Mireille Darc
Une personnalité « vrai self »

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L’interview que Mireille Darc a bien voulu nous accorder révèle que sa personnalité sensible et authentique utilise à bon escient sa position médiatique : ainsi parvient-elle à montrer aux autres femmes notamment combien elle comprend leurs difficultés, combien elle partage leur quotidien, tout en restant discrète et pudique face à l’intimité de leur souffrance. En réalité, Mireille Darc pose des actes thérapeutiques mais sans développer le moindre fantasme de toute-puissance…

Psychanalyse Magazine : Qu’évoque pour vous la psychanalyse ?
Mireille Darc : Je n’ai jamais été suivie et n’ai jamais eu affaire à un « psy » car je pense ne pas en avoir eu besoin.

P. M. : Vous vous êtes autogérée en somme ?
M. D. : Je me suis débrouillée.

P. M. : Il serait intéressant que vous vous présentiez…
M. D. : Je préfèrerais répondre à vos questions. Si vous ne me posez pas de questions, je ne vais pas savoir où aller et cela ne va pas m’intéresser. Je ne me raconte pas beaucoup, tout au moins pas spontanément.

P. M. : C’est déjà une réponse ; vous avez donc une difficulté à parler de vous ?
M. D. : Ce n’est pas cela, je le fais toute la journée mais je pense beaucoup plus aux autres qu’à moi-même. Cependant, j’ai beaucoup plus envie de savoir qui vous êtes que de vous expliquer qui je suis. C’est évident. J’ai beaucoup de curiosité. Je me connais et de ce fait, les autres m’intéressent davantage que moi-même. Ce n’est pas une difficulté.

P. M. : Globalement, êtes-vous d’accord avec l’image qui est véhiculée de vous, de vos agissements… ?
M. D. Je ne la connais pas car il y a tellement d’images ! À une époque, j’étais la rigolote, à une autre, une fille qui a des problèmes de santé, après une fille qui a des problèmes dans la vie… L’image que je véhicule, je ne sais pas ce qu’elle est et d’une certaine manière, je m’en fiche un peu. Les interviews que je fais, je ne les lis pas parce que j’ai toujours peur que cela me fasse mal, que mes dires soient mal interprétés. J’essaye, en fait, de me protéger d’un milieu que je connais bien puisque j’y vis. Je sais que je suis populaire. Les gens m’arrêtent dans la rue, ils me parlent. Cette image, celle que je donne, je la connais au travers des gens que je rencontre dans la rue. Mais ensuite, pour ceux qui disent « Je vous croyais plus ceci, moins cela »… Bref, ils ne m’empêchent pas de dormir !

P. M. : Avez vous « construit » votre carrière ?
M. D. : J’essaye chaque fois d’être sincère. La sincérité est une chose très importante dans ma vie. Si on me propose un scénario très simple, je l’accepte ; je vais aux choses simples. D’ailleurs, les dernières séries de télévision étaient des séries très populaires. Lorsque je les ai lues, je les ai trouvées assez marrantes. Ce n’est pas toujours ma tasse de thé mais j’équilibre en faisant des choses que je trouve intéressantes.

P. M. : Quelque chose vous prédestinait-il un peu à cette carrière ? 
M. D. : À être comédienne oui car, déjà toute jeune, je ne pensais qu’à ça. J’avais envie d’être comédienne, j’aimais les mots. Je pensais faire une carrière beaucoup plus théâtrale qu’une carrière de l’image car, au départ, il est vrai que seuls les mots m’intéressaient et puis le cinéma m’a ouvert ses portes et j’ai beaucoup aimé l’image. J’ai fait moi-même de la photo. Cette image-là me fait vibrer. Je pense que je n’aurais pas pu faire un autre métier. Carrière oui mais métier non !

