La psycho
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      La fragilité des illusions heureuses

      La fragilité des illusions heureuses
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      C'était un p'tit bonheur que j'avais rencontré, il était tout en pleurs, sur le bord du fossé... ”. On dit encore du bonheur qu'il est dans le pré, qu'il faut courir pour l'attraper et le fuir avant qu'il nous quitte, que ses voies sont aussi impénétrables que celles du Seigneur. On dit que certains ne connaissent pas le leur, que celui des uns fait le malheur des autres, que seuls les imbéciles y ont droit et que les gens heureux n'ont pas d'histoires non plus. Est-ce pour cela qu'il nous est si difficile d'être heureux ?

      Le bonheur des autres


      Sous certains angles, le bonheur ressemble à la chance : il est distribué au hasard et ne tient pas compte des conditions matérielles ou des mérites personnels de celui qu'il a choisi d'honorer. Savetier ou financier, sera heureux celui qui peut l'être, celui qui sait l'être. Sur quoi repose donc cet art délicat du bonheur ? Sur la faculté de profiter des bienfaits de sa condition, quelle que soit celle-ci ? De jouir du présent, loin des angoisses existentielles ? D'espérer en l'avenir, quels que soient les nuages qui s'accumulent ? D'apprécier les cadeaux de la vie, sans souci des malheurs du monde. Notre aptitude au bonheur résiderait-elle dans notre humilité, notre manque d'ambition, notre imprévoyance, notre égocentrisme ? Voilà pour nous rassurer. L'art du bonheur ne serait accessible qu'aux ascètes et aux insensibles, aux modestes prudents qui se contentent de ce qu'ils sont, ne cherchant noises ou ne portant secours à personne. On parlerait alors avec raisons des imbéciles heureux : leur manque de manque les rendant insupportables. Seraient-ils donc invivables, les gens heureux ? Comblés, égoïstes, béats, niais ? Ou alors, comme les chats repus, endormis ou occupés à la toilette minutieuse de leur pelage soyeux, seraient-ils fascinants ? Les narcissiques gens heureux enfermés dans leur tour d'ivoire, protégés dans leur jardin bien clos, nous seraient-ils aussi inaccessibles que les grands félins et les très belles femmes, l'intensité évidente de leur félicité rendant à jamais vains nos piètres efforts pour s'en approcher ? Le bonheur des uns renforcerait-il le malheur des autres ?

      Tout le monde est malheureux


      Et si nous laissions dans leur île les fabuleux gens heureux et décidions de rechercher et d'apprécier nos bonheurs personnels ? Aujourd'hui tout nous y invite : la mode est au bonheur. Il est mal porté de traîner mine triste et front soucieux. Le bonheur est dans nos prés. Il suffit de savoir regarder. Hors l'éclat d'un mythique bonheur grandiose toujours à venir, nous avons nos propres pépites de soleil. À nous de les repérer, d'en jouir et de nous en souvenir. N'est-ce pas suffisant ? Le souvenir du bonheur n'est-il pas encore du bonheur ? Hélas non, pas toujours. Les vieux bonheurs ne rendent pas toujours heureux. On dirait même que le bonheur vieillit mal ; il est bien capable de se transformer en nostalgie, en tristesse, en amertume. Pourquoi ces trésors pâlissent-ils si rapidement et si souvent ? Pourquoi ne sommes-nous pas riches de nos richesses, heureux de nos bonheurs ?
      Nos thèmes précédents, le succès, le plaisir, nous ont mis sur la piste. Ils nous ont familiarisés avec l'idée des contraintes psychiques inconscientes qui nous tirent vers la souffrance, la répétition, la destruction, la mort. La discorde est en nous, nous éloignant des ravissements de la vie ; l'ombre de Thanatos obscurcit tous nos soleils. Ainsi, la dernière dualité pulsionnelle que Freud a offerte à notre réflexion nous invite à penser Thanatos et Eros entremêlés intimement. Difficile de vivre longtemps une joie sans que l'angoisse pointe, ne serait-ce que celle, toujours présente, de la mort, de la perte, du manque. Difficile d'être un vivant heureux, cerné par la mort des autres et par la sienne annoncée. Freud, “ judéodépressif ” selon le joli jeu de mot dont je ne sais pas l'auteur, marqué par sa lucidité, sa culture, son histoire, la maladie, l'époque et l'urgence de ses découvertes, nous a initiés à la fragilité des illusions heureuses. La vie n'est que ce qui s'arrache à la mort, le bonheur, ce qui échappe au malheur. Et l'humain, cisaillé par le manque et chamboulé par la parole, vit dans l'ombre de ses désirs inassouvis. Triste constat que les psychologies à base cognitive, neurologique, spirituelle ou comportementale ont depuis longtemps dépassé ; fleurissent partout des manuels et des guides qui nous assurent que le bonheur est à notre portée. Pour en goûter, il suffirait de le vouloir vraiment, le décider et s'en donner les moyens, se centrer sur soi, corriger la trajectoire de sa vie, mieux respirer, se libérer des charges psychiques superflues.

