Dans  nos souvenirs plus ou moins lointains, l’apprentissage du mécanisme  de la lecture, relativement aisé pour les uns, fut source de  quelques souffrances pour d’autres… Ainsi fallait-il bien lire  pour faire plaisir à la maîtresse ou au maître, à maman et à  papa. Cet acquis incontournable ne signifie donc pas toujours que le  goût de lire soit au rendez-vous. C’est pourtant cette notion  qu’il est important de découvrir ou de redécouvrir.
			     L’acte  de lire, contrairement à celui de regarder la télévision ou  d’écouter la radio, demande un réel effort. Cependant, cet effort rend libre. Il permet effectivement un choix, inaugure  une rencontre avec la pensée et la réflexion. Il est par exemple  possible de s’arrêter sur une phrase, de fermer son livre et d’y  réfléchir, de partager son sentiment avec autrui. Tous ces  comportements ne sont pas anodins mais riches de sens. Bien lire  après l’école, c’est enfin lire pour soi, pour se faire  plaisir, pour se comprendre, pour évoluer, et certainement pas pour  satisfaire à une quelconque autorité tutélaire…
			     L’effet  révélateur
			       À  l’instar du livre de contes, qui permet non seulement – comme le  précise Bruno Bettelheim dans son ouvrage « Psychanalyse des  contes de fées » – de stimuler l’imaginaire mais également  d’apporter des réponses aux questions existentielles, toute  lecture efficace déclenche un effet de révélation. Qui n’a  jamais trouvé avec bonheur, au détour d’un paragraphe, une  expression fulgurante et synthétique en total accord avec une  perception jusque-là confuse ? Une expression qui confirme  symboliquement que le chemin est le bon… Ce qui déclenche, du  coup, le désir d’en savoir plus et d’ouvrir davantage encore ses  horizons livresques ! 
			     
Un  acte intime et créatif
			       Yves  Bonnefoy, dans un article intitulé « Lever les yeux de son  livre », paru dans la Nouvelle Revue de Psychanalyse, développe  l’idée que la véritable lecture ne se résume pas à la simple  réception d’une information pratique. Ainsi est-il incontournable  de donner du sens à un texte, c’est-à-dire 
en recharger les  mots de nos souvenirs ou de nos expériences présentes… Il  existe donc une alchimie intime dans l’acte de lire. C’est ce qui  fait dire aux écrivains que leur œuvre leur échappe totalement une  fois publiée, chaque lecteur recréant en quelque sorte, à partir  de sa propre lecture, un univers qui n’appartient qu’à lui. 
			     
Plaisir,  passion et partage
			       L’amour  des ouvrages littéraires est donc indissociable de la notion de  plaisir : il aiguise la curiosité, incitant à flâner avec bonheur  pendant des heures dans un Salon du livre, une bibliothèque, une  librairie. Attirés par une couverture, un titre, un auteur, nous  voilà déjà en train de feuilleter librement l’œuvre.  Quelquefois, une joie extrême se manifeste lorsque le livre  recherché depuis longtemps est là, à portée de main. L’amour  devient alors passion lorsque, de retour chez soi, en totale  communion avec le texte, nous en oublions pour un temps le monde  extérieur. Puis, après en avoir assimilé le contenu, vient le  besoin de partager, de restituer à qui veut l’entendre ce qui nous  a fait vibrer. Une lecture n’est d’ailleurs véritablement  vivante que si elle redevient parole…
			      
			     Jean-Pierre  Charles