| 
                     
                     
                       
                         
                            La psycho 
                           dans Signes & sens 
                           
                             
                               
                                 Quelle attitude  
                                 positive et humaine  
                                 face au délit ? 
                                | 
                              
                            
                           
                          
                       
			          
			         
			           
			             Condamné en 1979, un détenu américain a  été exécuté 26 ans après, par injection. Il s’agit de la «  médicalisation » (on n’arrête pas le progrès !) d’une  pratique vieille comme le monde qui consiste à appliquer le « œil  pour œil, dent pour dent », faisant place à une vengeance froide.  Au détriment d’une réflexion un tant soit peu humanisante…  
			              Justifier le respect de la vie en  institutionnalisant la mise à mort constitue un paradoxe étonnant  pour un monde qui se veut évolué. Malheureusement, cette solution  radicale ne semble pas être la panacée. Témoins les études  statistiques qui ne vont pas dans le sens d’une évolution  réellement  sécuritaire.                          
			               Protéger n’est pas tuer 
                         Si la loi a le devoir de protéger la société  du meurtrier (qu’on pourrait entendre meurtri  y est), doit-elle pour autant  s’identifier à l’agresseur ? Une communauté qui progresse se  reconnaît à la capacité  dont font preuve ses responsables à prendre  suffisamment de recul et ainsi faire la différence. En effet, si une  réaction à chaud face à une agression est parfois légitime, il  est cependant essentiel que nous apprenions aussi à nous interroger  de manière à ne pas alimenter le cycle infernal de la  violence.  Remplacer nos mécanismes de défense par ce que la psychanalyse  nomme mécanismes de protection, c’est essayer de comprendre (sans  excuser pour autant) les causes profondes d’un passage à l’acte  délictueux. En tant que garantes d’une juste loi, nos institutions  auraient donc tout intérêt à se pencher sur le fonctionnement  inconscient de ses citoyens hors  norme. La théorie freudienne reste  donc d’actualité, quoi qu’on en dise, pour éclairer le chemin  vers une humanisation toujours en devenir. D’ailleurs, Freud a  découvert que nous ne faisons souvent que répéter malgré nous des  schémas obsolètes. Carl Gustav Jung par la suite a insisté sur la  notion d’inconscient collectif, comme si la névrose, voire la  psychose (l’Histoire contemporaine et ses deux guerres mondiales en  témoignent), pouvait concerner tout un peuple ou même plusieurs. «  Plus jamais ça ! », peut-on lire sur le fronton de certains  mémoriaux. Pourtant, la bête n’est pas morte et peut se réveiller  à tout moment. La protection de l’humanité passe donc par la  prédominance d’Éros, la  pulsion de vie. De la même façon que dans la cure, l’analyste a  en charge d’harmoniser les instances opposées, une société  humaine a le devoir de ne pas faire grossir Thanatos,  la pulsion de mort. Or,  ce n’est pas en injectant la mort que le monde va s’épanouir…                         
			               Alternatives ou utopies ? 
                         Après deux mille ans de christianisme, tendre  l’autre joue ne fait décidément  pas recette tant la proposition semble dénuée de sens commun.  Pourtant, à y regarder de plus près, il n’est pas question de  masochisme. Il suffit, en effet, de voir la puissance de la mise en  pratique de la non-violence, prônée par Gandhi, pour comprendre  qu’une alternative est toujours possible. Le véritable courage  est-il de riposter ou au contraire d’essayer de briser le cycle  infernal ? Certes, on peut taxer cette attitude d’utopique,  pourtant c’est à la pratique de la non-violence (Hahimsa en sanscrit) que l’Inde doit son  autonomie. La leçon est d’envergure et nos sociétés, repues de  biens matériels, feraient bien d’en prendre de la graine. Plonge  ton regard dans ton âme, petit homme. C’est là ton seul espoir, écrit le psychanalyste Wilhelm  Reich dans son dernier livre « Écoute petit homme ! », anticipant  le comportement discutable d’une justice qui envoya en prison un  être humain qui n’avait de cesse de soulager ses semblables de  leurs élans morbides. Et dont le seul crime fut d’avoir osé  envisager pour eux un « Âge d’or ».  
                         Tendre l’autre joue ne  signifie pas répéter, le mot autre y étant essentiel. Il s’agit  plutôt d’une deuxième chance. Il est question de ne pas laisser  de prise au bourreau. Et, au contraire, de sortir de cette attitude  réactive qui consiste à céder la place à la loi du plus fort :  rester sous le joug d’un processus hiérarchique proche de celui de  l’animal...  
                         Pierre, instituteur en ZEP (zone d’éducation  prioritaire), témoigne : Je fus  confronté un jour à une situation qui m’interroge toujours  autant, des années après. Kamel, un élève en échec scolaire, fut  dénoncé par un de ses camarades pour détention de drogue. Ma  réaction de jeune maître m’imposa de prévenir la directrice de  l’école. Celle-ci convoqua la mère de l’élève. Je pris alors  conscience de la misère sociale, terreau d’un comportement propice  à un comportement déviant. En fait, Kamel, 12 ans, avait emprunté  la « marchandise » à son grand frère. Affolée et désemparée,  cette mère, seule face à l’éducation de ses fils, promit  d’attacher Kamel sur son lit et de le frapper… Le lendemain,  j’eus la visite de l’inspecteur à qui j’expliquai que la  conduite du jeune ado n’était pas si grave que ça, afin d’éviter  qu’une machine judiciaire aveugle ne se mette en place. Ce qui  aurait rajouté une couche inutile à une situation que je pensais  pouvoir régler par des méthodes plus pédagogiques. Même si Kamel  n’avait pas vraiment pris la mesure de la gravité des conséquences  que son larcin aurait pu entraîner. Il m’arrive de le rencontrer,  20 ans après. C’est un père de famille qui a un travail régulier  et qui me salue avec respect. Je me pose aujourd’hui la question de  savoir ce qu’il serait devenu si j’avais appliqué froidement le  règlement : mesure de retrait de la famille, maison de correction,  haine de la société, incendies de voitures… ? J’avais fait le  pari un peu fou que Kamel s’en sortirait. À ce jour, ce défi  semble tenu…  
                         Tout sujet sadique,  enseignait Freud, est toujours et en  même temps un masochiste. Arriver à  cette prise de conscience demande un réel travail  d’approfondissement pour qui veut s’occuper des affaires  publiques… On voit bien que l’humanisation n’est pas chose  simple. La psychanalyse, entre autres, peut nous aider à y voir plus  clair quant à nos prises de positions faciles, nos y  a qu’à ou si  j’étais au gouvernement.  Peut-être que le monde irait mieux si nous commencions par nous  réformer nous-mêmes avant de réformer les autres. Il est plus  facile de ne pas voir la poutre qui encombre notre regard et de  s’occuper de la paille dans l’œil du voisin. Quoi qu’il en  soit, on peut surtout, à la façon de la chanson de John Lennon,  imaginer un monde meilleur dans lequel il vaille la peine de vivre…
			               
