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                            Le développement personnel dans Signes & sens
 
                             
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                                 Qu’est-ce qu’un Clown-Gestalt ?
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			     Le fondateur de la Gestalt-thérapie, Fridrich Perls, s’est intéressé aux individus soumis à la
			       réelle difficulté d’identifier leurs besoins. Or, en tant qu’organismes vivants, les humains
			       répondent à des pulsions d’autoconservation qui demandent à être assouvies régulièrement. Nos instincts nous y aident la plupart du temps, à moins – effectivement – que des résistances inconscientes s’y opposent. Fondamentalement, chacun d’entre nous est donc
			       lié à des besoins primaires et secondaires. Les gestaltistes, dont la particularité consiste à prendre en compte les perceptions, étudient le « figuratif » en tant qu’un événement puisse
			       se détacher de façon sensible du fond. Pour Perls, ce processus figure-fond considère
			       le «champ». Le Clown-Gestalt ouvre sur la compréhension de cet outil thérapeutique singulier
			       comme médiation tout aussi étonnante que probante.
			       Patchwork étonnant, drôle, poétique, l’habit de clown version Gestalt nous pousse à révéler			       à la face de l’Univers les recoins les plus secrets, les plages les plus lumineuses de notre			       être. But du jeu : nous équiper d’une palette plus large dans nos relations aux autres et
			       avec le monde. Bref, le jeu avec le nez rouge remet de la couleur sur nos visages pâlots. C’est un mariage de raison et de cœur que ce duo du
			       clown-théâtre et de la Gestalt, pratique de développement
			       personnel et psychothérapie. Pour cause, Fridrich
			       Perls, quand il crée la Gestalt, est nourri de philosophies orientales,
			       avec des axes comme l’ici et maintenant, la mort/renaissance
			       mais également le théâtre « moderne » et son travail sur
			       la présence, la mémoire du corps, de l’invisible.
			       La Gestalt se donne comme objectif de nous ouvrir sur une vie
			       intérieure-extérieure plus complète, une attitude plus riche et
			       plus souple vis-à-vis de notre environnement. Elle veut soigner
			       ce qui en nous bloque, freine, filtre, déforme, répète sans
			       renouvellement. Retrouver le mouvement avec l’énergie de
			       l’essentiel et la totalité de notre être : voilà ce sur quoi elle peut aboutir. Sur tous ces points, elle est en harmonie avec le clown-théâtre, avec son présent, sa présence, son corps, ses mouvements, regards, contacts, sens, imaginaire, poésie, rire et sourire. Concret, son univers onirique a les pieds sur terre. En contact, son regard pointe et partage ses émotions les plus riches. De chair, son corps est vivant, respire, échange constamment avec ce qui l’environne et ceux qui l’entourent. Animé, bruyant ou sonore, il surfe sur les vagues de ses états intérieurs. Spontané, il traverse ses peurs et s’ouvre à l’inconnu.
			       Ouvert, il rencontre ses partenaires d’improvisation dans
			       une totale liberté, les respectant en les bousculant tout à la
			       fois. Créatif, il fait de chaque objet, de chaque chose, du moindre événement, du son qui passe, comme de l’ombre qui s’étend, un élément de son monde imaginaire, le transforme, jongle, joue, manipule jusqu’à plus soif. Il est curieux sans cesse, découvre tout sous un jour nouveau ; son regard est lumière, une lumière tellement particulière, quasi «numineuse», pure, sans biais et sans faux-semblant et, s’il est menteur,
			       moqueur, tricheur ou voleur, c’est toujours entièrement et
			       sans demi-ton.
			       Le clown-théâtre est éclatant. Il est la vie en bloc, matière
			       première essentielle et brutale, poésie des temps oubliés où
			       nous connaissions sans savoir, où nous étions totalement.
			        Clown-contactExaminons maintenant le clown à travers concepts et outils de la Gestalt. Du fond de la Gestalt se détache nettement le concept de contact-retrait et, avec lui, la notion de cycle. C’est ce qu’on appelle une gestalt (la forme en allemand). C’est la manière dont un besoin émerge à notre conscience, se développe, trouve satisfaction puis s’estompe pour laisser place à un nouveau besoin. Ce mouvement se reproduit de manière continue et ascendante chez une personne saine. Exemple très simple, la faim ! Ici, deux nouvelles notions gestaltistes sont nécessaires pour exprimer la qualité de déploiement d’une gestalt : l’awarness et l’ajustement créateur. La première peut se résumer (de manière très réductrice) par conscience-présence-acceptation à (et de) ce que je suis, sens, veux, désire et ai besoin. La deuxième (de manière tout aussi lapidaire) par comment je peux faire, agir, me comporter, créer pour satisfaire ce que mon awarness met à jour. Le clown-théâtre est contact, awarness et ajustement créateur. Il est le prototype même du contact : soit conscience sans a priori de ce qui l’entoure, sensibilité de ce qui change et bouge en lui, une présence sans cesse active, partie prenante, intégrante,
			       transformante, mutante. Une conscience de soi et de
			       ses envies. Une conscience en action, une âme désirante faite
			       d’actes poussés jusqu’à leur épuisement, respectueuse du
			       rythme qui lui est propre et, chose primordiale, face (le mot
			       n’est pas neutre !) au «public» représenté en stage par les
			       autres stagiaires et l’animateur. Un public « validateur » de contact… une clé de contact ? Car avec son public le jeu est
			       d’une totale vérité : rien n’échappe à cette instance à la fois
			       chaleureuse (rire, émotions, applaudissements, etc.) et glaciale
			       (trop silencieux, dissipé, bruyant). Tel un équilibriste sur
			       son fil, le clown-théâtre suit une ligne située entre son centre
			       intime et le cœur du public. Toute déviation, tout mensonge,
			       tout faux-semblant, toute tricherie trouble, détend ce lien ténu.
			       Une fois coupé, le clown vit une solitude intense ; il n’est
			       plus nourri, plus alimenté. Or, il a encore une chance de se rattraper,
			       un joker : vivre totalement et vraiment cet instant de
			       perte et d’éloignement et, en le partageant avec les autres par
			       le regard et le cœur, renouer, retisser et retendre le lien vital. Revivre en somme.
 
