Michèle Torr
sur le divan

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Depuis toujours, Michèle Torr aime la scène. Toute petite déjà, elle fait des concours de chant dans sa région de Provence. Elle enregistre son premier disque à 16 ans. Son nom apparaît à tous les hit-parades. Dès lors, les tournées dans les plus grades salles et le succès ne la quitteront plus (elle totalise 250 galas par an). Elle compte aujourd’hui plus de trente disques d’or et est reconnue au-delà de l’hexagone : le public japonais et canadien l’apprécie tout particulièrement mais elle reste cependant fidèle à la salle de ses débuts : l’Olympia. Attachée à sa région natale, elle y demeure à l’année et sa voix éclatante porte en elle le soleil avec des modulations rauques pleines de sensualité et de douceur.

Psychanalyse magazine : Michèle Torr, que diriez-vous de votre identité professionnelle ?
Michèle Torr : J’aurais tendance à répondre : venez me voir sur scène pour me connaître un peu parce que c’est là où je suis tout à fait moi-même, là ou je me sens chez moi. Sur scène, je me laisse aller complètement et je pense justement que l’on devient intéressant à partir du moment où l’on ose se montrer, se dévoiler, se rendre accessible. À l’inverse, les interviews me font toujours un peu peur…

P. M. : Alors que finalement cela fait très longtemps que vous répondez à des interviews, on pourrait avoir l’impression que vous êtes rôdée !
M. T. : Non, pas du tout et il me semble que c’est justement ce qu’il y a de formidable dans un métier que l’on aime. Tant qu’il n’y a pas de lassitude, pas d’habitudes, c’est le signe que l’on a encore envie. Sur la scène, c’est pourtant pratiquement toujours le même tour de chant, dans le même ordre, et cela durant des mois mais je ne ressens pas du tout de monotonie, c’est quelque chose de magique. Je pense que l’on ne doit pas être dans son état normal avant de monter sur une scène et que même les chansons ne vont jamais être interprétées de la même façon. En scène, j’ai le sentiment qu’il ne peut rien m’arriver. Quelquefois il y a des ennuis techniques, des salles dont l’acoustique est différente, seulement voilà, c’est mon domaine et je dois m’adapter. Face aux problèmes que l’on peut rencontrer, je pense que l’on  s’en sort toujours. Donc, au bout de tant d’années, pour moi, rien n’a changé, si ce n’est l’avantage de n’avoir plus peur, excepté pour des interviews, la télévision ou les photos !

P. M. : Comment analysez-vous ce fait ?
M. T. : Paradoxalement, il m’est plus facile de me produire devant une salle comble que devant quelques amis… Aujourd’hui encore, lorsqu’il y a quelques amis ou de la famille dans la salle, je préfère ne pas le savoir alors que devant trois mille personnes qui ont payé leur place pour venir me voir, je ne suis pas angoissée. Je sais d’ailleurs que les psychanalystes ont cette relation particulière à l’argent vis-à-vis de leurs patients. Lorsque les gens paient leur place, qu’ils font l’effort de se déplacer – par exemple lorsque c’est à Paris, c’est compliqué d’organiser une soirée, de se garer – donc les gens qui font l’effort de tout cela, eh bien j’ai envie de me dire que c’est parce qu’ils m’aiment bien et de ce fait, que je n’ai pas à avoir peur ; je me rassure comme cela…

P. M. : Peut-on assimiler votre réussite à la passion ?
M. T. : Sans fausse modestie, j’ai toujours su que je ferais ce métier-là et j’ai eu de la chance de pouvoir le faire. Déjà toute petite, j’étais persuadée un jour d’être artiste, de monter sur scène.

P. M. : Retrouvez-vous des souvenirs qui témoignent de cette sensation de certitude ?
M. T. : Oui, bien sûr : entre autres, des propos qui faisaient sourire surtout car, petite fille, j’osais dire à mon entourage que j’allais être une artiste. D’autant que je suis issue d’un milieu où il n’y a pas d’artiste ! Alors, quelquefois, je n’en parlais plus mais, dans ma tête, c’était un peu comme : « Attendez, vous allez voir ce que vous allez voir »…