			             Lucien Roux 
			               
			               
			              La peine de vie  
                          Tant qu’il y a de la vie, il y a de  l’espoir, dit l’adage populaire.  On peut très bien envisager une autre conception de la punition qui,  tout en protégeant la société, permette l’interrogation.  Sensibilisé par le film « Le pull-over rouge », Jean raconte : La  dernière scène est vraiment insoutenable. J’étais un fervent  défenseur de la peine de mort mais je n’avais pas pris en compte  que la justice humaine pouvait se tromper. Alors, même s’il y a un  doute, je pense qu’il vaut mieux un coupable vivant qu’un  innocent assassiné. De toute manière, même si je pourrais encore  me laisser emporter par la colère sur le moment, je serais incapable  de tuer méthodiquement un homme comme a pu le faire cet anonyme  caché derrière sa cagoule. On ne répond pas à la barbarie par un  acte qui lui ressemble…  
                       Miser sur la vie, c’est croire que rien n’est  jamais définitif. C’est aussi douter. L’erreur judiciaire qui va  jusqu’à l’exécution d’un innocent est irréversible. Qui peut  dire aujourd’hui avec certitude que Christian Ranucci méritait son  sort ? Il ne s’agit pas évidemment ici de laxisme béat mais  simplement de renverser une logique de mort qui nous cause déjà du  souci. Sans qu’il soit besoin fatalement d’en rajouter ! 
                         
			           
		            
                      |