La psycho
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      L’automutilation : oser en parler

      L’automutilation : oser en parler
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      Il existe aujourd'hui un engouement autour des marques du corps. Contrairement à ce que certains voudraient faire croire pour classer le problème et ne pas s'y attarder, ces comportements qui consistent à marquer le corps ne relèvent en aucun cas de la folie ou de la pathologie mentale. Au contraire, ils permettent de réguler des tensions, dans la honte et le silence pourtant : très peu osent en parler au grand jour de peur de se trouver face à l'incompréhension de l'autre.

      L'automutilation est un acte par lequel il est porté atteinte à l'intégrité du corps, soit par la blessure ou l'ablation totale ou partielle d'un organe, d'un membre, d'un revêtement cutané, soit par des manœuvres pouvant compromettre la vitalité d'un organe, par combustion, striction, excoriation...

      Le Moi


      L'automutilation n'est pas seulement un geste auto-agressif. Pour Bergeret, il s'agit aussi d'une violence fondamentale au sens du « moi ou l'autre » et où le corps est atteint car il n'y a pas d'autre objet disponible. Oui, l'entame de la peau est un moyen ultime pour lutter contre la souffrance. Le débat qui fait rage à l'intérieur de soi prend le corps en otage. L'usage de la peau devient alors un signe d'identité, au prix de transgressions multiples : briser la sacralité du corps, faire couler le sang, jeux symboliques avec la mort, sollicitation de la douleur pour exister. L'entame de la peau, le cutting, n'est pas un acte suicidaire mais une volonté de vivre, de se dépouiller de la mort qui colle à la peau pour sauver sa peau. Mais de quelle peau s'agit-il ? De quel corps s'agit-il de se rendre maître ? Didier Anzieu expose que le corps est la dimension vitale de la réalité humaine, ce sur quoi vont s'étayer toutes les fonctions psychiques. Son composant principal en est la peau parce que la connaissance du corps se développe à partir de la perception de ses frontières. Le Moi s'étaye en permanence sur la peau et sur l'ensemble des expériences corporelles.

      Le corps


      Si on place les mouvements auto-agressifs dans une perspective psychogénétique, force est de constater qu'ils existent normalement depuis la prime enfance. L'enfant se mord, se griffe, s'arrache les croûtes, dans une exploration de soi et de l'environnement et ce, jusqu'à plus ou moins 24 mois (s'il continue plus âgé, il entre alors dans une perspective de contrôle relationnel, dans le but pervers d'infliger de la terreur chez l'autre). L'atteinte corporelle ou auto-mutilation n'est pas seulement réservée au jeune enfant. On la retrouve également dans des actes religieux et les rites de passage. Cependant, l'entame n'est pas à comparer avec ces deux types d'épreuve corporelle. Les rites de passage sont des traces corporelles dont la douleur accompagne une mutation ontologique, permettant d'être désigné(e) à l'approbation du groupe. Dans ce cas, le corps est membre du corps collectif, ce n'est pas un corps personnel. L'expérience de la douleur se fait dans un cadre rituel. Dans l'entame, au contraire, l'individualisme démocratique permet de faire ce que l'on veut de son corps. Les marques qu'on lui fait revendiquent l'individualité.

      L’altération du corps


      L'identité personnelle n'est jamais close ; elle se trame, se construit toujours dans l'inachevé. Tenir le fil rouge de son identité est difficile, voire impossible si les assises narcissiques sont fragiles. Ainsi, l'adolescent (dont Dolto disait qu'il était atteint du complexe du homard) est-il interpellé par son corps qui change et qu'il surinvestit à cette période mais dans l'ambivalence. L'adolescent utilise son corps comme un moyen d'expression symbolique. Il tient un discours sur lui à travers l'apparence ; il utilise ce détour symbolique pour accéder au sentiment d'être soi. Son corps est une matière d'identité.
      La peau est doublement un organe de contact puisqu'elle est l'organe tactile mais, également, un témoin de la qualité relationnelle aux autres. Une maladie de peau n'est-elle pas une maladie du défaut de contact ? La peau est la mémoire vivante de manques de l'enfance ; c'est le champ de bataille entre soi et l'autre. À ce titre, elle peut être une enveloppe de souffrance qui devient le prix à payer pour assurer la continuité de soi. Lorsqu'un sujet s'entame la peau, sa douleur n'a plus de fonction protectrice ; elle ne l'incite pas à arrêter son geste.
      Au contraire, dans l'atteinte délibérée au corps, l'individu, étouffé par sa souffrance, se fait mal pour lui échapper. Le moment de l'altération du corps est rarement douloureux. L'acte est anesthésié car le but recherché est une diminution de tensions. Pour celui qui souffre, mieux vaut une douleur que l'on s'impose qu'une souffrance que l'on subit.