P. M. : Vous faites le distinguo ?
M. D. : Oui, bien sûr. Il faut tout de même une grande part de chance pour ce métier et je pense que j’ai eu de grandes chances. Il y a des gens qui sont devenus mes amis tel que Audiard, des gens qui ont fait partie de ma famille de cœur et je considère cela comme des cadeaux que fait la vie. Cette part de chance, on ne peut pas la mettre au panier ; elle fait partie du quotidien. Je crois beaucoup à la chance.

P. M. : Ne va-t-on pas la chercher aussi cette chance ?
M. D. : Oui, peut-être. C’est vrai que lorsque l’on m’ouvre une porte, je mets le pied, j’ai envie de rentrer parce que je suis curieuse et que les autres m’intéressent. Mais on passe toujours à côté de quelqu’un qui aurait pu être votre ami et, de ce fait, j’ai toujours été très heureuse des gens qui ont été mes amis au départ de ma vie professionnelle, c’est-à-dire des gens comme Lino Ventura, Georges Lautner… qui m’ont beaucoup aidée moralement et professionnellement.

P. M. : Que s’est-il passé au fond de vous ? Quelle était cette chose qui vibrait ?
M. D. : Je suis allée au conservatoire très jeune : je devais avoir quatorze-quinze ans et je pensais qu’il ne pouvait y avoir qu’au conservatoire d’art dramatique que l’on pouvait apprendre ce métier. Je suis donc allée au Conservatoire de Toulon où j’habitais et j’y ai appris Les Fables de La Fontaine et ce qu’était le théâtre. J’ai appris comme une apprentie. À Toulon, il n’y avait pas beaucoup de possibilités pour voir des spectacles et le jour où l’on m’a donné un diplôme de prix d’excellence, je n’avais plus rien à faire à Toulon ; je suis donc « montée » à Paris. Un diplôme ici, c’est comme si vous avez le baccalauréat ; tout le monde s’en fiche… Le public aussi ; il faut donc repartir de zéro mais vous avez dès lors un peu plus confiance en vous.

P. M. : Votre famille s’est-elle opposée à votre désir ?
M. D. :
Non ! Mes parents étaient des gens très simples, des gens de la terre, des paysans. J’étais la dernière. C’étaient des gens un peu fatigués, ma mère m’avait eue sur le tard et en avait un peu « ras le bol », donc comment s’opposer à la dernière qui n’est pas tout à fait comme les deux garçons. J’avais des idées de grandeur. Il y a un moment dans la vie où les gens sont un peu las et vous disent : « Bon, maintenant essaye, vas-y ». Il y avait une grande part d’inconscience de la part de mes parents et c’est tant mieux !

P. M. : Ils étaient peut-être plus libéraux que ce que vous pouvez le percevoir ?
M. D. Je pense que c’était réellement de l’inconscience. Ils ne savaient pas ce qu’était ce métier ; ils ne l’ont jamais su du reste, cela les dépassait.

P. M. : Ont-ils apprécié par la suite votre cheminement ?
M. D. : Je ne sais pas. Ils réagissaient plus au travers du discernement ou de l’accueil d’une voisine qu’au travers de mon propre cheminement. Certes, ils étaient contents mais ce métier leur a toujours paru bizarre. Ils ne comprenaient pas vraiment les films que je faisais ; ils n’allaient pas systématiquement les voir. Ils avaient toutefois une forme de reconnaissance par rapport à moi mais ils ne se rendaient pas bien compte…

P. M. : Le mot famille est-il pour vous un mot important ?
M. D. : Oui, très important mais qui ne correspond plus à un idéal. De ce milieu familial, j’en suis sortie très vite pour faire ma route car il y avait une grande part de liberté en moi qui faisait que cette famille représentait en quelque sorte une entrave.

P. M. : Et cependant pas d’enfant dans votre existence…
M. D. : Non, mais cela est un autre problème. J’ai eu une maladie cardiaque qui fait que je n’ai pas pu en avoir et, sans cela, j’en aurais certainement eus… Et pourtant, en même temps, si je réfléchis bien, pourquoi n’en ai-je pas adoptés… Je n’en sais rien ; je n’ai pas fait la rencontre qui fasse que j’ai eu le désir d’adoption. Et paradoxalement, j’ai adopté des familles, des hommes, les enfants de certains hommes qui ont fait partie de ma vie. J’ai de « beaux-enfants », j’ai beaucoup de « beaux-enfants » !

