L’image  de vacances idylliques dans une bastide provençale, sur un transat,  au bord d’une piscine, n’est pas fausse. L’hiver, la Camargue  déclenche autant de clichés : après de longues marches dans des  décors surréalistes, après des séries de photos ou des films sur  une faune d’exception, le feu de cheminée dans un mas du XVIIème  continue la magie… pour les invités !                         
			             Curieux  que les copains ou autres membres de la famille – ceux qui habitent  des contrées moins ensoleillées – pensent que les gens du Sud  sont toujours en congés ! Des idées toute faites qui finissent par  faire grincer les dents de ceux qui reçoivent. Mais comment stopper  les dérives envahissantes sans créer de crise ?                         
			             Les  pièges
		                 
			             Culpabilité  aidant, la belle-sœur ayant beaucoup pleuré tout au long des mois  précédents, on commence déjà au téléphone à entrebâiller la  porte. Thérèse, qui vit dans la région de Carpentras, en a fait  les frais : Ma cousine travaille en  banlieue parisienne. Chaque fois qu’elle m’appelait, c’était  une plainte récurrente : le temps gris et pluvieux, les grèves des  transports, le bruit, les heures passées dans le métro, les deux  gamins à amener chez la nounou et à aller rechercher… J’ai mis  trois étés à réaliser qu’elle me faisait du lavage de cerveau  bien avant sa période de vacances. Quand elle arrivait avec sa  petite famille, je lui trouvais même mauvaise mine… 
		                 L’engrenage  est déjà lancé à ce stade. Les invités « fatigués », il n’est  pas question qu’ils aident la maîtresse de maison. Et quand ils  ont quelques velléités à passer à l’acte, il y a tellement peu  d’application et d’enthousiasme de leur part qu’on renonce à  les faire participer aux tâches ménagères. Pour ne pas les avoir  dans les jambes, on leur conseille même d’aller découvrir le  marché local : ils reviennent vers 13 heures, harassés, un  demi-kilo de fruits sous le bras, prêts à grignoter ce qui a été  préparé en leur absence. En fait, le repas s’éternise jusqu’à  15 heures, moment d’une sieste bien méritée… Pour eux ! 
		                 Thérèse  n’arrive toujours pas à se dérider : Ma  cousine, lorsque je débarrassais le couvert, me lançait  systématiquement : « Je te mets la vaisselle sur la table de la  cuisine car je ne sais pas la ranger dans ton lave-vaisselle. Il est  plus compliqué que le mien »…
		                 Le  soir, le scénario est à peu près identique avec, en prime, les  discussions interminables et de plus en plus superficielles. Pour les  invités, pas de problème : la grasse matinée du lendemain permet  de récupérer et de… recommencer le même emploi du temps farniente jusqu’à  la fin du séjour.
			             
                         Ne  rien entendre, ne rien dire
                                                  Une  fois compris que tous les ans c’est pareil, il s’agit de stopper  la machine infernale. Il faut anticiper la préparation psychologique  des envahisseurs en laissant votre sensibilité opter pour des  situations plus équitables…
                         >  Le matin du départ des invités :  avant que tout le monde se lève, allez marcher (quelle que soit la  météo). Emmenez de quoi vous sustenter pendant votre balade. Au  retour, offrez-vous un grand moment de détente dans votre salle de  bains. Ne préparez surtout ni petit déjeuner, ni  panier-repas-voyage pour les bouches que vous avez nourries pendant  leur séjour.
                         >  Filtrez dorénavant vos appels téléphoniques :  vous prendrez ainsi l’habitude d’adopter le recul nécessaire  face à de nouvelles sollicitations déguisées des envahisseurs pour  l’année suivante. De fait (vous pouvez toujours rêver), ils  finiront (peut-être !) par vous remercier par écrit de cet  excellent séjour auquel vous avez largement contribué. Mettez un  certain temps à leur répondre (par écrit aussi) en ne leur parlant  que de vous… en positif. S’ils insistent au téléphone, finissez  par prendre l’appel. Soyez alors très vite indisponible : des amis  à la maison, les mains dans la farine, votre départ au cinéma…  Ne soyez d’ailleurs plus jamais totalement disponible pour eux,  même verbalement.
                         >  Ouvrez-vous aux autres : vous  constaterez rapidement l’énergie (inconsciente) que vous prenait  l’idée même de ces séjours imposés que vous vous sentiez  obligé(e) d’honorer. Cette énergie récupérée vous permettra de  vous diriger vers des amis (des vrais) que vous ne soupçonniez pas.  Le fait d’être envahi par des personnes incorrectes finit par  enlever le désir de s’ouvrir vers l’extérieur et le monde.  Malgré soi, on redoute d’être encore plus englouti. Ce type  d’angoisse génère – à pas feutrés – le repli sur soi.
                         Yves  Piot, psychosociologue, évoque les conséquences du stress  relationnel : Il faut apprendre à ne  plus se faire de mal, dit-il. Il  est indispensable d’admettre qu’il ne s’agit pas d’égoïsme  en refusant de confondre son habitation avec un hôtel. Après tout,  si certains n’ont pas les moyens de prendre une location de  vacances, ce n’est pas de votre faute. Leur région leur offre  fatalement des paysages agréables où randonnées, baignades, luge,  jeux de ballons, pique-niques sont possibles… Laissez-les  développer leur imagination. Trop de prise en charge tue la qualité  du lien au point que disputes et déception alourdissent les  rancœurs…
                         Ceci  dit, si vous vous êtes laissé envahir, un petit examen de  conscience s’avère tout de même nécessaire : votre couple se  porte-t-il bien, vous sentez-vous délaissé(e), vous croyez-vous  inutile ? L’empathie vis-à-vis de soi aide aussi à vivre de  manière de moins en moins phobogène…
                         
                          
                         Chantal Calatayud
                          
                          
                         Ne  culpabilisez plus !
                         Parfois,  comme le disait Jean-Paul Sartre, « l’enfer c’est les autres »  ! Pour que ceux-là ne vous fassent plus culpabiliser lorsque vous  n’avez pas envie que votre habitation se transforme en véritable  maison d’hôtes, un réflexe simple se révèle efficace : imaginez  ce qu’ils ont de sympa et que vous n’avez pas, réalisez ce  qu’ils font d’agréable et que vous ne faites pas…