« Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix » : Ainsi sont transmises les paroles de Jésus, faiseur de miracles, dans l’Évangile de saint Jean. Selon l’exégète Samuel Timmerman, il ne s’agit pas là d’une paix exempte de troubles ni de difficultés. « Elle peut exister dans un cœur, écrit-il, quelles que soient les circonstances extérieures de notre existence. ». Cependant, point n’est besoin de se convertir à une religion pour l’éprouver. La philosophie bouddhiste, athée dans son principe, assure qu’il existe en chacun de nous un espace inaltérable, notre vraie nature, auquel il s’agit de se connecter.
Dans l’acception commune, la paix est l’inverse de la guerre. Or, même si l’Homme a de tout temps connu les horreurs guerrières, il semble qu’aucun système politique n’ait réussi à l’éradiquer. Le siècle dernier a traversé les pires atrocités avec deux guerres Mondiales. Les progrès technologiques, dans leurs corollaires inversés, sont aujourd’hui à même de détruire des populations entières en appuyant simplement sur un bouton. Un risque qui a certainement inspiré à André Malraux sa célèbre phrase : Le XXIème siècle sera spirituel ou il ne sera pas…
La réparation
Il est étonnant qu’à la même époque, deux personnages antinomiques aient écrit l’Histoire en proposant, au nom d’une même idéologie, deux approches différentes. L’un pensait que l’ennemi était à l’extérieur et a usé d’une violence inouïe, tandis que l’autre situait cet ennemi à l’intérieur même de l’être humain. Bien que tous deux animés par le nationalisme, Hitler a anéanti, alors que Gandhi, considéré comme l’apôtre de la paix, a construit. Témoin cette anecdote miraculeuse qui dépasse toute logique…
Un homme se présente devant Gandhi effondré, désespéré, avec le regard d’un fou, lui avouant qu’il venait de tuer de ses propres mains un enfant musulman pour venger la mort de son propre fils dont il mime la taille avec sa main. Le Mahatma, vieux et diminué physiquement par un jeûne prolongé, lui répond qu’il connaît un chemin pour sortir de l’enfer. Incrédule, l’homme s’entend dire : Trouve un enfant musulman de la même taille que ton fils, un enfant orphelin. Adopte-le et élève-le… comme un musulman. Ici, le mal et la douleur ne seront nullement effacés. Pourtant, le cycle infernal de la mort s’arrête et la vie reprend ses droits. L’homme comprend instantanément qu’il a la possibilité de réinvestir son existence. Pour lui, un véritable miracle s’est produit. L’exemple est extrême mais il se révèle plein d’espérance…
La force de la paix intérieure
Dans un autre domaine, Sigmund Freud a théorisé de manière scientifique que nous projetons souvent sur autrui nos propres conflits intérieurs. Effectuer un travail d’introspection devient dès lors nécessaire pour stopper nos élans agressifs. Mais la Psychanalyse n’est pas la seule à proposer un chemin de pacification. Toute la mouvance actuelle du Développement personnel situe son axe sur la connaissance de soi, inaugurée par l’antique sagesse inscrite sur le temple de Delphes. Être en accord avec soi est suggéré depuis des siècles. Certes, le chemin est parfois ardu mais il s’est toujours élevé, au fil des temps, des guides qui indiquent une voie à suivre pour retrouver la sérénité au milieu des tempêtes. Ainsi, en pleines périodes de violences religieuses, durant lesquelles les tueries étaient rationalisées à coups de divergences dogmatiques, un ancien guerrier, devenu par la suite François d’Assise, reste toujours d’actualité, que l’on soit croyant ou pas. L’écrivain François Cheng, membre de l’Académie française, bien que ne professant pas la foi chrétienne, explique dans une interview à propos de son livre « Assise, une rencontre inattendue » : La pauvreté, chez François, consiste à se dépouiller, pas seulement de ses biens, mais aussi de toute peur, de tout préjugé, de toute répugnance, de tout souci de soi…
Nadia Hebert