P. M. : Aujourd’hui, est-ce douloureux de ne pas avoir d’enfant ?
M. D. : Non mais je pense et je dis que je suis certainement passée à côté de quelque chose, sans savoir exactement ce que c’est. Pour certaines de mes amies, cela se passe très bien ; pour d’autres, cela se passe moins bien. Je ne sais pas dans quelle catégorie j’aurais été ; je n’aurais peut-être pas été une meilleure mère que certaines. C’est donc plus un bilan qu’un regret… J’ai élevé des enfants tout jeunes ; Antony Delon par exemple ; je l’ai côtoyé il avait trois ans et demi. C’est un môme qui a vécu près de moi, donc je me sens très proche de lui mais pas avec le sentiment d’être sa mère. Cela, je l’aurais toujours refusé. C’est choquant pour moi quelqu’un qui se fait appeler maman, qui a un comportement de mère, alors que ce n’est pas de son enfant dont il s’agit. Ma place est à côté ; je suis plus une mamie ou une marraine. J’ai une filleule qui a perdu sa mère, je l’ai aidée à faire son chemin de fillette et de jeune fille ; je l’ai également aidée dans ses études, financièrement, moralement mais sans jamais m’octroyer le droit d’être sa mère. Je ne me reconnais pas ce rôle. Je suis restée à ma place. Je pense qu’il y a certains moments où je me sens marraine, tante, cousine, belle-mère, où la porte est grande ouverte, mes bras aussi mais cet enfant n’est pas « mon » enfant et cela je le sais.

P. M. : Vous avez prononcé le mot « adoption ». Que pensez-vous du principe même de l’adoption ?
M. D. : Je pense que lorsqu’on a un potentiel d’amour à donner, il faut le donner et si cela passe par le fait d’élever des enfants et de les amener de la petite enfance à l’adolescence, de leur faire faire un bout de chemin, si cela est nécessaire, il faut le faire. Mais, moi, je suis trop curieuse, je n’ai pas le temps car tout m’intéresse. J’ai toujours envie de m’en aller ailleurs, d’aller voir à côté. Je ne me sens pas instable mais curieuse ; la stabilité est représentée par ma maison, mon coin, mon foyer, vous… Mais j’ai toujours envie de cette liberté qui m’a empêché d’avoir des enfants.

P. M. : Vous sentez-vous bien dans cette époque ?
M. D. : Formidablement bien avec, il est vrai, des injustices mais, à toute époque, j’aurais trouvé ça. Je me sens en harmonie mais je ferme les yeux dès que cela me gêne… L’art m’intéresse. je préfère m’occuper d’art, je vis à travers l’art. Je suis intéressée par la musique, la peinture, la danse, l’opéra ; ce sont des choses qui me font vibrer des pieds à la tête. La politique m’ennuie profondément, le pouvoir m’ennuie aussi et, de ce fait, je ne le regarde pas. Il y a des choses qui me dérangent mais comme je n’ai pas envie d’être malheureuse, comme je n’ai pas envie de rentrer en guerre, je vis au travers de ce qui me plaît et de ce que j’aime. Je suis aussi quelque peu redevable à la vie car j’ai eu de gros problèmes de santé et j’ai envie de rendre un peu ce qu’on m’a donné. J’ai été opérée du cœur, j’ai rencontré des gens qui ont eu d’énormes problèmes donc, dès que je le peux, je fais des reportages sur la santé, sur les hôpitaux, sur certains médecins et c’est ma façon d’être concernée par les difficultés de la vie. Je pars la semaine prochaine à Marseille pour faire un film pour le Téléthon au sujet des mères ayant des enfants atteints de mucoviscidose. J’ai aussi fait un film sur le cancer pour De Carolis, qui était un hors série ; j’ai fait un film sur les greffes d’organes pour « Envoyé Spécial », j’ai fait un film sur la prostitution, sur la maladie d’Alzheimer… Lorsque vous faites un film sur ces sujets-là, que vous côtoyez les personnes concernées et que vous arrivez à mener de vraies enquêtes, vous êtes confronté à des situations très fortes, très dures. Mais, cependant, je ne vais jamais dans l’enfance maltraitée ; je fais attention à mes choix.

