Se souvenir pour ne pas répéter pourrait être le sens donné à la méthode psychogénéalogique. La Psychogénéalogie consiste à prendre conscience des rôles néfastes de sa filiation, ainsi que de l’importance d’événements négatifs compulsant depuis des décennies…
S’étayant sur les travaux de Sigmund Freud, ainsi que sur ceux du psychanalyste français René Laforgue, la Psychogénéalogie permet de comprendre les névroses familiales consécutives aux non-dits (secrets de famille). Cette méthode met en évidence, notamment, des compulsions de répétition, sous forme de problèmes récurrents touchant les membres d’une même filiation.
L’anamnèse
Monter une Psychogénéalogie, nommée aussi Génosociogramme, consiste dans un premier temps à construire un arbre généalogique remontant généralement jusqu’à la quatrième génération, c’est-à-dire faisant figurer les arrière-grands-parents, ce qui – toutefois – n’est pas indispensable. Côté gauche du support la lignée maternelle, côté droit la lignée paternelle. Les alliances, les fratries, les dates de naissance, les professions donnent déjà des indications sur ce que la psychanalyse nomme
anamnèse. Tous ces éléments apportés par le patient constituent un matériel permettant au psychogénéalogiste, selon une méthodologie spécifique, d’en étudier les codes inconscients familiaux. Ils apparaissent générateurs de névroses transgénérationnelles que le sujet subit, à son insu, au travers d’une loyauté filiale. Parmi ces aspects névrotiques, les travaux psychanalytiques distinguent trois axes principaux manifestant les conflits internes, appelés aussi complexes :
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la névrose de caractère : elle se traduit par un comportement global de la personnalité, parfois obsessionnel, directement en lien avec la structure familiale par le jeu d’identifications inconscientes. Là où Wilhelm Reich parle d
’armure caractérielle pour imager ce lourd mécanisme de défense névrotique
, Jacques Lacan, par une association subtile, propose avec une pointe d’humour le terme
armoirie, renvoyant, de fait, la problématique du côté de l’héritage familial…
- la névrose de guerre : en 1920, à l’issue de la Première Guerre Mondiale, Sigmund Freud est sollicité par les autorités militaires pour donner son avis sur certains anciens soldats soupçonnés de simuler des troubles psychiques. La réponse du maître de la psychanalyse est sans ambage :
Tous les névrosés sont des simulateurs, dit-il,
ils simulent sans le savoir et c’est leur maladie… Ainsi, les traumas liés à une guerre se transmettent inconsciemment en se transformant de génération en génération. Un individu peut tout à fait souffrir d’une névrose de guerre transmise par un arrière-grand-père qu’il n’a pourtant pas connu !
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la névrose familiale : cette appellation renvoie surtout aux travaux du psychanalyste français René Laforgue. Certains courants psychothérapiques emploient aujourd’hui la notion de
constellation familiale pour montrer l’importance de la structure transgénérationnelle et la difficulté pour le sujet d’y prendre sa vraie place. Freud signifie d’ailleurs que
le surmoi (injonction inconsciente)
de l’enfant ne se forme pas à l’image des parents, mais bien à l’image du surmoi de ceux-ci ; il s’emplit du même contenu, devient le représentant de la tradition, de tous les jugements de valeur qui subsistent au travers des générations…
Sortir de la fatalité
La Psychogénéalogie a pour vocation de faire prendre conscience au consultant que la fatalité n’existe pas et que l’avenir ne se résume pas à une répétition du passé. Ainsi, le psychogénéalogiste, de par sa formation, guide le consultant afin qu’il trouve sa véritable place dans la filiation en tant que sujet en devenir et non plus soumis à une histoire qui n’est fondamentalement pas la sienne, bien que son psychisme se la soit appropriée jusqu’ici, par le jeu d’identifications inconscientes. Le postulat de départ qui fait de cette méthode un véritable outil thérapeutique réside, d’une part dans l’acceptation consciente et la valorisation des bons aspects de l’histoire familiale et, d’autre part, par la prise de conscience qu’il est possible de se défaire de ses aspects négatifs. Il s’agit, à proprement parler, de séparer le bon grain de l’ivraie pour ne plus subir les diktats toxiques de l’inconscient transgénérationnel. Le réel désir du sujet, au sens psychanalytique du terme, ne peut en effet advenir tant que l’inconscient fantasme devoir payer une dette à ses ancêtres ! La notion d’inné reste au cœur de l’interprétation du psychogénéalogiste, s’agissant,
in fine, de donner vie à sa destinée.
Xavier Sorel