La comédie selon Évelyne Bouix

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On l’a découverte en 1980 avec “ Les uns et les autres ” de Claude Lelouch, réalisateur dont elle a partagé la vie et qui lui a donné certains de ses plus beaux rôles au cinéma. Depuis, d’Édith Piaf dans “ Édith et Marcel ” à son personnage de Salomé Lerner, rescapée des camps de concentration dans “ Partir, revenir ”, Évelyne Bouix a imposé sa frêle silhouette en jouant des rôles souvent dramatiques et exigeants. Habituée des productions du petit écran, l’actrice vient aussi régulièrement se ressourcer au théâtre. Après “ Emmy’s view ”, il y a trois ans, la voici de retour sur les planches dans la reprise d’une comédie de Noël Coward, “ Lune de miel ”, au théâtre Edouard VII. La comédienne y retrouve son compagnon Pierre Arditi, déjà présent à ses côtés en 1998 dans “ Le mari, la femme et l’amant ”. L’occasion de mieux connaître cette artiste discrète qui compare le travail d’introspection de l’acteur à une véritable psychothérapie.

Je magazine : Vous êtes la fille unique d’un agent de maîtrise dans les wagons-lits et d’une employée de laboratoire de la banlieue parisienne. Qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans une voie qui semblait si éloignée de votre milieu d’origine ?
Evelyne Bouix : L’ennui. Très tôt, je me suis sentie différente de ma famille et de mon entourage. Des gens formidables, à l’existence simple et largement tracée à l’avance, dont la seule ambition était de se marier, d’avoir des enfants et de construire leur pavillon. Mon rêve à moi, c’était d’échapper à toutes ces conventions. Je voulais être quelqu’un d’autre, avoir plusieurs vies. J’étais fascinée par les acteurs, les stars d’Hollywood, le music-hall, les apparats du spectacle… Tout cela me paraissait magique. À quinze ans, un surveillant de mon lycée m’a emmené assister à un cours de théâtre à Paris. Voir les gens travailler les textes a été une véritable révélation. Je me suis mise à découvrir la littérature et les auteurs, un monde nouveau s’est ouvert devant moi. J’ai eu la chance que mes parents, au lieu de contrarier mes projets, m’encouragent plutôt à suivre ma voie, malgré la mauvaise image que pouvait avoir ce genre de carrière à l’époque.

J. M. : Vous avez côtoyé à plusieurs reprises votre conjoint Pierre Arditi sur les scènes de théâtre et les plateaux de télévision et de cinéma. Lorsque votre partenaire à la scène est aussi celui de votre vie, n’y a-t-il pas des moments où fiction et réalité s’entremêlent ?
E. B. : Quand nous travaillons un rôle, chacun est dans sa bulle. Nous sommes juste deux acteurs qui essaient de trouver leur personnage. Cela ne laisse place à aucune interférence de la vie privée. Ce n’est que lorsque nous sommes imprégnés de nos rôles qu’une connivence peut se faire jour. On surprend alors parfois chez l’autre des attitudes familières de la vie quotidienne, des touches de complicité peuvent affleurer de temps à autre. Mais cela s’arrête là. Nous faisons toujours la part des choses : les projecteurs éteints, les personnages ne nous poursuivent pas à la maison.

J. M. : Dans quelle mesure votre façon de jouer est-elle influencée par cette intimité ?
E. B. : Pierre a un tempérament de leader. C’est aussi un véritable homme de théâtre, qui a tenu de nombreux rôles principaux et n’a pas son pareil pour sentir une salle. Je lui fais confiance pour me guider face à des publics très différents d’un soir à l’autre. Je peux sentir dans son regard s’il faut passer à un rythme plus soutenu ou au contraire jouer moins serré. Après la représentation, il n’hésite pas à me dire si quelque chose ne lui a pas semblé juste.

J. M. : Pierre Arditi a une personnalité qui semble aux antipodes de la vôtre…
E. B. : Il est vrai que nous ne sommes pas dans la même dynamique des choses. Pierre est davantage acteur que moi. Il est plus démonstratif et extraverti. Il ne tient pas en place, il est constamment en mouvement. Pour ma part, je suis d’un tempérament calme et tranquille. Dans notre couple, je suis l’élément apaisant, temporisateur.

J. M. : Qualifieriez-vous votre couple de fusionnel ?
E. B. : Nous passons beaucoup de temps ensemble mais nous avons aussi nos moments d’autonomie. Dans un couple, il faut laisser l’autre avec sa propre énergie, ne pas essayer de l’aligner sur sa propre cadence. Chacun doit conserver son rythme biologique. On ne doit pas forcément chercher l’osmose à tout prix.