P. M. : Vous avez fait allusion à la prostitution, qu’en diriez-vous ?
M. D. : Ce qui m’intéressait dans ce reportage, c’est le regard d’une femme sur d’autres femmes. C’est-à-dire lorsqu’une femme est enceinte et se prostitue, elle est quand même une femme. Et cette femme-là m’intéresse. Comment arrive-t-elle à gérer sa vie ? Le fait qu’elle ait un « mac » ou qu’elle n’en ait pas, qu’elle le fasse par nécessité, par désœuvrement ou pour la drogue, ne m’intéresse pas. J’ai cherché à avoir une approche de femme, avec une autre femme et que celle-ci se confie à moi en tant que femme, afin de comprendre ce qui la fait vibrer et comment elle arrive encore à vivre à travers de grosses difficultés car elles se trouvent toutes dans un milieu dont il est encore difficile de sortir. La semaine dernière, une de ces femmes m’a appelée en me disant « Voilà, je me suis mariée avec un musicien et je m’en suis sortie », eh bien, youpi ! Dans ma démarche, il n’y a aucun jugement.

P. M. : Vous êtes donc sensibilisée par la souffrance ?
M. D. Oui, sur les difficultés de la vie. Mais je n’analyse pas trop, c’est quelque chose d’abrupt, sans conclusion.

P. M. : Ce qui est touchant et étonnant, c’est lorsque vous dites « une prostituée m’appelle » ; vous donnez facilement votre numéro de téléphone ?
M. D. : Oui, si vous voulez qu’une femme ait confiance en vous, lorsqu’elle vous donne quelque chose, vous devez lui donner quelque chose. Toutes les personnes que j’ai interviewées dans ma vie ou avec qui j’ai parlé, je leur ai donné mon numéro de téléphone ; c’est nécessaire, c’est un échange, une forme de confiance.

P. M. : Quelle est l’histoire qui vous a le plus émue ?
M. D. : C’est une histoire très particulière. J’ai fait un film sur les greffes d’organes parce que j’avais perdu quelqu’un qui m’était proche, un homme avec qui je vivais, qui avait subi une greffe du foie. À la suite de ce deuil, « Envoyé Spécial » m’a proposé de faire un film sur la façon dont les greffes circulaient en France. C’était pour moi une façon d’évacuer ce problème et je suis partie faire ce film. Tous les jours, j’attendais qu’un hôpital de province ou de l’étranger téléphone pour me dire s’il avait un organe. Puis, un dimanche, un appel nous signale un enfant venant de décéder en Belgique ; l’équipe est partie et a ramené le cœur de cet enfant. D’habitude, on ne sait pas ce que l’on fait avec un organe mais le fait que ce soit un enfant m’avait fortement interpellée. J’ai essayé d’en savoir un peu plus, j’ai cherché à savoir si en France il y avait un enfant compatible avec cette transplantation mais il n’y en avait pas. L’histoire est très jolie car il y avait un très vieux monsieur dans un hôpital qui ne pouvait pas être greffé parce qu’il était trop âgé ; alors, les chirurgiens ont trouvé une astuce extraordinaire. Ils ont pu greffer le cœur de cet enfant avec le sien. Ce vieux monsieur, qui avait 80 ans, s’est retrouvé avec le cœur d’une petite fille qui entraînait le sien et qui le faisait vivre. Souvent je pense à cet homme que je ne connais pas et je me dis que cette histoire est une histoire d’amour et d’adoption aussi.

