est magnifique, on peut tout régler pour eux. On a l’impression d’être le bon Dieu et de pouvoir les protéger de la souffrance. Mais une fois qu’ils sont devenus adultes, on se sent désarmé, impuissant. Plus question de vivre leur vie à leur place, on ne peut plus rien pour eux, sinon leur dire qu’on est là à leurs côtés. Cette transition est probablement l’une des plus douloureuses pour les parents.

J. M. : N’avez-vous pas eu peur, lorsque David a décidé de suivre vos pas, qu’il se fasse brûler par ce métier, comme tant d’autres ?
S. V. : Non, car il me ressemble beaucoup : il a cette distance et cette gravité qui en font quelqu’un de très fort intérieurement. Tout petit déjà, cela ne faisait pas de doute que la musique serait son chemin. Il est né batteur. À 7 ans, il se livrait à des solos de batterie hallucinants, sans avoir jamais appris cet instrument. C’était un don du Ciel, comme les enfants qui sont matheux à la naissance. J’étais heureuse qu’il vienne au monde sous cette étoile artistique, de savoir qu’il vibrait pour quelque chose qui le guiderait toute sa vie. Il était sur ses rails, comme je l’avais été avant lui, lorsque je m’étais mise à suivre mon chemin de chanteuse, irrémédiablement, en toute inconscience et innocence. Pas pour l’argent ou pour la célébrité, juste parce que je sentais au plus profond de moi qu’il n’y avait aucun autre choix possible que d’assouvir cette envie brûlante d’être artiste.

J. M. : Vous avez survécu à deux graves accidents de la route, l’un en 1968 qui a coûté la vie à l’une de vos amies, l’autre deux ans plus tard, dont vous êtes sortie défigurée. Comment avez-vous réussi à surmonter ces épreuves ?
S. V. : Si je n’avais pas eu David, peut-être n’en aurais-je pas eu la force. Mais avec lui, je n’avais pas le choix. J’avais ce devoir impérieux de me relever pour continuer à être présente et à le protéger. Quand on donne la vie à un enfant, on se doit de vouer la sienne à celui-ci. Après ces accidents, j’étais contente d’être toujours en vie et d’être là pour lui. Le reste était secondaire.

J. M. : Depuis de nombreuses années, vous passez votre vie entre deux avions, avec valises, chiens, chats, maman et enfant… On pourrait y voir une réminiscence de votre enfance d’exilée, qui ne serait finalement bien nulle part…
S. V. : Je me sens bien partout, au contraire ! Quand je suis en tournée, je me trimbale avec toute ma petite panoplie, mes objets… un vrai univers miniature portatif. Je m’établis, momentanément. J’arrive à m’installer partout, mais nulle part vraiment. Si je m’établissais véritablement, cela m’angoisserait horriblement. Le point fixe me terrorise.

J. M. : On vous dit terriblement exigeante, vous dites abhorrer le désordre…
S. V. : Il m’angoisse en effet. Je suis extrêmement méticuleuse. Je m’attache à toujours tout faire le mieux possible. Il faudra un jour que je me mette dans la tête que la perfection n’est pas de ce monde ! C’est pénible et douloureux à vivre.

J. M. : Après l’incendie de votre maison de Los Angeles en 1998, la seule chose que vous retrouviez intacte dans votre chambre est l’image d’un ange protégeant deux enfants, illustration qui se trouvait au-dessus de votre lit, petite… Vous qui faites souvent référence à une « bonne étoile », croyez-vous avoir une sorte d’ange gardien ?
S. V. : Cette histoire pourrait être inventée, on dirait une scène de film ! Oui, je crois que cet épisode extraordinaire était un signe. Cet ange gardien, je le respecte et je l’aime. Je crois en lui et j’ai confiance.

J. M. : Vous avez donc la foi ?
S. V. : Ma mère est croyante et j’ai été élevée dans sa conviction. Même si vous ne pratiquez pas de manière régulière, cela vous donne une prédisposition à croire en quelque chose.

J. M. : Être artiste, c’est vouloir prolonger un état de merveilleuse irréalité pour échapper à la cruauté du monde, dites-vous…
S. V. : Toute discipline artistique a cette capacité de vous transporter dans un autre univers. Cela vous envoûte, vous prend complètement, vous emmène ailleurs. C’est ce que j’ai recherché moi aussi. L’évasion, quel beau mot !

J. M. : Dans « Invisible », un beau titre caché figurant à la fin d’un de vos albums, vous évoquez le moment où vous quitterez le feu des projecteurs. On doute pourtant que vous puissiez un jour mettre fin à ce rêve qui est devenu votre vie, votre drogue…
S. V. : Je n’aime pas le mot fin, quel que soit le domaine. En fait, je ne veux pas trop réfléchir à ça pour l'instant, même si, au fond, je sais que tout le monde doit inscrire le mot fin à un moment donné. Ce que j’espère, c’est que cela viendra sans douleur. Quand on choisit volontairement de s’arrêter, ça se fait sans trop de souffrances. Alors, j’espère que cela se passera comme ça, de manière naturelle, ou bien que l’envie me quittera. Qui sait, peut-être un jour désirerai-je autre chose ? Voilà longtemps que je fais mon possible pour que ce moment arrive mais ça ne marche pas encore !

*« Entre l’ombre et la lumière », éditions XO

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