J. M. : Êtes-vous de ces actrices qui peuvent se retrouver habitées par leur rôle jusqu’à en être presque hantée ?
E. B. : Je ne me prends jamais pour le personnage de la pièce ! Mais il est vrai que quand je commence une série de représentations, ma journée est complètement déterminée par mon entrée en scène dans la soirée. Je n’ai plus envie d’aller au cinéma ou de lire. Mon désir n’est pas de rencontrer d’autres univers mais plutôt de demeurer dans celui de mon rôle. J’arrive au théâtre très tôt, je m’y sens en sécurité, comme dans un cocon où rien ne peut m’atteindre. Je flâne dans ma loge, j’écoute de la musique. Si je le pouvais j’y dormirais !

J. M. : Avez-vous un jour éprouvé le besoin de consulter un analyste ?
E. B. : J’ai fait plusieurs tentatives avec des spécialistes utilisant des méthodes différentes. Mais je n’ai pas persévéré. C’était trop douloureux d’aller chercher des choses au plus profond de moi. J’étais plongée dans une détresse encore plus vive qu’auparavant. Peut-être ne suis-je pas tombée sur les bonnes personnes ? À moins que, finalement, mon métier me suffise pour exorciser mes démons. Jouer la comédie, c’est une sorte de psychothérapie. Il faut aller chercher les choses les plus intimement enfouies en soi pour pouvoir les ressortir devant le public, comme si l’on ouvrait tour à tour autant de petits tiroirs d’émotions, de larmes et de rage. On s’investit dans des personnages qui ne sont pas vous mais que vous habitez et que vous nourrissez pourtant de votre propre chair. Ce n’est ni anodin, ni de tout repos. C’est vraisemblablement une sorte de soupape de sécurité qui permet de mieux cohabiter avec soi-même.

J. M. : Quels rôles vous ont le plus marquée, vous obligeant à une introspection douloureuse ?
E. B. : Dans “ Partir, revenir ” de Lelouch, je jouais une femme qui revenait des camps de la mort où elle avait échoué suite à une dénonciation motivée par une simple jalousie. Vengeance, jalousie, amour : toutes ces douleurs s’additionnaient en moi pour se projeter dans une autre souffrance. Pour camper un tel personnage, exprimer toute la rage qui l’anime, on est obligé de se mettre à nu, complètement. Cela a été un grand choc. Il y a eu également ce téléfilm de Serge Leroy, où j’étais confrontée à une mère frappée de la maladie d’Alzheimer, qui ne me reconnaissait plus. Il m’a fallu explorer des sentiments terribles sur la perte de l’identité. Sur le plateau, j’étais au bord des larmes en permanence. De tels rôles vous laissent une empreinte durable.

J. M. : On vous voit beaucoup moins présente sur le terrain de l’engagement politique que votre conjoint…
E. B. : Le seul homme politique que j’ai soutenu est Bertrand Delanoë quand il s’est présenté à la mairie de Paris. Et si je l’ai fait, c’est que je l’apprécie beaucoup, en tant qu’individu, pour ses qualités humaines. Mon engagement n’était donc pas partisan. La politique ne m’intéresse pas réellement. Comme beaucoup de gens, j’ai l’impression d’entendre éternellement le même discours depuis mon enfance. Mais dans les faits, rien n’évolue vraiment, sinon, le plus souvent, dans le mauvais sens. Face à l’augmentation de la précarité et des injustices, on sent les politiques impuissants, comme désarmés devant l’immensité de la tâche. Pour moi, il n’y en a pas beaucoup qui ont accompli ce qu’a fait Coluche avec ses “ Restos du cœur ” : une action durable qui permet de soulager la détresse des personnes démunies depuis des années.

J. M. : La loi sur le foulard islamique a déclenché un vif débat national. La montée des obscurantismes vous fait-elle peur ?
E. B. : Il faut être vigilant, c’est pourquoi j’approuve le principe de cette loi. La France est un pays laïc qui s’est fondé sur une certaine idée de l’intégration dans le respect de tous et contre les replis communautaires. C’est quelque chose qu’il convient de respecter. Ce serait une grave erreur que de faire preuve de laxisme sur cette question.

J. M. : Le temps vous rend-il plus sereine ?
E. B. : J’ai beaucoup moins de certitudes mais aussi moins d’illusions qu’auparavant. Paradoxalement, cela me rend les choses plus faciles. Je suis plus gaie aujourd’hui que lorsque j’étais plus jeune. À l’époque, j’étais très grave et volontiers nostalgique.

J. M. : Êtes-vous croyante ?
J. M. : J’ai ma propre croyance, fondée sur des principes tout simples : ne pas faire de mal à autrui, aimer son prochain… C’est une éthique de vie que je ne lie à aucune religion. Je ne crois pas à la vie après la mort. D’ailleurs, je n’ai pas peur de ma propre disparition, je n’y pense jamais. Je suis plutôt hantée par celle des gens que j’aime.

J. M. : Croyez-vous au destin ?
J. M. : Plutôt. Je pense que notre existence est plus ou moins programmée, même si on peut parfois en modifier certains aspects. Il faut pousser les choses, savoir saisir sa chance. Mais à un moment, les dés sont jetés, les choses s’écrivent pour vous…


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