P. M. : Du cœur à l’âme, faites-vous le pont ?
M. D. : Lorsque ça m’arrange oui. C’est vrai que lorsque vous avez perdu beaucoup d’êtres chers, c’est quand même pratique de penser que ça ne s’arrête pas comme cela. J’ai souvent de grandes discussions avec mes chers disparus où je leur explique un peu mes difficultés en leur demandant quelquefois de m’aider ; je leur parle de mes joies, en leur disant qu’ils ont été très bien avec moi, qu’ils m’ont bien aidée dans la vie. Ces disparus sont toujours proches de moi par la pensée et je me dis toujours que le jour où je partirai, ce sera la fête de l’autre côté. Il n’y a jamais de tristesse en moi parce que, justement, j’arrive à gérer ça et en même temps, je ne peux pas vous dire que j’y crois complètement mais j’aimerais bien que ça marche !

P. M. : Êtes-vous là en train d’évoquer la foi ?
M. D. : Oui, mais je ne vais pas prier Jésus, Marie et tous les Saints parce que je suis attirée par toutes les religions. La première des raisons est que toutes ces religions ont fait tant de guerres que l’on finit par se dire que c’est important de les connaître et de comprendre ce qu’elles véhiculent. Ma définition personnelle et intime de la religion et de la foi est tout à moi, c’est ce que je porte en moi ; j’ai l’impression de ne pas avoir simplement des gènes mais d’être aussi arrivée avec des acquis qui viennent d’où ? Je n’en sais rien. Je suis venue avec des choses qui n’étaient pas à ma mère ou à mon père… Je me pose des questions auxquelles je ne peux répondre car je n’ai pas la possibilité d’y répondre. Alors, de temps en temps, je me raconte des histoires qui m’amusent…

P. M. : Vous pensez à quelque chose de particulier en disant que vous êtes née avec des acquis ?
M. D. : À six ans, j’étais attirée par les mots. Je demandais aux gens de me lire des poèmes. Pourquoi aimais-je prématurément les mots ? Ce ne sont pas mes parents qui étaient à l’extérieur toute la journée qui m’ont donné le goût à cela, ni mes frères, ceux-ci étaient plus âgés et presque partis de la maison. Ce sont des choses sur lesquelles je vibrais. Cela doit venir de quelque part. Comment expliquer par exemple ceux qui écoutent de la musique très jeunes et qui savent reproduire des sons ?

P. M. : Vous avez été quel profil d’élève ?
M. D. : Moyenne, un peu rêveuse dans un monde à côté, pas tellement concernée par l’école, plutôt contemplative. Les arbres m’intéressaient plus que l’école. Je discutais davantage avec un arbre qu’avec la maîtresse. Mon imaginaire était très développé. Ce qui est d’ailleurs nécessaire à l’artiste. La nature a toujours été importante. C’est important pour moi de toucher un arbre. Je peux parler bien plus aux arbres qu’à mes amis. D’ailleurs, en arrivant à la campagne, je commence par dire bonjour à tous les arbres et je vais les voir. Je leur raconte ce qui m’est arrivé d’essentiel, je leur dis qu’ils m’ont manqué, que j’ai pensé à eux. C’est très important pour moi cette relation avec la nature.

P. M. : Peut-on y voir de l’humilité ?
M. D. : Non, je ne crois pas, ce serait merveilleux ! Ces arbres sont dans un endroit où j’habite, donc il y a forcément une notion de propriété derrière… Et puis on peut dire oui et non car j’ai aussi un arbre dans le Parc de Versailles que je vais voir régulièrement. C’est un arbre sous lequel j’ai fait un serment et lorsqu’on fait un serment sous un arbre, il est indispensable de le tenir. Je peux faire un détour pour aller voir cet arbre…

P. M. : Ce n’est pas banal ! Lorsque vous en parlez autour de vous, les gens ont-ils l’impression que votre mental se porte bien ?
M. D. : Oui, comme j’ai l’air d’aller bien, on se dit : elle est heureuse, tant mieux pour elle.