      La création du bonheur


      Qui croire ? Ratage absolu pour les uns, réussite garantie pour les autres. Entre ces extrêmes, la freudienne optimiste que je suis préfère la voie médiane, transitionnelle : celle que permet l'œuvre de Melanie Klein et surtout celle de Winnicott. Ces deux psychanalystes nous ont montré que le monde se crée, que la réalité se transforme, que l'expérience que nous faisons de la vie la modifie par le jeu, le rêve, la réparation, la création. Même donné, détruit, le monde n'est réellement accessible qu'une fois que nous l'avons réparé. Il n'existe qu'une fois que nous l'avons inventé, recréé. Alors, comme on fait l'amour pour que l'amour existe, sans trop d'illusion sur sa valeur romantique, comme on crée le monde pour l'apprivoiser et qu'il nous appartienne sans trop croire en sa fiabilité, on peut se fabriquer sa propre version du bonheur. Le bonheur, ou quelques très belles copies tout à fait crédibles, ne sera dans le pré que si nous l'y mettons. Et nous l'y mettrons en transformant nos propres pulsions, notre haine et notre peur, notre violence et notre désespoir. De nos mains et avec nos propres dons, nous créerons des bouts de bonheurs partiels et fugaces, éphémères et bricolés. C'est le long chemin de la réparation, celui du deuil créatif, celui de la résilience. Les processus psychiques qui, en chacun de nous, rebâtissent sans cesse le monde qui s'effondre. Habités de deuil et de chagrins, blessés d'amertume ou d'abandons, marqués par le manque et creusés de désir, tous, nous pouvons inventer la vie, donner de la vie à la vie.
      Les voies du bonheur sont pour moi celles de la réparation transitionnelle, du bricolage créatif. Créer, imaginer, jouer, broder, donner, chanter et se donner le droit et le temps de cueillir les éclats de bien-être que la vie nous donne avec parcimonie. Pourquoi ne pas transformer en bonheur ce qui nous fait plaisir ? Se faire du bonheur comme on se fait du bien, par la magie de notre capacité à créer le monde, entre rêve et deuil, entre rire et larmes, prendre le temps d'être avant de mourir. Et si notre manière d'être ne brille pas de bonheur absolu mais reste teintée parfois de tristesse, pourquoi pas ? Cette version du bonheur, des bonheurs d'une vie, n'est pas un aboutissement et n'a rien d'une quête. Elle n'embarque pas dans son sillage toutes les ambitions d'une existence, n'invite pas plus à mordre aux plaisirs et aux jouissances avec avidité qu'à s'en prévenir. Ce n'est pas le projet d'une vie ; le bonheur ainsi bricolé ne comble pas nos manques ni ne résout nos angoisses existentielles : il se contente de jouer avec ; ce n'est que le côté ensoleillé des ombres de nos vies, des bouts de bonheurs à cueillir au bord d'un fossé.


      Maryse Vaillant

       

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