| 
		             Brigitte Lahaiespécialiste de l’amour
 | 
	           
		        
		       
		       
		       Ancienne star du « X » de la fin des années 70, Brigitte  Lahaie a réussi une reconversion qui n’était pas gagnée d’avance. Comment  est-elle passée des films pornographiques au cinéma « classique » ?  Puis comment est-elle arrivée à être sollicitée par Alain Weill, PDG de RMC  Info, pour animer quotidiennement une émission en direct, « Lahaie,  l’amour et vous » ? Certes, si elle fête l’amour, ce qui sonne déjà  comme une première réponse, bien d’autres qualités humaines auréolent Brigitte.  Il n’est qu’à lire son ouvrage « Parlez-moi d’amour », paru aux  Éditions Marabout, pour découvrir que son « parler vrai » cache une  réelle empathie. Femme d’expériences, Brigitte Lahaie ne renie rien, offrant  son parcours de vie comme autant de possibilités de « détabouiser »  la nôtre…
		       Psychanalyse  Magazine : Le nom de Brigitte Lahaie déclenche tout de suite notre  imaginaire…
               Brigitte Lahaie : Je  me présenterai – c’est d’ailleurs ce que je mets toujours sur mon  passeport – comme artiste, parce que ça veut tout et rien dire ! Je me  sens profondément artiste et, deuxièmement, lorsqu’on me demande ce que  je fais par exemple sur RMC, je dis souvent que je me sens « accoucheur  des âmes » ; c’est vraiment quelque chose que j’aime dans ma vie. Et  finalement, si je réfléchis bien, tout ce que j’ai fait  professionnellement c’était un peu pour que les gens, à travers moi,  puissent se révéler à eux-mêmes.
		       P.  M. : Peut-on parler de « Moi sacrificiel » ?
                 B. L. : Oui,  être actrice de « X », c’est plus du ressort du masochisme qu’autre  chose mais c’est peut-être grâce à ce parcours-là que je sais, aussi,  être très égoïste – au bon sens du terme – car j’ai la sensation de  donner beaucoup ; ainsi, je me sens bien avec moi-même !
		       P.  M. : Comment en arrive-t-on à faire du film « X » ?
                 B. L. : Je  crois que pour l’époque, en 1976, faire du film « X » ce n’était pas du  tout la même chose qu’aujourd’hui, c’était presque en cachette ; on  pouvait tourner des films « X » sans que personne ne le sache. Mais je  crois que ça a été surtout pour dire à mes parents : oui, on peut  prendre du plaisir avec plusieurs hommes et le dire à visage découvert.  Je crois que j’avais vraiment envie et besoin ça.
		       P.  M. : En quelque sorte, une thérapie ?
                 B. L. : Tout  à fait, je dis toujours que le « X » m’a sauvée de beaucoup de choses.  À dix-huit ans, j’étais une adolescente très mal dans sa peau, je ne  savais pas du tout ce que je voulais faire et, en même temps, je  désirais sortir d’un schéma classique. Cette expérience a été une  ouverture extraordinaire pour moi, même si je l’ai payée le prix de la  chair…
		       P.  M. : Lorsque vous étiez enfant, votre éducation vous semblait-elle trop rigide, un  peu coincée ou pas du tout ?
                 B. L. : Je  ne peux même pas dire ça et, cependant, j’avais la sensation d’être  élevée… Mes parents sont issus de la petite bourgeoisie avec tout ce  que ça comporte de positif et de négatif où, avec un père employé de  banque et une mère qui avait fait des études de comptable, il fallait  être quelqu’un d’honnête ; pour moi, c’était un peu étriqué, j’avais  envie d’exploser.
		       P.  M. : Comment vos parents ont-ils reçu votre message ?
                 B. L. : Je  dois dire que ça n’a pas été simple. C’est moi-même qui leur ai dit  très vite et heureusement, parce qu’ils ont reçu, plus tard, des  lettres anonymes mais ils ne m’en ont jamais parlé : c’est un non-dit.  Avec mon père, par la suite, j’ai réussi à en parler avant qu’il ne  meure mais, avec ma mère, nous n’en avons jamais discuté ; j’ai  respecté, bien sûr, ce non-dit parce que je pense que, si elle ne m’en  a jamais parlé, c’est qu’elle ne voulait pas aborder le sujet. Pour ma  part, je l’ai suffisamment évoqué et je racontais toujours cette  anecdote – plus maintenant parce que ma célébrité est autre – mais, à  l’époque, quand je passais à la télévision et que j’abordais mon passé,  maman regardait et elle me faisait toujours une réflexion : « Tiens, tu  avais une jolie robe, tu étais bien coiffée… » ; très vite, j’ai  compris que c’était une manière de me dire qu’elle était fière de  m’avoir vue à la télé mais que ne pouvant pas me parler du contenu,  elle me parlait de l’extérieur.
