Prenons le mérou brun. Tout le monde en a vu. Ce poisson est reconnaissable en raison de sa mâchoire charnue et de ses lèvres impressionnantes par leur épaisseur. Qu'est-ce qui prend donc certaines femmes, plus ou moins jeunes, à vouloir ressembler à cette espèce aquatique en confiant leurs propres lèvres à des médecins spécialisés en esthétique ? Pourquoi ont-elles envie de repulper leurs lèvres, volume qui enlèvera de leur naturel et pourra même, dans certains cas, renvoyer une image à la limite de la vulgarité ? S'agit-il d'une problématique orale liée à une fixation archaïque, transgénérationnelle, de type bec-de-lièvre remontant à des lustres, non accepté à l'origine et caché depuis toujours par la filiation ? Une possibilité parmi tant d'autres qui mériterait effectivement d'être soulevée chez un psy par celles qui hésitent encore à passer le pas pour recevoir les " fameuses " injections d'acide hyaluronique (le terme est rebutant), histoire de ne pas corriger leur apparence labiale qui, à elle seule, est un atout séduction parfait, ne nécessitant aucune intervention extérieure. La nature fait bien les choses. Ce que signifie admirablement d'ailleurs le poète André Chénier lorsqu'il rappelle un des rôles essentiels des lèvres et leur phonétique articulatoire :
Un langage sonore, aux douceurs souveraines,
Le plus beau qui soit né sur les lèvres humaines.
Chénier parle ici de lèvres " humaines " et non de lèvres de quelque animal à branchies ! Quant au mathématicien, physicien, philosophe et ingénieur français Henri Poincaré, il souligne que le savant n'étudie pas la nature parce que cela est utile ; il l'étudie parce qu'il y prend plaisir et il y prend plaisir parce qu'elle est belle...
Mais la nature est belle si on la respecte en ne lui ajoutant aucun artifice, aucune duperie.
Fanchon Picaud