      Juste un répit


      Les témoignages montrent que les femmes s'entament plus que les hommes. Elles ont une souffrance plus intériorisée. L'homme aura tendance à transformer sa douleur en agression vers l'extérieur. En entamant sa peau, la femme récuse les critères de séduction imposés par la culture et l'éducation. Chez elle, la pratique est également solitaire. À l'inverse, les hommes préfèrent le faire devant un public. Un tel acte est alors une affirmation de leur virilité, leur courage, leur insensibilité à la douleur. Celui qui choisit l'entame pour échapper à la douleur est, en général, un être fragile narcissiquement, dont le Moi est relativement inconsistant. L'impossibilité dans laquelle il se trouve à sortir de la situation par le langage force le passage par le corps. La douleur physique devient une butée symbolique à la souffrance. C'est, en quelque sorte, une douleur homéopathique. Le cutter conjure l'impuissance par un détour symbolique qui permet enfin au sujet d'avoir prise sur une situation. Il change son corps à défaut de changer le monde. Malheureusement, l'apaisement est toujours provisoire ; il s'agit seulement d'un répit.

      Un espace transitionnel


      L'entame n'est absolument pas une tentative de suicide mais, à l'opposé, une tentative de vie, un essai de conjurer une catastrophe des sens, pour reprendre le contrôle d'une situation qui échappe. Ce n'est pas non plus un acte de folie. Sauf cas pathologiques qui ont franchi le cap de se couper du lien social (psychose, enfermement institutionnel...), beaucoup sont intégrés socialement et de façon tout à fait satisfaisante. L'entame est, pour ceux-ci, un cran d'arrêt dans un effondrement sans fin du sens. C'est une limite sur la peau, une fixation du vertige, de l'intrusion mortifère. Le moyen qu'ils ont trouvé pour passer de victime à acteur est d'utiliser le corps comme un espace transitionnel, au sens winnicottien du terme, c'est-à-dire un espace paradoxal fait d'entre-deux coupures. Cet espace est à la fois séparation et union. Comme au moment de la naissance où l'enfant, tout en étant séparé de sa mère, en est complètement dépendant. C'est lors de cette dépendance absolue et maximum que se fonde le sentiment de sécurité de base, à l'origine de la solidité du Moi. L'espace transitionnel, qui leur a manqué, est recréé sur le corps et plus précisément sur la peau.
      Le point commun de toutes les traces corporelles est le sang, le sang qui coule, paradigme de l'enchevêtrement de la vie et de la mort. À l'intérieur du corps, il est signe de vie. À l'extérieur, il devient signe de mort. Il est l'élément essentiel de la dramaturgie de celui qui n'en peut plus. La deuxième référence est la cicatrice. Pour les garçons, elle est un trophée identitaire, une trace tangible de leur virilité. Chez la fille, elle est une prise de position qui va à l'encontre de la séduction. Souvent, la tentative est de la faire passer inaperçue, sauf dans un processus d'autodénigrement. La cicatrice a pour but d'enraciner le souvenir du contrôle de la souffrance. Ainsi s'expliquerait que l'entame se situe souvent à des endroits facilement visibles pour le sujet (comme le poignet), afin qu'il puisse facilement s'en souvenir.

      Un moyen d’emprise


      La présence, ou non, de témoins est significative du sens de l'entame. Souvent, l'atteinte au corps provoque effroi et réflexe intolérable d'identification. Ainsi, on se rassure en parlant de folie, sorte de cordon sanitaire, pour repousser le geste dans l'impensable, pour ne pas lui donner sens. L'entame provoque horreur et culpabilité chez le témoin ; c'est pourquoi le cutter est souvent solitaire et habité par un sentiment de honte. Il désire se cacher mais, aussi, être découvert. Parfois moyen d'emprise sur l'entourage, il se révèle aussi un moyen d'attirer l'attention, de ne plus être insignifiant. Ainsi l'agression est-elle retournée contre soi pour attirer la sympathie.
      Les institutions sont les scènes de la majorité des entames et, dans ce cadre là, la prison détient tous les records d'atteintes corporelles, que ce soit par l'entame, le tatouage ou les affections dermatologiques. Dans ces lieux, il ne reste que le corps pour éprouver son existence. Le reste n'est que dépouillement de soi, expérience radicale de dépossession, arrêt du temps. La prison est parfois le lieu de la privation de visages par la disparition des miroirs. À défaut de mouvoir l'appareil judiciaire, celui qui est privé de liberté tente de l'émouvoir par l'atteinte au corps, afin d'être reconnu comme sujet et non comme détenu. Il s'agit, par la même occasion, de créer un évènement, une rupture dans le temps. Contrairement à la discrétion des blessures de ceux qui sont restés dans le lien social, les détenus montrent blessures et pansements.
      L'autre lieu de l'entame est la solitude. Le geste est solitaire, souvent accompagné d'un sentiment de honte et de culpabilité. Le jeune – car faut-il le rappeler, il s'agit souvent d'adolescents – s'entame hors du regard. Souvent ses proches sont dans l'ignorance de sa souffrance et de ses manifestations. L'absence du regard, et donc de mots, est à la fois la cause de l'entame comme ce qui la fait perdurer. C'est d'ailleurs souvent une rencontre positive, une relation d'amour ou d'amitié, qui aide le cutter à se débarrasser de cette habitude.

       

      Brigitte Cornet

       

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