P. M. : Qui vous a finalement écoutée ?
M. T. : Ma mère tout d’abord parce qu’elle aussi avait eu envie de chanter. Elle possédait une très jolie voix et, à l’époque, il y avait à Marseille une émission de radio avec Jean Nohain. Ce dernier voulait l’engager mais ma grand-mère n’a jamais accepté. Donc, c’est au travers de moi, de ses rêves non réalisés, que ma mère m’a beaucoup encouragée. Petite, j’étais sûre de moi mais, par la suite, les doutes se sont installés et ils n’ont fait que croître en voyant sur scène des grands tels que Jacques Brel. J’avais 14 ans quand je l’ai vu pour la première fois au Palais des Papes d’Avignon, c’était extraordinaire : un mélange de bonheur et d’admiration. Je pleurais car j’étais émue et en même temps, j’étais malheureuse parce que je me disais que je ne pourrais jamais faire ce métier. C’est en voyant Brel sur scène que j’ai commencé à me poser des questions, à douter.

P. M. : Êtes-vous perfectionniste ?
M. T. : Il me semble que c’est bien la moindre des choses. Lorsque le public sort du spectacle, il est heureux parce que l’émotion est au rendez-vous. Pendant longtemps, je faisais une fixation sur la voix, sur « ma voix ». J’étais chanteuse donc je devais bien chanter. J’en devenais obsessionnelle : j’évitais toute climatisation, les endroits enfumés, de trop parler ou de trop rire, de me coucher tard et me privais d’aller chez des amis parce que le lendemain j’avais un gala. Tout était en fonction de ma voix. Bien sûr, je continue à faire attention parce qu’il s’agit tout de même de mon instrument de travail mais je suis beaucoup plus décontractée maintenant. Désormais, il m’arrive de chanter avec une pharyngite, pratiquement enrouée, et de l’expliquer tout simplement aux gens, de leur dire ce qui m’arrive parce que je pense que dans un tel métier il n’y a pas que la voix qui compte, il se passe autre chose entre le public et moi. Il y a une forme de communication qui ne peut s’établir qu’au travers de l’authenticité. Chanter ce n’est pas seulement jouer de sa voix, c’est avant tout transmettre de l’émotion et pour cela, il faut savoir se « donner » sans pudeur.

P. M. : Vous parlez de votre métier très positivement…
M. T. : Oui, parce que c’est un beau métier, tout comme le vôtre, et je leur trouve des points communs en ce sens que lorsqu’un artiste monte sur scène, c’est une forme de thérapie. Par exemple, on peut être réservé, timide, avoir des complexes, être mal dans sa peau et en définitive, se servir justement de tout cela, tel un défi, et se rendre capable de dépasser toutes ces insuffisances en affrontant le public. Faire de la scène permet donc de se mesurer à soi-même chaque jour davantage car c’est bien tout ce qui fait mal dans la vie qui va permettre d’écrire et d’interpréter une chanson avec émotion. La souffrance a donc ce privilège de pouvoir être utilisée en la transformant positivement. Heureusement d’ailleurs car les artistes sont souvent jugés, critiqués, et non pas analysés sur leurs attitudes ou leur déclarations. Pour ma part, j’ai la chance maintenant de ne plus souffrir de cette forme de parano. Mais pour d’autres c’est encore difficile, ce qui explique peut-être que beaucoup d’artistes s’intéressent à la psychanalyse et font une analyse !

P. M. : Ces modifications, auxquelles vous n’étiez peut-être pas préparée, ont-elles eu un impact sur votre vie personnelle ?
M. T. : Il fallait que je revienne habiter dans le Midi car mes racines sont en Provence ; ma maison est ici, même si je fais souvent mes valises. Mais cette année, j’a pris la résolution de prendre de vraies vacances, ce qui est curieux parce que d’ordinaire je ne veux jamais prendre de vacances, j’en ai toujours presque honte, et cette fois-ci j’ai décidé de m’y autoriser…

P. M. : Est-ce à dire qu’il y a une culpabilité à ne pas travailler ?
M. T. : Oui, tout à fait, c’est étrange mais c’est ainsi. Et puis maintenant j’ai une petite-fille et j’ai envie de la voir, d’en profiter.

P. M. : Avez-vous le sentiment d’être passée à côté de votre rôle de mère ?
M. T. : Non, mais il me semble malgré tout que de ne pas avoir été à la maison tous les soirs, d’avoir fait garder les enfants, ce n’est pas vraiment logique. Ils ont sans doute eu des manques d’ordre affectif et je pense qu’inconsciemment, je culpabilisais. Alors, lorsque je revenais, j’essayais d’en faire un peu plus, je n’étais pas sévère vis-à-vis d’eux, probablement pour me faire pardonner mon absence.

