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                           La psychodans Signes & sens
 
                             
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                                 Sortir des pièges de la passion |  
			   
			   
			     
			   
			   
			     
			     Freud voit dans l’amour passionnel une  altération de la personnalité. La philosophie pose préalablement  la question : la passion est-elle une erreur ? Nous sommes,  bien sûr, en droit de nous interroger : amour et passion  sont-ils réellement compatibles ? Le  mot amour est un de ces mots trompeurs qui recouvre plus d’une  réalité. Qu’existe-t-il de commun entre le je t’aime d’un couple totalisant soixante ans d’union, celui d’un  alcoolique violent avec sa compagne ou encore celui de Roméo et  Juliette ? On dit je t’aime à sa femme et on peut  utiliser le même vocabulaire pour sa maîtresse. Mais est-ce le même  sens, le même contenu, le même comportement ? À quoi sait-on  que l’on aime ? Décide-t-on d’être amoureux ? Bref,  qu’est-ce qu’aimer ?                  Possession et aliénationOn  dit tomber amoureux. On fait rarement exprès de tomber.  Aussi, nous pouvons supposer que l’amour est un sentiment spontané.  L’amour ne se décide pas. D’ailleurs, on ne choisit pas toujours  qui on aime, ni le bon moment pour aimer. Le sentiment d’amour nous  attrape par surprise. L’être aimé s’impose à nous, presque  comme une révélation. L’expression coup de foudre traduit  aussi cette notion d’imprévu, de soudaineté. Nous ne sommes pas  libres de choisir non plus l’endroit où tomber amoureux. On le  ressent, on le découvre. C’est une sensation là encore qui  s’impose à nous. De l’ordre de la possession : l’image de  l’être aimé emplit nos pensées, nos rêves, nos actes. On perd  parfois même objectivité et saine capacité de jugement. Il devient  difficile de se contrôler et de se concentrer. L’amour est une  forme d’aliénation qui pose la question de la liberté. En effet,  les débuts amoureux constituent un changement important. Ce  changement assaille, bouscule, voire hypnotise… La fascination  amoureuse semble ôter une part de libre arbitre. Antoine de Saint  Éxupéry ne disait-il pas : Aimer ce n’est pas se regarder  l’un l’autre, c’est regarder ensemble dans la même direction…
 Le risque de finir en esclavageLa  liberté est de l’ordre de l’idéalisation. Et pour Paul Valéry, un de ces détestables mots qui ont plus de valeur que de sens,  qui chantent plus qu’ils ne parlent… Cependant, si on dit de  l’amour qu’il permet de franchir des montagnes, alors peut-être  libère-t-il aussi de certains obstacles ? Lamartine a mis en  garde : Un seul être vous manque et tout est dépeuplé… L’amour serait donc un maître pour qui nous risquons de finir  en esclavage. Il est aussi comme une drogue qui apporte les  sensations du bonheur ou du plaisir, avec toutefois souvent en  contrepartie, une dépendance.
 En  outre, ceux qui font de la séduction un calcul, une stratégie,  brise le couple amour-liberté. Combien, dans ce cas, se sentent  paralysés, n’osent plus être eux-mêmes par peur du ridicule ou  de déplaire à l’aimé. Beaucoup d’entre nous ont du mal à  rester naturels en présence de l’être convoité. Rester soi-même  est d’ailleurs une des conditions pour une relation affective  capable de s’épanouir. L’amoureux est rarement objectif et la  subjectivité nous saute parfois aux yeux, lorsque – par exemple –  on se demande ce qu’il peut bien trouver à sa partenaire !  Les psychanalystes nous rappellent qu’on aime pour des raisons  profondément inconscientes. Amour et liberté constituent donc, dans  leur fondement, un couple assez improbable.
 Un retour sur investissementNombre  d’entre nous n’aime rien tant que les premiers émois. Ces sujets  ont alors tendance à souvent recommencer ! Ils vivent cette  période comme une sorte de fascination hypnotique. Nous vivons mieux  à deux que seul. La solitude est un choix par défaut pour la  plupart. Être deux, c’est forcément devoir faire des concessions  mais il s’agit d’une forme d’investissement ! Et le retour  sur investissement est sans commune mesure. L’amour partagé à  l’épreuve du temps est certainement le seul amour digne de ce nom.  Cet amour-là, tout apaisé qu’il soit, repousse les limites du  cœur. Kierkegaard au XIXème siècle et Jean-Paul Sartre au XXème  ont, de leur côté, insisté sur le fait que l’existence humaine  était avant tout liberté. Exister, c’est donc renoncer à choisir  pour l’autre. Mais, comme l’écrit pertinemment Christophe Jacob  dans son ouvrage « Choisir sa liberté », publié aux  Éditions Dangles, le couple conscience/amour ne peut fonctionner que  si l’acte de conscience et la volonté de laisser tomber les  masques sont réels. Les rôles qui ont été modelés par notre  vécu, nos douleurs, nos peurs, nos joies, nos peines, doivent tomber  sans concession : c’est une condition absolue. Ainsi,  seule l’authenticité permet manifestement d’aimer et de rester  libre.
   			       Olivier Perrot |