La psycho
      dans Signes & sens

      Sentimentalité et sexualité
      chez ces ados kamikazes

      Sentimentalité et sexualité chez ces ados kamikazes
      ©iStock


      Dans le film culte de Cyril Collard, « Les nuits fauves », des adolescents vivent une sexualité à risques : homosexualité et partenaires multiples d'une part, rapports non protégés d'autre part ; Eros voisine dangereusement avec Thanatos. La réalité est à l'avenant. Certains adolescents ont des rapports sexuels non protégés, soit par négligence, soit délibérément. Ils s'exposent ainsi aux grossesses non désirées qui, selon Jacques Arènes, Marie-Pierre Janvrin et François Baudier (1998) touchent 6,8% des jeunes filles de 15 à 19 ans sexuellement actives. Sur le plan de la signification psychologique de tels actes, il s'agirait pour ces jeunes filles d'échapper à l'emprise de leur mère en devenant comme elle.

      Ces jeunes courent aussi le risque d'être contaminés par le virus du sida ou des virus hépatiques B et C, même si la transmission du virus de l'hépatite, par voie sexuelle, est rare et paraît alors liée à la présence de sang à l'occasion d'un rapport sexuel : règles, blessures des voies génitales. D'autres adolescents prennent sciemment le risque de contaminer leurs partenaires sexuels, alors qu'ils sont infectés par un ou plusieurs de ces virus. De tels actes trahissent souvent un profond désespoir...

      Sexualité et laisser-aller


      De nombreux jeunes se plaignent du fait que l'usage du préservatif limite la spontanéité et les sensations. Notons au passage que plus d'un adulte nourrit les mêmes récriminations, ce qui est de nature à favoriser un dialogue avec les jeunes au sein des familles monoparentales, c'est-à-dire où le père ou la mère – exempt de toute obligation de fidélité conjugale (au sens large : mariage mais aussi concubinage ou couple recomposé) – peut ouvertement laisser entendre à ses enfants qu'il n'a pas forcément un seul partenaire sexuel !
      Hugues Lagrange et Brigitte Lhomond (1997) insistent sur le fait que ces adolescents maudissent également la difficulté de vivre au temps du sida. Mais d'autres y trouvent quelques bénéfices : dérouler le latex permet d'apaiser ensemble et de façon ludique une éventuelle anxiété ; si le préservatif est présenté par le garçon, son amie sera mise en confiance par ce qui lui apparaîtra comme un réflexe responsable ; enfin, le jeune peut arborer une boîte de préservatifs pour se targuer, auprès des autres jeunes, d'une expérience sexuelle (stratégie employée pour draguer les filles et pour affirmer sa virilité vis-à-vis des garçons). Quoiqu'il en soit, selon Arènes, Janvrin et Baudier (op.cit.), 87,1% des jeunes sexuellement actifs ont utilisé le préservatif lors de la première fois et ce pourcentage progresse par rapport aux études épidémiologiques antérieures. Avec l'âge, notamment vers 18-19 ans, ce pourcentage régresse un peu, essentiellement parce que de nombreux adolescents, engagés dans une relation de couple, se font confiance. Enfin, si la pilule contraceptive n'est utilisée que par 27,8% des filles lors du premier rapport cet emploi augmente nettement avec l'âge, pour dépasser 50% chez les adolescentes de 19 ans (ibid.).
      Si l'on se place d'un point de vue purement technique, la diffusion des magazines pornographiques et des cassettes vidéo X, essentiellement sollicitée par les adolescents de sexe masculin, est susceptible d'élargir leur éducation sexuelle. Mais offre-t-elle une image correcte de l'aspect affectif de la sexualité ? Aucunement. Certes, la pornographie ne présente guère de danger pour le bon père de famille, représentant du public averti mais, comme l'explique Laurent Guyenot (2000), elle n'est pas sans conséquences psychologiques négatives sur les adolescents, qui n'ont pas encore suffisamment d'expérience pour faire le tri parmi les images crues des films X, alors qu'ils cherchent autant des repères aussi sensoriels et affectifs que posturaux lorsqu'ils visionnent de tels films. La pornographie présente la sexualité – en particulier la sexualité féminine – de manière infantilisante et elle fait du rapport violent, hard, la norme. Les jeunes fragiles et défavorablement impressionnés (au sens photographique) par des images pornographiques peuvent, en réaction, développer deux types d'attitudes inadaptées – car extrêmes – en matière de pratiques sexuelles :
      - Imposer des rapports sexuels au lieu de les proposer, traiter la ou le partenaire comme une chose, et non comme une personne, à la limite, violer même si l'on affirme aimer l'autre.
      - S'abstenir de tout rapport sexuel, par inhibition : le jeune est choqué par la prestance, les organes sexuels, l'expressivité et les performances des acteurs et, il (ou elle) est persuadé(e) qu'il (ou elle) sera un(e) amant(e) nul(le).
      Observons que le malaise dans la sexualité à l'adolescence peut donner lieu à des conduites d'évitement et de compensation ; effectivement, le jeune dérive quelquefois son désir sexuel vers des adultes, voire des passages à l'acte parfois dangereux, qu'il importe alors de décoder. La psychanalyste Annie Birraux (1990) considère que la prise de risques correspond alors à un besoin de restauration d'un Moi grandiose et à la recherche de l'ivresse dans l'épuisement. On le voit, il y a parfois loin du corps sexué au désir sexuel parlé et agi. Prenons un exemple. Stéphane, âgé de 15 ans, est rongé par la timidité. Craignant d'être repoussé par la jeune fille qu'il aime, il ne cherche pas à lui plaire mais lui fait le récit incongru des actes farfelus qu'il accumule de manière étonnante : il se promène masqué dans la rue, il marche à reculons sur le trajet du collège – où il est venu une fois en pyjama –, il place des morceaux de camembert derrière le radiateur (allumé) de sa classe et il sème des boules puantes pendant la messe (à laquelle, sous l'injonction de ses parents, il assiste contraint et forcé). Stéphane se garde toutefois de faire part à celle qu'il courtise à sa façon – il y a une limite à tout ! – du fait qu'il essaye de cracher le plus loin possible, expression probablement éjaculomorphe de son désir sexuel et de ses doutes insistants, concernant ses capacités à vivre et à faire partager ce désir. Si Stéphane rivalise de pitreries et s'il s'en vante, c'est au fond pour se prouver, tout en le cachant aux autres adolescents et en particulier à sa belle, qu'il a, à la fois, le droit et le désir d'aimer et d'être aimé et de faire les apprentissages sensuels correspondants.


