La psycho
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      Psychanalyse, publication
      et éthique

      Psychanalyse, publication et éthique
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      Françoise Dolto disait que tout psychanalyste devrait écrire pour témoigner de sa pratique et, ainsi, la transmettre au nom de la différence. Elle faisait en ceci allusion à la bonne marche de toute société, progression qui, si elle n’est pas prise en compte, fabrique de la régression, donc de l’échec, de la pathologie, de la violence, de la maladie, du conflit, de la guerre... Nul ne peut contester l’importance de cette suggestion dans la mesure où l’écriture comme passage à l’acte, si elle reste à la fois rigoureuse et suffisamment ouverte, entraîne une meilleure évolution, à type de prévention, au service de l’humanité. Ceci reste d’ailleurs valable pour toute discipline.

      Transmettre la psychanalyse après Freud relève d’une certaine éthique et repose sur une nécessité sociologique qui consiste à authentifier que toute discipline ne peut se pérenniser qu’à la faveur d’un éclairage qui se modifie au fil du temps. Ainsi, l’hystérie telle que Charcot l’observe, la décrit, la décline, à la fin du XIXème siècle, n’a plus rien à voir avec le profil de la femme hystérique du XXIème siècle.

      Humaniser, en première intention…


      Qu’est-ce qui a changé fondamentalement ? La femme, justement, qui a enfin pu s’autoriser à travailler, utilisant à bon escient et sublimant les contraintes liées à la première guerre mondiale. Si, à ce moment-là précisément, la gent féminine s’est retrouvée sur le terrain à labourer, menant combative la charrue, elle a toujours su ne pas mettre ladite charrue avant les bœufs ! La femme a aussi revêtu la blouse blanche, infirmière ou ambulancière ou, plus simplement, la blouse grise pour que les usines essaient de continuer à jouer leur rôle économique. Les exemples sont légion qui attestent de l’utilité à transmettre, carpe diem, une expérience professionnelle pour, non seulement une meilleure adaptabilité mais surtout et, encore une fois, pour une incontournable prévention. Témoigner des névroses de guerre, pour exemple, a permis de comprendre, entre autres, que tant que l’homme se comporte en guerrier, il alimente une opposition de base avec son meilleur complément : la femme. Ne dit-on pas que s’il y avait plus de femmes au pouvoir, il y aurait moins de guerres ? Mais la femme sait aussi réagir et le prouve, part la fleur au fusil, réduisant de facto ses déformations physiques liées à une hystérie de conversion, miroir adressé aux hommes prédateurs pour qu’ils voient qu’elles aussi peuvent être blessées mais guérir et ce, en humanisant, en toute première intention, leur rôle social.

      La psychanalyse sauvage


      Ainsi, s’il ne s’agit donc pas d’utiliser comme vecteur l’hystérie de séduction pour parler d’un sujet aussi difficile que celui qui traite de la psychanalyse en tant que méthode, ce type d’ouvrage appelle à une très grande prudence. Toute méthodologie, si elle peut être véhiculée explicitement, ne doit pas aboutir à donner l’illusion aux charlatans et aux coquins, dénoncés par Freud lui-même, que les néophytes peuvent s’emparer d’un facile outil d’étayage, mis à leur disposition, de sorte qu’ils en soient d’emblée déculpabilisés. Cette remarque invite à s’attarder quelque peu sur les conséquences du principe de la « psychanalyse sauvage ». Freud parle de cette dérive possible dès 1910 et la critique jusqu’à l’assimiler, entre autres, à de l’incompétence professionnelle, tout en la traitant d’« erreur technique ».
      On voit bien dans cette réaction-ci du Maître de la psychanalyse toute la vigilance qu’il faut avoir en publiant des thèmes découlant de cette discipline méthodique et méthodologique, visant à transmettre par écrit un registre appartenant toujours aux grandes traditions orales. Freud met donc en garde contre les individus qui se servent de « quelques notions des découvertes de la psychanalyse » sans avoir suivi le cursus théorique et pratique indispensable à l’exercice du métier de psychanalyste. Indépendamment d’acquis insuffisants, qui fausseraient l’interprétation, leur mauvaise assimilation pourrait entraîner une directivité mal à propos, en rendant notamment manifeste et de façon prématurée au patient le contenu refoulé, de sorte que celui-ci ne serait respecté ni en lieu inconscient, ni en lieu conscient puisque ses limites psychiques du moment se verraient déniées. Les résistances et le sens du transfert dans la cure ne peuvent en aucun cas supporter le moindre deal, maladroit ou pas. En face à face ou sur le divan, les formations de compromis à type de mécanisme de défense ne laissent aucune chance à l’imposture.