P. M. : Êtes-vous une femme d’affaires ?
M. D. : Ah non pas du tout ! Absolument pas, je me fiche de tout cela et ça me passe au-dessus de la tête. Mais, par contre, je suis très organisée. Je suis très précise. Je n’aime pas le désordre. Je n’aime pas perdre mon temps ; je préfère aller au cinéma, lire un livre, traverser Paris pour aller chercher quelque chose qui va faire plaisir à quelqu’un...

P. M. : Avez-vous eu l’impression qu’on vous ai fait perdre du temps quelquefois, soit affectivement, soit professionnellement ?
M. D. : J’ai l’impression d’être assez responsable de tout ce qui s’est passé dans ma vie. La chose la plus difficile que j’ai apprise, c’est à dire non ; donc, si j’ai le sentiment d’avoir perdu du temps, c’est de ma faute parce que c’est un manque de courage de ma part de ne pas avoir dit non… Mais, dès que je m’ennuie un peu, je me dis qu’il y a toujours un enseignement à tirer de ce temps qui semble perdu. C’est aussi à moi d’ouvrir un peu plus les portes et de voir ce que je peux glaner pour ne pas perdre le moment présent et que ce soit le plus jovial, le plus sympathique possible, aussi bien sur le plan social que sur le plan sentimental. Si vous vous mettez dans un coin et que vous vous dites : je reste ou je pars, suis-je plus heureuse si je pars ou si je reste ?, un beau jour vous sentirez que vous n’êtes plus heureuse. C’est à ce moment-là qu’il faut avoir le courage de prendre une décision.

P. M. : Vous l’avez eu ce courage dans votre vie ?
M. D. : Oui, bien sûr ! C’est très douloureux mais c’est aussi survivre. C’est difficile lorsque quelqu’un ne vous aime plus ou lorsque vous n’aimez plus quelqu’un de continuer à vivre de cette façon-là. J’ai essayé à chaque fois de trouver l’harmonie mais, lorsqu’on ne la trouve plus, il faut chercher ailleurs ou se mettre face à soi-même. J’ai aussi vécu de grandes périodes de solitude…

P. M. : Les ruptures sentimentales ou professionnelles vous ont-elles amené des trésors inespérés ?
M. D. : Je ne sais pas, je ne pense pas que ce soit aussi simple. Je crois qu’il faut d’abord faire les deuils. Le deuil, c’est quelque chose qui est incontournable dans une rupture. À la minute où ce deuil est fini, les portes s’ouvrent mais elles ne s’ouvrent pas parce que vous en avez fermé une ; il y a des distances ou un recul plus long parfois. Ce n’est pas parce que vous quittez quelqu’un que le lendemain vous rencontrez quelqu’un d’autre. Vous êtes peut-être disponible à trouver quelqu’un d’autre, mais vous n’êtes pas vraiment disponible simplement parce que quelqu’un n’est plus à côté de vous.

P. M. : Avez-vous l’impression de plutôt vous être trompée dans les choix de votre existence ?
M. D. : Je ne me pose pas ce genre de questions. Je me sens tellement bien, tellement en harmonie avec moi-même ! Tous les jours quelque chose me fait changer d’avis. Lorsque j’ai une certitude, cette certitude devient une vague hypothèse à un certain moment car je me dis que la vie ne peut être aussi simple. Ce n’est peut-être pas pour tout le monde pareil mais c’est sûrement ce qui évolue dans le sens de la sagesse. Ce que je peux ajouter, c’est que tous les matins lorsque je me lève et grâce à ce raisonnement, je n’ai pas mal à la tête et je suis heureuse.