      Amour et aléas


      Si certains adolescents pratiquent une sexualité à risques, on constate que, pour d'autres, l'état amoureux est vécu comme une expérience éminemment risquée et ceci, de multiples façons :
      - Découvrir que l'on n'est pas aimé(e) en retour lors des « manœuvres de séduction » (sourires, maquillage, efforts vestimentaires, petits cadeaux), voire au moment de la déclaration (billets doux ou verbalisation) ; ainsi, outre le désarroi intérieur, être marginalisé(e) par les autres jeunes, qui se moquent parfois de ceux ou celles qui ne « sortent » pas ou qui ne sont jamais « sorti(e)s ».
      - Etre abandonné(e), "plaqué(e)".
      - Etre déçu(e) par la « première fois ». Si le rapport sexuel a lieu précocement, le risque est alors de mépriser le sexe, conçu comme « trop facile ». La maturité sexuelle, qui est psychologique, ne se calque pas linéairement sur la sexualité vécue. Rien n'est clairement donné d'emblée : la maturité sexuelle est le fruit d'un apprentissage.
      - Découvrir que l'on est, en fait, attiré(e) par les personnes du même sexe que le sien et affronter la réalité de ce désir, qui amènera bien des tempêtes psychiques et d'éventuels conflits avec l'entourage.
      - L'idéalisation, qui a, entre autres, pour effet de rendre l'autre inaccessible.
      - Les inévitables compétitions et rivalités.
      - La tentation de la vengeance passionnelle chez l'éconduit(e).
      - La tragédie du suicide amoureux.
      Ces risques sentimentaux s'exercent davantage sur les filles que sur les garçons, qui paraissent moins enchaînés par Eros. De fait, si les filles tendent à se donner par amour, les garçons sont plutôt guidés par le désir ; c'est davantage une affaire de cœur pour elles que pour eux. En témoigne également le fait que, d'après leurs dires et comme l'ont mis en évidence Jacques Arènes, Marie-Pierre Janvrin et François Baudier (op.cit.), un adolescent reste en moyenne sept mois avec sa petite amie et une adolescente reste en moyenne près d'un an avec son petit ami. Corrélativement, les garçons sont plus nombreux à déclarer avoir eu plusieurs partenaires sexuels au cours de leur adolescence. Bien entendu, quel que soit le sexe, la durée de la relation amoureuse augmente avec l'âge : de quatre mois chez les jeunes de 15 ans, elle passe à quinze mois chez les jeunes de 19 ans. Mais le plus intéressant est, sans doute, que les adolescent(e)s issu(e)s de familles recomposées et de familles monoparentales passent plus de temps avec leur petit(e) ami(e). Les auteurs de cette enquête épidémiologique font l'hypothèse que le fait de vivre dans une famille de ce type favoriserait la recherche d'une relation plus stable avec un compagnon ou une compagne extérieur(e) à la famille (ibid.). Quoi qu'il en soit, dans le cœur des adolescents épris, l'émerveillement côtoie, sans barrière, le malentendu. L'instabilité et l'incertitude, notamment quant au désir soit de papillonner, soit de se fixer, forment les composantes les plus saillantes de la liaison amoureuse à 1' adolescence.