      La question du transfert


      Cette réflexion conduit à soulever la place, le rôle, la fonction du transfert qui peut s’établir confusionnellement à la lecture d’une publication analytique qui se veut théorico-pratique. Et si le devoir de réserve s’impose lors de toute publication, existe-t-il de plus grandes mesures de prévention à prendre quant à la rédaction de sujets traitant de la spécificité de la profession de psychanalyste ? En fait, et surtout, qu’en est-il de ce transfert singulier qui se développe toujours libidinalement entre l’inconscient du lecteur, ses interrogations, ses doutes, ses complexes mnésiques, autant de mécanismes de défense qui réagissent de peur d’être affectés ou, plus simplement, d’être mis en échec ? Quelle récupération peut faire un lectorat, plus ou moins averti, d’un travail venant d’une expérience et d’une pratique qui échappent de toute façon et en partie à la sensibilité du chaland qui se sent alors, et c’est une évidence, exclu narcissiquement d’un registre l’attirant suffisamment pour acheter un ouvrage qui peut être abordé comme ayant pour seule ambition de transmettre les secrets d’une discipline encore méconnue ? Quel type de transfert peut-on induire en livrant ex abrupto l’envers d’un décor qui garde encore, pour la plupart des individus, ses mystères ?

      La psychanalyse intelligible


      L’enjeu est d’importance puisque, plus d’un siècle après la découverte freudienne, cette discipline entraîne toujours de grandes polémiques. Freud le savait déjà, lui qui prévenait, au tout début de sa pratique, qu’une analyse du transfert peut se voir tout aussi « mal-menée » que l’ensemble de la cure. Autrement dit, est-ce bien le moment de publier les rouages d’un métier qui se voit confier des sujets pour le plus grand nombre fragiles ? Ne prend-on pas alors le risque suprême, à son tour, de permettre pernicieusement l’installation sauvage de pseudo-professionnels ? Et alors si risque il y a, existe-t-il une sécurité qui mette tout un chacun à l’abri de dérives tentantes ou de rétorsions pour le rédacteur inconséquent ?
      Bien entendu, le danger existe mais les limites protectrices sont, dans la mesure où un psychanalyste, de par la particularité de ses études, apprend dans l’altérité à rester propositionnel, suggestif et jamais affirmatif. Et si l’hypothèse est à manier avec modération car elle pourrait s’apparenter à un non-engagement, son principe doit rester et reste de mise ; effectivement l’hypothèse est, dans sa nature, le principe de base de la « neutralité bienveillante ». La règle essentielle pour respecter cette caractéristique empathique, liée à la méthode psychanalytique, consiste à ne jamais donner de conseils à ses patients. C’est ainsi que, dans une logique des choses, transmettre par écrit la psychanalyse devrait ne contenir aucune directive et ne privilégier aucune obédience. Ce type de parution devrait garder pour sens de rappeler que la psychanalyse est un outil dont on apprend à se servir grâce à des études spécifiques, tout en l’ayant expérimenté sur soi. Un autre sens consisterait à rappeler que la psychanalyse s’intéresse aux causes, plus qu’aux effets, ce qui en fait son originalité, c’est-à-dire qu’elle invite au « comment », laissant le « pourquoi » aux psychothérapies. La psychanalyse sollicite, stimule l’Être, envisageant l’avoir « de surcroît ». En effet, ni paraître, ni prosélytisme dans toute démarche psychanalytique et c’est pour cela qu’il n’est pas possible de s’inscrire dans une telle dynamique de façon narcissique ou sectaire. Sigmund Freud et son œuvre, à l’heure du « Net » dans une société dite moderne, atteste de sa position préventive qui en fait une innovation instructive. C’est par ce prisme encourageant qu’il faut envisager l’approche de toute lecture psychanalytique qui a pour unique direction de rappeler que la psychanalyse découle des sciences dites positives. Tant pis pour ses détracteurs, la psychanalyse en devenir a, de fait, un bel avenir. Vivante, elle ne peut en aucun cas être récupérée par quelques lecteurs adeptes des voies faciles qui envisageraient naïvement qu’il suffit de se plonger quelques heures dans une méthode, qu’ils apparenteraient alors à de la vulgarisation, pour prétendre dominer une telle discipline au point de visser une plaque professionnelle sur la façade de quelque immeuble. Cette démarche puérile ignorerait tout simplement que l’inconscient est soumis à interrogation informative et réflexive et qu’on ne peut transiger avec lui car, si la psychanalyse mérite une attention particulière, elle ne reste intelligible qu’aux individus responsables.

       

      Chantal Calatayud

       

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