Chaque être abrite – sans exception – au plus profond de lui ce qui s’apparente à un don. L’art consiste à le laisser émerger, puis à le manifester. Ainsi l’artiste n’appartient-il pas véritablement à une caste d’élus. Il s’autorise simplement la certitude que ce qu’il a à transmettre est déjà là, à l’état latent, et qu’il ne s’agit pas, à proprement parler, de le chercher à l’extérieur.
L’art nécessite un travail d’introspection. Redécouvrir ce don caché est parfois affaire de toute une vie. Ceci dit, pour qu’il soit porteur de fruits, il doit être avant tout altruiste !
Retrouver son âme d’enfant
L’enfant –
infans éthymologiquement parlant – est celui qui ne parle pas. Pourtant, bien avant que ne s’installe le langage, il
discourt brillamment. Il n’y a qu’à se pencher sur un berceau dans lequel se trouve un nourrisson pour être émerveillé par ses babillements. Certes, il sera conditionné par son environnement mais il gardera toujours au fond de lui ce sens inné du relationnel. Le paradoxe de l’enfance réside en cette sorte de toute-puissance liée à un imaginaire débordant, confrontée toutefois à une impuissance réelle qui le fait dépendre d’autrui, le rendant fragile. Ainsi, retrouver son âme d’enfant, tout en étant adulte, consiste à tendre vers une résolution de cette complexité. La tâche, si elle n’est pas aisée, reste passionnante. Faire de sa vie une œuvre d’art, c’est en quelque sorte réhabiliter son imaginaire et le mettre en lien avec l’environnement : la
sublimation pour la psychanalyse.
L’expérience de la vie créatrice
Le psychanalyste D. W. Winnicott explique que
l’espace potentiel entre l’individu et la société, ou le monde, dépend de l’expérience qui conduit à la confiance. On peut le considérer comme sacré pour l’individu dans la mesure où celui-ci fait, dans cet espace même, l’expérience de la vie créatrice… Cet espace de créativité, plus ou moins investi, existe d’ailleurs bel et bien. C’est le lieu de l’art-thérapie, le lieu de la révélation. La pratique de la peinture relève de cette expérience appréhendée de l’intérieur et communiquée à autrui. La fonction de l’artiste réside en cette alchimie qui conduit à faire de chacun de nous un créateur. De fait, le génie consiste à déclencher chez l’observateur de l’œuvre sa propre créativité. L’art est capable de reproduire l’expérience de la vie. Ineffable, indescriptible, la métamorphose a lieu grâce au peintre, au poète ou au musicien qui sommeille en nous. Que l’on soit dans la position de l’émetteur ou du récepteur, c’est toujours de la transmission du sublime dont il est question. Et seul l’art, qui
a priori ne sert à rien, en est capable !
Le discours réussi du poète
Dans son ouvrage « Introduction à la psychanalyse », Sigmund Freud – lors de son étude des actes manqués – est très clair :
Ne vous étonnez pas, écrit-il,
si je vous dis que vous pouvez plus vous renseigner sur ce sujet en lisant les poètes qu’en étudiant les travaux des philologues et les psychiatres… Jacques Lacan de souligner plus tard que
l’acte manqué est un discours réussi et d’affirmer qu’il n’y a que la poésie qui permette l’interprétation… Ce qui peut expliquer que cette forme d’expression puisse être une clé de compréhension de l’Être : le poète visionnaire Arthur Rimbaud n’a-t-il pas eu la géniale intuition du célèbre aphorisme repris par Lacan –
Je est un autre – lors d’une correspondance avec son éditeur Paul Demeny, poète lui-même… Il y a effectivement beaucoup à apprendre, à travers l’art, sur ce discours inné dont chaque être humain est détenteur depuis le premier jour…
Sylvain Morel