P. M. : Sur le plan de votre carrière, nourrissez-vous des objectifs ?
M. D. : Pas du tout ; je me suis même arrêtée pendant dix ans de tourner. D’ailleurs, je n’ai pas tourné depuis un an mais j’ai l’impression d’avoir fait mille choses pendant cette année. Ce n’est pas parce que je vais tourner que ça va être plus riche ; au contraire, souvent c’est plus contraignant, plus rigide. Lorsque je ne suis pas en tournage ou au théâtre – le théâtre est pour moi une prison dorée –, je vais glaner mes émotions, ma vie, mes richesses. Lorsque je ne travaille pas, j’engrange des envies et lorsque je suis en tournage et que je ne peux pas bouger, je n’ai pas besoin de fermer les yeux car toutes ces choses sont en moi ; elles me reviennent et je peux les approfondir parce que justement j’ai senti qu’il y avait quelque chose à comprendre dans ces moments-là. Pour vous donner un exemple, à une époque, j’ai rencontré un chirurgien qui était très intéressé par l’art Dogon et par les Dogons d’Afrique. Je suis allée « traîner » un petit peu avec lui lorsqu’il achetait des statuettes et puis je me suis trouvée sur un tournage pendant sept mois et j’ai étudié tous les Dogons ! J’ai emporté avec moi des livres sur tout ce que j’ai trouvé les concernant. Peut-être que ce soir, après vous avoir rencontrées, je vais lire des tas d’ouvrages sur la psychanalyse ! Le problème, c’est d’être toujours bien guidé pour ne pas partir n’importe où, pour ne pas se noyer.

P. M. : Aimez-vous donc l’Afrique ?
M. D. : Je suis marocaine de cœur puisque j’ai eu une maison durant vingt ans à Marrakech ; je l’ai vendue l’an dernier. J’ai vécu avec cinq femmes à demeure qui ne parlaient pas le français ; je n’ai jamais parlé l’arabe non plus mais j’étais en osmose avec elles. Je comprenais ce qu’elles ressentaient, comment elles vivaient, je connaissais leurs fous rires à travers leur regard, je savais à quoi elles pensaient. Elles m’ont traitée comme une princesse et je leur ai donné la possibilité aussi de rêver au travers de ma vie. J’habitais alors une très belle maison et lorsque j’arrivais là-bas, c’était à celle qui me laverait le dos le soir, à celle qui me ferait le feu dans la cheminée… et, en les observant, j’arrivais à comprendre comment elles vivaient dans leur couple et dans leur famille.

P. M. : La vie, pour vous, est-elle comme un livre ouvert ?
M. D. : Oui, bien sûr. Mais en même temps, j’apprends aussi d’autres choses : l’astrologie par exemple, j’en ai fait quinze ans. Au moment où j’ai été opérée du cœur, en 1980, j’avais quelqu’un auprès de moi que j’aimais bien, qui faisait de l’astrologie et qui m’a demandé de décaler de 48 heures le jour de mon opération. Elle m’a dit : « Ce serait mieux si vous vous faisiez opérer le sept et pas le cinq » ! Après mon intervention, je suis partie en convalescence et pendant cette période, j’ai pensé à ces deux jours, pourquoi ces deux jours ? J’ai acheté un bouquin et je suis « tombée » sous le charme… Je n’ai toujours pas compris le décalage de deux jours, peut-être n’ai-je pas pris l’astrologie par le même bout qu’elle, ce qui est possible mais je l’ai vraiment étudiée. C’est encore et toujours au travers de mes rencontres que j’apprends. Je n’ai pas fait d’études mais des études appliquées au travers des gens qui ont croisé mon chemin.

P. M. : Lorsqu’un sujet vous intéresse, vous donnez le sentiment d’aller loin…
M. D. : Effectivement, ce n’est pas superficiel ; c’est comme mes reportages, ils ne peuvent l’être. Lorsque vous passez huit mois à faire un sujet sur la prostitution et que vous êtes payée cinquante mille francs à l’arrivée, il faut être motivée. Si vous le faites, c’est parce que cela vous intéresse. J’ai commencé par la prostitution de rue et j’ai terminé par la prostitution de luxe. J’ai tout fait : les travestis, le téléphone, le minitel… Huit mois d’enquête et de tournage…

P. M. : Avez-vous bien été accueillie sur ces sujets difficiles ?
M. D. : Pas toujours, mais j’ai toujours cherché à protéger les gens qui m’ont demandé de les protéger.

