Quoique très envié par de nombreux pays, notre système éducatif pré-primaire révèle de plus en plus ses limites. En effet, dès la première année de maternelle (c'est-à-dire en moyenne dès trois ans), sous la pression des parents de plus en plus ambitieux pour leurs enfants, certains enseignants appréhendent la reconnaissance et l'écrit des chiffres et des lettres. Cette nouvelle conquête de l'espace psychique de l'enfant va à l'encontre de ce qu'a démontré Freud quant au développement et à la maturité pulsionnelle du petit d'Homme.
Lorsque l'enfant entre en maternelle, il est en pleine période œdipienne. À cette période de sa vie, l'essentiel de sa libido est centré sur la découverte de sa spécificité corporelle, possible grâce à la masturbation. À cet âge, le jeu doit être prédominant car il correspond au stade précis et présent de maturité de l'enfant et c'est par le jeu, surtout, qu'il va se positionner en tant que fille ou garçon ; jouer lui permet aussi de s'individuer car il est à la fois metteur en scène, acteur et spectateur de son imaginaire, en dehors de toute contrainte posée par l'adulte. En jouant, il investit les notions d'espace et de temps... Bref, l'enfant est fait pour jouer...
Ce n'est que vers cinq ans, avec le déclin de l'Oedipe (et la mise en place de la castration), que l'enfant refoule et sublime ses pulsions psycho-sexuelles. La castration met un frein à cette forme d'activité infantile et permet à la libido de s'investir dans des buts plus socialisants, comme la scolarité et l'apprentissage des règles de vie en société.
Avant la période de latence, il est donc utopique de parler à l'enfant de « travail », de « consigne », sans prendre le risque de le voir développer, déjà, un mécanisme d'hystérie de séduction ! Effectivement, beaucoup d'enfants intègreront ces notions mais à quel prix ? Somatisations, régressions (pleurs dus à une angoisse d'abandon, sucette, pouce...) et bien d'autres signes qui sont donnés à voir. Cependant, d'autres encore, à l'énergie utilisée par le processus œdipien, qui consiste surtout à animer inconsciemment et à leur guise, leurs objets d'amour, ne pourront suivre les consignes ; ils vont alors être confrontés à l'échec car ils « n'y arrivent pas ». L'adulte se doit alors de dédramatiser « 1'échec » en insistant sur ce que l'enfant est capable de faire à l'instant « t ». C'est par cet accompagnement que le désir d'apprendre et la confiance en soi vont jaillir et permettre au petit d'Homme d'acquérir, au bon moment et sans difficultés, les apprentissages scolaires. Par ce biais, le propre échec, même fantasmatique, des parents ne pourra devenir symptôme familial car chaque individu sera accepté au travers de son unicité.
Chrystelle Marty