 Etapes et écueilsDe nombreuses Gestalt (les cycles du contact) restent inachevées
			       sous l’effet des résistances. Le jeu du clown va permettre
			       de les repérer assez rapidement. Elles sont présentes dès les
			       premiers exercices, dès les premières improvisations. Elles
			       sont les étapes et les écueils sur le chemin du clown intérieur.
			       Mais révélées et acceptées, elles font aussi partie du clown, de
			       son jeu avec les choses de la vie. Comme dans la vie ?			       « Parle moins fort ! », « Sois poli ! », « Dis bonjour ! »,
			       « Une chaise est une chaise pas une balançoire », voilà le
			       prototype même de l’empêcheur de clowner en rond, c’est
			       l’introjection. Mal digérées, entassées, stockées en nous, tels
			       des paquets de linge sale, elles nous appesantissent et nous
			       rétrécissent. C’est « l’apprentis-sage » mais souvent trop
			       sage ! Le clown plonge dans le paquet et s’en délecte. La projection
			       consiste à attribuer à l’environnement des éléments
			       personnels. Une gourmandise pour le clown qui va pouvoir
			       sans frein, ni raison, répandre et projeter sur la réalité extérieure
			       la richesse de son imaginaire, de sa folie, de sa fantaisie.
			       La confluence dans laquelle plus de différence entre l’individu
			       et l’environnement n’existe. Le clown se fond et absorbe
			       ce qui l’entoure et, en effet, tout est lui et lui est tout. Il est
			       tout pouvoir, toute-puissance et rien du tout. Il est le maître du
			       monde et le jouet de son imaginaire. Ces résistances sont les
			       principales. Elles ont à la fois un rôle de sauvegarde et de
			       déformation de nos cycles de contact. La démarche Gestalt et
			       clown permet de les transmuter.
 
 Exprimer l’indicibleDans le jeu de clown, toutes ces résistances sont là naturellement
			       mais, avec le plaisir du jeu, leur exploration devient
			       dynamique et dédramatisée. Le clown gestaltiste, qu’il soit
			       débutant ou avancé, repart des sessions avec une moisson
			       d’expériences émotionnelles, créatives, relationnelles hors du
			       commun. De quoi travailler « à la maison ». Il a vécu une
			       belle aventure, un voyage au cœur de ses potentialités, de ses
			       différentes « polarités » amour/haine, violence/douceur,
			       colère/impassibilité, joie/tristesse, etc.
			       Le travail du clown assouplit, attendrit, réveille et revivifie
			       ces parties de nous-mêmes laissées pour compte : notre
			       corps, notre ombre, notre inconscient. Le jeu du clown-théâtre
			       sert donc de support, de milieu-test ; c’est un espace éprouvette
			       où chacun à sa mesure, en son temps, avec ses ressources, expérimente des manières d’être différentes, autorise
			       ses sens cachés à resurgir, exprime l’indicible, dévoile sa part
			       occulte et honteuse, laisse jaillir et célèbre son humanité.
			       D’ailleurs, c’est sur un espace dénudé et vide que le clown
			       donne la pleine mesure de la qualité de son contact ! Là, son
			       imaginaire, sa vie intérieure s’expriment le plus clairement. Là, sa capacité à « communiquer » ses émotions et ses sentiments est la plus éclatante, la plus magistrale. Le clown-théâtre
			       dans sa dimension d’expérimentation, de training, recrée
			       pour l’individu-acteur une situation de forte intensité dans
			       laquelle celui-ci devra mettre en jeu toutes ses potentialités
			       créatrices. C’est la subjectivité de l’Homme qui est mise en
			       lumière, dans un espace de grande liberté.
   Manuel Fréchin |