      Il est important d'insister sur le fait que le degré d'engagement, dans le risque amoureux à l'adolescence, diffère selon le sexe. En effet, on peut même affirmer que chez les jeunes filles, la prise de risques se loge électivement dans la relation amoureuse – à laquelle elles sont enclines à conférer un caractère d'aventure périlleuse – et dans ce qui la borne chronologiquement : la rencontre et la rupture, alors que les garçons tendent à jouer les kamikazes en se lançant des défis en bande, en utilisant des engins motorisés et en consommant des drogues ou de l'alcool.
      Notons que si le risque au féminin rime plutôt avec la passion sentimentale, celle-ci peut déboucher sur des passages à l'acte qui figurent rarement dans les ingrédients narratifs des romans à l'eau de rose : par exemple, entrer en conflit avec une rivale attirée par l'élu de son cœur, mettre le feu à la mobylette d'un ex par qui l'on s'est fait plaquer, voire avaler une boîte de somnifères par dépit amoureux et dans le but de culpabiliser à jamais un jeune play-boy qui, sous de tendres apparences, voulait gagner un pari fait avec ses copains... Ou encore ne s'intéresser qu'aux petits amis de ses meilleures copines, au risque d'être systématiquement mise à l'écart par celles-ci !
      Ces différences, face au risque amoureux, selon le sexe, sont à relier au fait que, d'une manière générale, les adolescentes utilisent plus que les adolescents l'émotion et la pensée pour affronter leurs difficultés ; en résulte, d'ailleurs, que les jeunes filles recherchent davantage de l'aide et du réconfort, tout en osant exprimer leur douleur. Privilégiant l'acte – et souvent la fuite – par rapport à la parole, les garçons ont une moindre capacité à anticiper les réalités stressantes, qu'ils tendent à dénier. Comme le précisent Véronique Bolognini, Bernard Plancherel, Rafael Nunez et Walter Bettschart (1994), ils ne font face que lorsque les problèmes se dressent devant eux de façon incontournable.

      Que peuvent faire les parents ?


      S'il est souhaitable que les parents repèrent les signes du mal-être amoureux chez l'adolescent, il importe tout autant qu'ils ne donnent pas l'impression de vouloir se mêler de sa vie affective. La rencontre amoureuse, à l'adolescence, sert notamment à marquer une distance affective avec les parents ; ceux-ci dans ce domaine, peut-être plus que dans tout autre, doivent donc faire preuve d'un maximum de tact. En effet, s'ils mettent rarement en cause l'existence de rapports sexuels, pères et mères se laissent trop souvent déborder par des critiques sur l'ami(e), formulées de manière abrupte – par exemple : C'est un garçon volage… Tu t'entiches d'une allumeuse…
      Il n'a pas la même religion que nous… Elle ne s'intéresse qu'à ta moto… – et qui ont pour effet de transformer la tristesse de l'adolescent(e) en haine. Il est ensuite difficile de retisser de la confiance et gare au risque de fugue ou de geste suicidaire ! Comment éviter de commettre une telle gaffe ? Les parents trouveront un garde-fou dans le souvenir, exprimé ou pas, auprès du jeune cœur brisé, des chagrins d'amour – mais aussi de leurs joies – qu'ils vécurent au même âge que lui ou qu'elle.

       

      Pascal Hachet*

       

      *Pascal Hachet, psychologue, est chargé d'enseignement à l'Ecole des psychologues praticiens de Paris. Il est l'auteur de nombreux ouvrages dont « Ces ados qui fument des joints » (Paris : Fleurus, 2000) et « Ces ados qui jouent les kamikazes » (Paris : Fleurus, 2001).

       

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