P. M. : Actuellement, il y a toute une polémique quant au droit sur l’image ; quelle est votre position ?
M. D. : Je pense qu’il y a des moments où ça fait du bien à quelqu’un de s’exprimer. J’ai toujours eu beaucoup de pudeur dans mes interviews et dans mes enquêtes. J’ai rencontré une jeune femme qui était atteinte d’un cancer du sein et qui a mis un an avant d’aller voir un médecin en sachant qu’elle était malade. Quand j’ai commencé ce portrait, elle l’a accepté pour faire plaisir à son médecin auquel elle pensait devoir quelque chose. Elle m’a donc dit : « Instinctivement, je ne le ferais pas ou je ne l’aurais pas fait. Mais on me demande de le faire pour aider d’autres femmes dans le même cas que moi et je vais le faire avec toute l’honnêteté que je peux, mais sachez que je ne suis pas d’accord ». Là, vous vous sentez plutôt malheureuse car il y a un dilemme, on n’est pas tout à fait en harmonie. Nous avons, malgré tout, commencé à faire ce portrait ensemble et puis, quelques jours avant de se quitter, il s’est passé ceci : elle portait constamment une perruque et je lui ai demandé de l’enlever en rajoutant : « C’est la journaliste qui parle et non la femme ; cela me gêne énormément d’avoir à vous le demander car je sais que votre fils ne vous a jamais vue sans perruque, votre mari très peu et pourtant, moi, je vous le demande et de plus, devant la caméra. Ne le faites pas si vous ne voulez pas mais je suis obligée professionnellement de le faire ». Elle m’a dit : « Je vais le faire et vous verrez ce que vous en faites » ; je l’ai trouvée alors très, très courageuse, moi je ne l’aurais pas fait. On a donc tourné cette interview et elle a enlevé sa perruque. Elle est allée se regarder devant une glace, elle a éclaté en sanglots. Cette image reste en moi très forte. Je n’ai pas fait le montage tout de suite mais cinq/six mois plus tard. Et avant de commencer, je l’ai appelée et je lui ai demandé si l’on pouvait se voir et faire le point, savoir où elle en était. Je l’ai revue, elle avait des cheveux mi-longs, elle allait bien, ça ne posait plus de problème ; j’ai donc mis cette séquence bouleversante qu’elle a vue. Elle a trouvé cela très dur mais, en même temps, elle était très contente de l’avoir fait. Elle m’a dit que ce portrait l’aidait finalement. Cette action a fait l’effet d’une thérapie.

P. M. : L’amour guérit-il vraiment ?
M. D. : C’est vrai ! Si on est simplement dans l’indiscrétion et le voyeurisme, ça ne peut pas passer. Si j’avais vu que cette femme avait rechuté, qu’elle était dans le désespoir, je ne l’aurais pas fait. Car il était question de ça en fait ; lorsqu’on est atteint d’un cancer, on doute du matin au soir, on joue avec la mort et à ce moment-là, je n’aurais pas pu mettre cette séquence parce que j’aurais certainement assassiné cette jeune femme…

P. M. : Avez-vous souffert d’une certaine presse à scandales ?
M. D. : J’ai été concernée lorsque je vivais avec Alain Delon et aussi lorsque j’ai été opérée du cœur. Mais, on ne m’a pas persécutée du matin au soir. Cependant, c’est donnant-donnant, on ne peut être populaire et ne rien donner à côté… Il est vrai aussi que cette presse à scandale reste très accrocheuse et très présente dans les moments durs de la vie de quelqu’un et c’est parfois très difficile…


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