		       P.  M. : Pensez-vous que votre destin passait par-là ou auriez-vous pu faire  autrement ?
                 B. L. : On  peut toujours faire autrement, je crois… Mais en ce qui me concerne, je  pense que c’était quelque chose qui était important dans mon chemin de  vie et qui a déterminé ce que je suis aujourd’hui. La difficulté  c’était d’en faire quelque chose de positif après, parce que, quoi  qu’on en dise, ce n’est quand même pas un départ qui aide dans  l’existence.
		       P.  M. : Pourtant, vous connaissez une trajectoire remarquable…
                 B. L. : Oui,  c’est juste… En fait, j’ai été très heureuse pendant ces quelques  années de tournage de film « X ». C’est l’après qui a été une véritable  traversée du désert et une sorte de purgatoire. Je crois que j’ai eu la  chance, paradoxalement, d’avoir connu à peu près cinq ans de passage à  vide qui m’ont permis de me reconstruire et de rencontrer des gens qui  m’ont donné les moyens de comprendre pourquoi j’avais fait du « X » et  qui j’étais ; ça a été une reconversion très douce. Je n’ai pas eu la  célébrité pendant que je tournais des films « X », je suis devenue  célèbre après et j’ai eu le temps d’élaborer tout ça.
		       P.  M. : Les choses se sont enclenchées, en quelque sorte, de façon normale ?
                 B. L. : Normale,  je ne sais pas, car beaucoup de portes se fermaient dès que l’on  découvrait qui j’étais, mon passé, etc. J’aime bien citer cette phrase  qui n’a rien à voir puisqu’elle parle d’homme politique mais je trouve  qu’elle est assez juste : « C’est l’Histoire qui fait les grands  Hommes » et moi, j’ai envie de dire que c’est l’histoire qui m’a permis  de m’en sortir. En fait, j’ai commencé à être connue à une époque où le  « X » démarrait sur Canal + et où la société française avait envie de  se libérer au plan de la sexualité ; d’une certaine manière, j’arrivais  à temps ! J’étais le porte-drapeau de femmes qui revendiquaient le  droit au plaisir, à la liberté. Cela a aussi été un concours de  circonstances ; peut-être que dix ans avant, je n’aurais pas existé et  dix ans après, je serais arrivée en second ou en troisième ; il n’y  aurait pas eu cette même cristallisation sur moi.
		       P.  M. : Quand on fait du « X » ou quand on en a fait, qu’en est-il de sa vie  sentimentale ?
                 B. L. : Curieusement,  ma vie sentimentale a été très riche et plutôt réussie. J’ai connu  beaucoup d’hommes, j’ai beaucoup aimé et j’ai été beaucoup aimée. J’ai  finalement accepté d’en épouser un il y a deux ans et si je fais le  bilan, je trouve que j’ai été très gâtée dans ma vie privée,  contrairement à ce que l’on pourrait imaginer ; j’ai eu, vraiment, de  très belles histoires d’amour et gardé de très bonnes relations avec  pratiquement tous mes « ex ».
		       P.  M. : Vous vous êtes sentie respectée ?
                 B. L. : Oui,  tout à fait… Au départ, j’ai plutôt choisi des hommes machos qui me  voyaient davantage comme une femme sex-symbol mais, très vite, le  processus s’est inversé et j’ai rencontré des hommes qui m’aimaient  pour ce que j’étais et non pas pour l’image que l’on peut se faire  d’une « sex-star ».
		       P.  M. : Avez-vous eu des enfants ?
                 B. L. : Non,  je n’ai pas d’enfant, par choix. D’abord, j’ai fait un choix très  phallique, je ne voulais pas d’enfant qui déforme mon corps et puis,  vers 32/33 ans, grâce à un ami psychanalyste, j’ai élaboré pourquoi je  ne voulais pas d’enfant. J’ai compris plusieurs choses et je me suis  rendue compte, au fond, que mon désir maternel était parti dans les  chiens et les chevaux, ce qui me convient et que j’assume sans  difficulté. De toute façon, je n’aurais pas pu avoir la vie que j’ai  eue si j’avais été mère ; il m’aurait fallu faire passer des choses à  la trappe…
		       P.  M. : Pensez-vous  que vous auriez pu avoir quelques difficultés à annoncer à votre enfant  que vous aviez eu une trajectoire singulière ?
                 B. L. : Non,  franchement car une mère, une bonne mère, c’est une mère qui sait  s’occuper de ses enfants ; après, qu’elle ait été pute ou bonne sœur,  ça n’a pas grande importance !