P. M. : La maternité a-t-elle constitué un passage important de votre existence ?
M. T. : Surtout lorsque mon fils est né. J’ai presque envie de dire que sa venue au monde m’a sauvée parce que, à ce moment-là, je n’avais que 18 ans, je chantais depuis peu et je venais de perdre ma mère. Donc cet enfant a été pour moi un véritable don du ciel, la plus belle chose qui pouvait m’arriver, comme pour me redonner de la force et du courage. C’est d’ailleurs l’une des périodes les plus heureuses de mon existence. Je pense qu’une première maternité, c’est très important dans la vie d’une femme. Ensuite, il y a eu la naissance de ma fille. Je reste très attachée aux grandes valeurs telles que la famille et les enfants.

P. M. : Avoir 20 ans aujourd’hui vous semble plus difficile ?
M. T. : Sans aucun doute, particulièrement dans mon métier où il faut beaucoup de courage pour débuter parce que les choses vont très vite mais tous les domaines connaissent des difficultés. Aujourd’hui, on doit se battre pour gagner sa vie, travailler plus, et il me semble que nos enfants ont été surprotégés. De ce fait, il sont moins courageux. Je pense d’autre part que pour se maintenir à un niveau correct dans une profession quelle qu’elle soit, actuellement, on se doit d’être avant-gardiste.

P. M. : Avez-vous l’impression que les fées se sont penchées sur votre berceau et que vous avez eu de la chance ?
M. T. : Bien sûr, en ce sens que mon métier est fabuleux et surtout parce que je fais ce que je voulais faire. Quant à la chance, à mon sens elle existe pour tout le monde mais encore faut-il la voir, la reconnaître et la saisir. À mon avis, nous avons tous au départ les mêmes potentialités.

P. M. : Avez-vous des croyances ?
M. T. : J’ai la foi, avec des doutes et des peurs, mais j’ai la foi. Il me semble que l’essentiel c’est de croire, de croire en « soi-même », de faire les choses avec cœur, avec joie et enthousiasme.

P. M  : Existe-t-il, selon vous, une forme d’injustice sur terre ?
M. T. : Il y a incontestablement des handicaps plus apparents comme être sur un fauteuil roulant mais je crois pas que l’on a tous des « tares », la différence est seulement que chez certains elles sont plus évidentes, plus visibles, et que chez d’autres, on les voit moins ou même pas du tout !

P. M. : Êtes-vous préparée à ce que tout s’arrête brutalement professionnellement ?
M. T. : Je pense mais il est difficile d’imaginer. Il me semble avoir d’autres centres d’intérêts, d’autres plaisirs ; il me semble que je ne m’ennuierais pas, que j’aurais des tas de choses à faire mais j’aurais sûrement des manques terribles, un certain déséquilibre, parce que, véritablement, la scène est pour moi une forme de thérapie, j’y éprouve des sensations extraordinaires. En se donnant, on reçoit tellement d’amour, il n’y a pas de mots pour le dire. Il y a quelques années, j’ai été malade, j’ai subi plusieurs interventions chirurgicales qui m’ont empêché de travailler. Pendant six mois, je n’ai pas fait de scène. Eh bien pendant ce temps-là, je suis allée voir un psychanalyste et cela m’a beaucoup aidée. Je faisais sans cesse le parallèle entre mon métier et les séances que nous avions parce qu’en fait, pour moi, c’est la même chose.  Un tour de chant, c’est comme lorsqu’on va voir un psychanalyste : il faut parler, oser, se dévoiler sans honte, et c’est parce que j’avais remplacé la scène par ces rendez-vous que j’étais moins malheureuse, moins dépressive.

P. M. : Que pensez-vous de la psychanalyse ?
M. T. : Je voudrais tout d’abord dire que c’est un métier qui ne s’adresse pas uniquement à ceux qui ont de gros problèmes. Je suis même persuadée que l’on aurait tous besoin de faire une analyse, ne serait-ce qu’à titre préventif parce que nous avons tous plus ou moins des angoisses, des vies affectives un peu compliquées… et qu’en ce sens, la psychanalyse peut permettre de gagner en paix et en harmonie…

 

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