Faire de ses épreuves
un moteur

Il n'existe pas d'incarnation facile. Comme l'être humain est plutôt du genre courageux et digne, il garde le plus souvent pour lui ses chagrins, ses angoisses, ses déceptions. S'il lui arrive de se plaindre, les mots qu'il utilise pour le faire sont bien loin de la réalité et des tourments qui l'habitent...
Comment se douter par exemple que Laurence, 50 ans, sage-femme libérale, a perdu ses jumeaux de 12 ans dans un accident de la circulation alors qu'elle était veuve depuis moins d'un an ? Quand on la croise, elle ne laisse rien transparaître de ses drames. Soignée et souriante, elle a toujours un mot aimable pour son entourage et, lors d'une rencontre inopinée dans une grande surface, quand une de ses proches lui signifie son admiration, elle répond qu'elle a fait des obstacles de sa vie un moteur !
Avant ses tragédies successives, Laurence ne prenait pas le temps de s'occuper d'elle, faisant systématiquement passer son mari, ses enfants et son travail en priorité. Compte tenu de sa destinée, elle souligne qu'elle ne le regrette évidemment pas. Elle assure cependant aussi qu'elle a saisi que les gigantesques traumatismes qu'elle a eu à franchir lui ont fait prendre conscience que si elle les a subis, c'est qu'elle avait la force de les supporter. De fait ne devait-elle pas se laisser aller : " C'est une question de correction vis-à-vis de moi et des autres ", estime-t-elle. Elle qui s'alimentait mal et dormait trop peu s'est mise à la cuisine bio, se couche tôt et a même découvert les vertus de l'oreiller antirides ! Laurence, très documentée maintenant sur tous les ressorts d'une vie saine, fait profiter ses futures mamans et jeunes mères de ses découvertes, dont le yoga prénatal et post-natal : " Je pense pouvoir dire en toute sincérité que j'ai toujours été une sage-femme consciencieuse mais je constate en toute objectivité que mes épreuves ont complètement modifié mon approche professionnelle, sans compter que je me sens exister malgré ma douleur... ". Laurence sait qu'elle peut choquer en tenant de tels propos. Aussi cite-t-elle la chanteuse France Gall qui, après avoir connu le décès brutal de Michel Berger, son époux, a développé un cancer du sein, avant de voir sa fille Pauline disparaître à son tour de la mucoviscidose : " J'ai vécu des choses très difficiles à traverser mais cela vous amène ailleurs et c'est beau aussi... "...
... Et c'est beau aussi... Quelle acceptation et quelle maturité !
Quoi qu'il en soit, il est donc absolument nécessaire de trouver l'énergie de ne pas s'arrêter sur le drame. Mais comment y parvenir ? Curieusement et comme le préconise l'écrivain Marc Lévy, il ne faut jamais perdre ses rêves qui sont et restent le moteur de l'existence. N'est-ce pas ce que fait tout enfant en avançant vaillamment dans sa vie ?