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                            La psycho  
                           dans Signes & sens 
                           
                             
                               
                                 La bisexualité psychique sur le divan 
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		                 Le  terme de bisexualité psychique, bien qu’appartenant à de nombreux  mythes, a surtout été développé par Sigmund Freud. Si, dans un  premier temps, Freud s’appuie sur une conception biologique, il  s’oriente par la suite sur le principe « d’identification »,  comme le souligne le psychanalyste Didier Anzieu : « La bisexualité  résulte d’identifications à la fois masculines et féminines,  c’est-à-dire d’un processus purement psychique : là résidera  l’explication proprement psychanalytique »… 
			              Pour  la psychanalyse, il faut donc bien distinguer une identité de genre  d’une identité de sexe. L’identité sexuée fondamentale est  partiellement autonome des caractéristiques biologiques présentes à  la naissance, soit de l’identité de sexe. Pour le psychanalyste  américain Robert Stoller et de son côté, le  sexe comme le corps est d’abord donné par le regard de l’autre,  puis construit par les identifications introjectives.  Mais avant la prise de conscience de la spécificité de sa  sexualité, l’enfant – n’ayant pas de dissemblance sexuée –  s’identifiera donc lors des interrelations avec les deux parents.  Ainsi, le tout-petit pourra se fantasmer dans un premier temps comme  maman, puis comme  papa. C’est après cette période  d’identification à la mère, puis au père, que nous pouvons  parler de bisexualité psychique. Le petit d’Homme serait de fait  dans un premier temps dans un état ambisexuel, pour reprendre le  néologisme de Sandor Ferenczi. 
			             Le  mythe : fantasme d’unité et de toute-puissance 
			               Le  mythe d’Hermaphrodite a pour fonction de nous faire admettre que  l’antinomie des sexes peut être dépassée : l’opposition du  couple masculin/féminin n’étant plus, nous sommes dans une forme  d’immortalité et d’unicité, amenant l’individu à  s’auto-procréer. Ainsi, comme l’écrit Christian David, la  fonction bisexuelle présente un pouvoir organisateur, réparateur,  voire créateur. La bisexualité  psychique vient fantasmatiquement donner une fausse entièreté à  l’Homme, qui se sent discrédité dans son unité, barré qu’il  est d’une moitié de la chose sexuelle. La bisexualité est un  fantasme, un idéal, un rêve, voire un cauchemar. Pour mieux saisir  la notion de bisexualité psychique en tant que dimension idéale, le  psychanalyste Mc Dougall explique qu’elle prendrait son origine à  l’orée de la vie psychique, à la découverte non pas de  l’identité sexuelle mais de l’identité subjective : l’altérité. Je voudrais soutenir ici,  écrit-il, que l’idéal  hermaphrodite trouve ses racines dans l’idéal fusionnel qui unit  l’enfant au sein maternel. La recherche d’un état idéal où le  manque n’existe pas témoigne que le sein est déjà perdu,  c’est-à-dire déjà perçu comme étant l’essence d’un Autre.
			             Lou  Andreas-Salomé et le retour au Tout  
			               Un  exemple est intéressant à plus d’un titre : celui de Lou  Andreas-Salomé. Nous n’aborderons ici qu’une infime partie de sa  vie et de son œuvre. Nous tenterons essentiellement de mettre en  exergue l’envie d’Unité qui la suivra toute son existence. En effet, cette romancière,  essayiste et psychanalyste (1861-1937), est peut-être la première  femme à se revendiquer comme un esprit  libre. Nourrie de philosophie, de  poésie, de psychanalyse et de spiritualité, elle n’aura qu’une  frénésie, comme elle le développera dans un de ses essais : « Le  Retour au Tout ». Cette obsession du Tout, comme nous l’avons vu,  possiblement mise en lien avec cet état fusionnel et fantasmatique,  lequel s’inscrivant dans une subjectivation non pas asexuée mais  bisexuée. Nous avons poussé notre réflexion jusqu’à voir que  cette position psychique pouvait réactiver une pensée magique qui  laisserait fantasmer à l’individu une dimension divine. Nous  pouvons mettre en parallèle cette phrase d’Andreas Lou-Salomé  extraite de « Ma vie » : Nous,  univers devenu conscient et par là morcelé, nous devons nous  freiner, nous supporter mutuellement… Nous devons faire la preuve  concrète de notre profonde unité…  Nous retrouvons dans cette réflexion une dominante religieuse et  spirituelle commune à une grande tradition mais ce qui est troublant  dans la vie de Lou, c’est la difficulté de pouvoir acter un tel  principe. De plus, cet idéal d’Unité ne l’aurait-il pas  empêchée de s’inscrire dans l’altérité ? En effet, ses  relations aux hommes montrent cette difficulté à voir l’autre  comme sujet. Sa première expérience platonique en amour fut celle qu’elle noua avec le Pasteur Gillot, qui  l’initiera à la philosophie et à la théologie. Il perdra toute  crédibilité lorsqu’il la demandera en mariage. Elle écrira : Mais comme il devait en quelque sorte  être un double, un sosie, un revenant du Bon Dieu, il me fut  impossible de donner un dénouement humain à notre histoire d’amour…  À regarder ses autres conquêtes, nous constatons – derrière une  recherche intellectuelle et spirituelle au contact d’hommes tels  que le philosophe Nietzsche ou le poète Rilke – une recherche  psychique lui donnant l’impression d’acquérir une identité  masculine. C’est sûrement inconsciemment pour cette raison que  lorsqu’elle épousera Friedrich Carl Andreas, elle se refusera  toujours à lui sexuellement, lui interdisant ainsi d’avoir des  enfants. Nous pouvons avancer qu’une grossesse lui aurait permis de  mieux s’incarner dans sa sexualité féminine. Nous retrouvons  d’ailleurs dans une lettre, qu’elle écrit à Anna Freud, une  sorte de confirmation consciente de cette fixation archaïque de  bisexualité, qui semble également mettre en avant la forme  fusionnelle primordiale à la mère en tant que principe d’Unité  et de complétude : La part «  masculine » de la femme, c’est-à-dire la force, le courage, la  puissance intellectuelle, n’entre pas en contradiction avec la  féminité… Si comme nous l’avons  postulé, Lou Andreas-Salomé a une structuration psychologique  l’inscrivant fantasmatiquement dans une bisexualité psychique,  cette organisation inconsciente lui permettra également d’acquérir  une dimension intellectuelle géniale et complexe que nous avons de  la difficulté à comprendre dans sa globalité en lui donnant une  posture d’icône. Le psychanalyste Max Eitingon rédige, lors du  décès de Lou, un texte qui résume bien ce sentiment d’étrangeté  : La mort de Lou me semble  étonnamment irréelle. Elle paraissait si détachée du temps que  l’évènement semble correspondre à ce qu’on savait d’elle…
  
                         Dominique Séjalon 
                         
			           
			          
                     
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