Maître Jacques... Anquetil

 
Maître Jacques... Anquetil
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S'il est une personnalité sportive qui a marqué plusieurs générations, c'est bien Jacques Anquetil, surnommé « Maître Jacques ». Associé pour le public à son rival de l'époque, Raymond Poulidor dit « Poupou » et éternel second, ce grand champion est devenu un mythe au même titre que Louison Bobet ou Fausto Copi avant lui. Coup de projecteur sur un chemin de vie exceptionnel…

Marie, épouse d'Ernest Anquetil, maître-maçon de son état, donne naissance à Jacques en terre normande, dans la proche banlieue de Rouen (Saint- Aignan), le 8 janvier 1934. Jacques Anquetil a 7 ans lorsque son père préfère perdre son emploi plutôt que de collaborer à la construction du « mur de l'Atlantique ». Le futur champion et son frère Philippe suivent donc leurs parents à la campagne dans un hameau du nom de Bourget, non loin de Quincampoix où leur père rebondit professionnellement en se lançant dans l'horticulture et, plus particulièrement, la culture de fraise…

Les premiers tours de roue


Jacques a 14 ans lorsqu'il « utilise » le vélo pour se rendre à 15 km de son lieu d'habitation dans le collège technique de Sotteville-lès-Rouen où il est pensionnaire. Il a alors un ami, Maurice Dieulois, qui sera le déclencheur de son futur métier. C'est certainement par identification à Maurice, dont les conquêtes féminines semblent dues aux quelques succès locaux qu'il obtient au sein du club cycliste de Quincampoix, que Jacques décide lui aussi de rejoindre l'équipe. Jacques possède des qualités physiques que l'entraîneur et recruteur André Boucher ne manque pas de déceler. Parallèlement, le jeune Jacques décroche son diplôme d'ajusteur-fraiseur. Il est intéressant ici de noter l'étrangeté du lien linguistique : fraise-fraiseur. Sans compter qu'un ajusteur-fraiseur est aussi appelé tourneur… L'inconscient de Jacques se savait-il donc déjà destiné à faire des tours… de France ?

Un professionnel avant tout


En 1953, au vu de ses premières bonnes performances en amateur, Jacques choisit à 19 ans de passer professionnel. Il a certainement acquis de son père un sens éminemment pragmatique, lui qui ose dire publiquement que le vélo est trop dur pour ne courir que pour une médaille… D'ailleurs, Jacques Anquetil est non seulement un champion hors du commun mais aussi un chef d'entreprise avisé. Certains même n'hésitent pas à le qualifier de « parvenu ». Le public boude du reste longtemps ce grand blond conquérant un peu froid au profit du plus populaire Poulidor. Ce n'est que lors de sa victoire à la course Bordeaux-Paris en 1965 que Jacques laisse jaillir pour la première fois ses émotions. Après avoir reçu une exceptionnelle ovation d'un public en délire, on le surprend en train de verser quelques larmes… Entre temps, le champion a pratiquement tout réussi, excepté peut-être le titre de champion du monde : 5 Tour de France, 9 Grand Prix des Nations, 5 Paris-Nice, pour ne compter que les plus prestigieuses épreuves.

Amour gloire et beauté…


Jacques Anquetil épouse Janine (Nanou) le 2 décembre 1958. Il a 23 ans et a remporté son premier Tour de France l'année précédente après avoir porté le maillot jaune pendant seize jours. Très belle femme – certains la comparent à Martine Carol –, Nanou est la véritable muse de celui qui met le sport cycliste à un niveau sans précédent. Mère de deux enfants d'un premier mariage, Alain et Annie, ceux-ci décident de la suivre et de vivre sous le toit de leur beau-père, subjugués qu'ils sont par l'aura de Jacques, au point de fuir d'ailleurs à plusieurs reprises la maison paternelle. Nanou partage les succès de son mari et s'occupe de sa carrière. Tout réussit au couple : l'amour, la célébrité, les victoires… C'est à l'âge de 35 ans que le champion français raccroche le vélo, en 1970, et devient un consultant recherché. Son franc-parler plaît alors au public. Il est ainsi un des premiers à oser déclarer publiquement qu'on ne gagne pas un Tour de France avec un morceau de sucre… Le dopage ne date pas d'hier et Jacques en parle comme quelque chose faisant partie du métier. Il collabore au journal l'Équipe, à Europe 1, Antenne 2. Ses qualités d'homme d'affaires l'amènent à être directeur de course du Paris-Nice et du Tour Méditerranéen. Son après-carrière est une réussite exemplaire… Le couple Anquetil est ainsi propriétaire du domaine des Elfes comportant 700 hectares de terres près de Rouen ! Jacques est un parfait gentleman farmer. Il prend certainement sa revanche face à un complexe d'infériorité qui le taraude. Lui qui n'a pas fait d'études est l'égal des notables de sa région. Pourtant, Jacques ne dort pas d'un sommeil paisible. Il passe ses nuits à scruter les étoiles, se passionnant pour l'astronomie mais quelque chose lui manque. Quelque chose qu'il ne maîtrise pas… encore : une descendance !

Un projet hors du commun
En 2004, Sophie Anquetil, la fille du champion, décide de lever un lourd secret familial. Sophie est née en 1970 mais sa mère n'est pas… Janine ! Le secret était pourtant bien gardé d'autant que l'histoire est singulière : Janine ne peut plus avoir d'enfant, ses précédents accouchements ayant été très difficiles. Elle aime son mari et selon le témoignage de Sophie dans son livre «Pour l'amour de Jacques», paru aux Éditions Grasset, cette épouse est prête à tout, même à l'impensable… Après avoir envisagé toutes les solutions (y compris une mère porteuse), l'idée germe dans le clan qu'Annie, la belle-fille de Jacques, pourrait réaliser ce désir. Sophie rapporte que les choses se sont faites tout naturellement… Jacques est encore un très bel homme et Annie une jolie fille de 22 ans qui n'est pas insensible au charme de l'ex-champion. Mais ce qui doit arriver dans ces cas-là arrive… Jacques tombe amoureux d'Annie. Les protagonistes décident de vivre à trois sous le même toit… pendant 12 ans ! Annie rencontre un autre homme. Elle a maintenant besoin d'indépendance et quitte Jacques. Annie est la première, selon Sophie, qui s'oppose au maître… Ce qui le rend très malheureux… Mais il ne s'en arrête pourtant pas là. Un autre fils naît en 1986, Christopher, dont la mère n'est autre que l'ex-femme de son beau-fils, Alain ! L'affaire pourrait paraître incroyable. Pourtant, Sophie Anquetil ne semble pas souffrir d'avoir deux… mères. Elle trace le portrait d'un homme certes singulier, certes fin tacticien jusque dans sa vie affective, mais au final un homme que l'on ne peut détester. Si Jacques Anquetil devait ses performances sportives à son cœur exceptionnel, gageons qu'étant donné les circonstances, il a aussi bénéficié d'une générosité exceptionnelle de la part d'une drôle de famille. Dominique, la mère de son fils, s'occupe d'ailleurs de Jacques Anquetil jusqu'à sa mort qui survient le 18 novembre 1987, à 53 ans, des suites d'un cancer de l'estomac, la veille du baptême de Christopher…

 

Hubert Hermann

 

 

Ses principales victoires
> 5 Tour de France : 1957, 1961, 1962, 1963, 1964
> 2 Tour d'Italie : 1960, 1964
> 1 Tour d'Espagne
> 9 Grand Prix des Nations
> 5 Paris-Nice
> 2 Dauphiné Libéré
> 1 Liège-Bastogne-Liège
> 1 Bordeaux-Paris

 

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