		       P.  M. : Je ne savais pas que vous « parliez aussi à l’oreille des chevaux… et des  chiens »…
                 B. L. : Il  y a réellement pour moi, avec l’animal, une capacité à être dans un  relationnel très fusionnel ; c’est ce que j’aime, aussi bien chez le  chien que chez le cheval. C’est d’ailleurs pour ça que je n’aime pas le  chat qui ne me permet pas autant de projections. D’abord, j’ai  développé une passion pour les chiens et pas des moindres puisque  c’étaient des dogues allemands ; j’avais besoin de les amener partout  avec moi, de dormir avec, ce qui est vraiment quelque chose de l’ordre  de la fusion maternelle ! Après, il y a eu les chevaux ; on est là  aussi dans quelque chose qui fait corps, on est deux tout en n’étant  qu’un ; maintenant, c’est quand même moins frénétique, c’est-à-dire que  si je ne peux pas monter pendant des mois, je ne déprime pas mais il  est vrai, qu’à une époque, c’était névrotique…
		       P.  M. : Vous avez été une grande séductrice ; qu’en est-il de la séduction pour  vous aujourd’hui ?
                 B. L. : Je  crois que c’est Freud qui a dit cela : « On ne fait bien le deuil que  de ce que l’on a eu » et je pense vraiment que sur le plan de la  séduction, à un moment, j’en avais presque marre de ce côté  sex-symbol ; mais, à la fois, je n’arrivais pas à me changer dans ma  manière de m’habiller, je me sentais toujours obligée de me mettre des  décolletés, d’avoir les cheveux longs, bouclés etc. ; petit à petit,  mon émission m’a beaucoup apporté puisque on a parlé davantage de mon  intelligence, de mon écoute, de ma générosité, plutôt que de ma beauté  ou de mon côté sexy. J’ai enfin pu laisser tomber tout ce  « paraître » ; je me sens beaucoup mieux et je n’ai plus besoin de  séduire.
		       P.  M. : Vous  animez au quotidien une émission de deux heures sur RMC et, lorsqu’on  vous écoute, vous avez quand même un verbe qui reste très séducteur,  très enjôleur ; on constate ainsi que c’est votre nature profonde…
                 B. L. : On  ne se refait pas. Oui, je crois qu’on reste ce qu’on est mais ça  circule autrement. C’est malgré moi si je continue à essayer de séduire…
		       P.  M. : Effectivement,  vous donnez une impression de spontanéité. Il y a un timbre de voix  posé, régulier ; vous accueillez vraiment l’interlocuteur, quel qu’il  soit, sans jugement bien sûr. Et on peut penser que si on vous  regardait vivre dans votre cuisine, dans votre jardin, ce serait aussi  un petit peu comme ça. Pouvez-vous cependant pousser de grands coups de  gueule ?
                 B. L. : Oui, me mettre  en colère m’arrive aussi ; cependant, je n’aime pas, ce n’est pas l’image  que j’ai envie de donner de moi.
		       P.  M. : Très souvent, vous faites un clin d’œil à la psychanalyse ; avez-vous fait  un parcours dans ce sens-là ?
                 B. L. : Non,  je n’ai pas fait d’analyse, ni de psychothérapie mais j’ai la chance  d’avoir un de mes meilleurs amis psychanalyste, que je connais déjà  depuis quinze ans ; dès la première rencontre, m’a étonnée ce qu’il a  pu dire en un mot sur moi ; je me suis dit ça, c’est un truc  extraordinaire ! Je m’étais intéressée à l’astrologie mais c’est quand  même plus abstrait ; j’ai eu envie de le revoir et au fil du temps,  j’ai beaucoup appris, il m’a donné des livres… J’ai donc un peu étudié  toute seule puis, ensuite, j’ai rencontré d’autres psychanalystes…
		       P.  M. : Comment expliquez-vous que la société réduise toujours de nos jours la  psychanalyse à la sexualité ?
                 B. L. : Moi qui crois à la force de la sexualité, je pense que la sexualité est  un des grands moyens de se découvrir et de se libérer de soi-même ; je  suis évidemment d’accord avec ça ; on est fait d’abord d’un sexe ou de  l’autre, c’est peut-être la première chose qu’il faut que l’on  comprenne vraiment.
		       P. M. : Ainsi, pour vous, la psychanalyse a tout à fait sa place au XXIème  siècle ?
                 B. L. : J’irais même jusqu’à dire que si on lui donnait une plus grande place,  la société irait mieux. J’ai même parfois pensé qu’il faudrait donner,  par exemple, aux couples qui vont devenir parents, deux/trois bases, ce  qui ne se fait absolument pas. Les individus deviennent parents comme  si c’était une évidence d’être parents… Je pense que ça pourrait  beaucoup les aider. Les instituteurs, autre exemple, devraient aussi  connaître un peu mieux certains rudiments. Je pense bien sûr encore au  milieu médical. Je le vois bien chez certains auditeurs qui sont allés  voir un médecin et quand on entend ce que le médecin « aurait dit » –  toujours à mettre entre guillemets – on se dit que le médecin a réglé  son problème au travers de ce malade ; le vrai danger est là ; tant  qu’on ne comprend pas comment fonctionne l’être humain  psychologiquement, on est en projection permanente.
		       P. M. : Quelle est la question que l’on ne vous ait jamais posée et que vous aimeriez  que l’on vous pose ?
                 B. L. : Je  reste définitivement dans le désir de l’autre, je reste donc toujours  dans l’envie de répondre aux questions que l’on me pose.               
		       
                
               > Lire d'autres interviews