Bien peu de gens aujourd’hui sont capables d’énoncer les Dix commandements. Souvent perçus comme obsolètes, ils ont pourtant une portée considérable au sein des trois religions abrahamiques (judaïsme, christianisme, islam). Toutes reprennent, en des termes parfois différents, les mêmes idées. Et selon certains théologiens, le Décalogue aurait même influencé l’écriture de la déclaration des droits de l’Homme.
Dans la Bible, les Dix Commandements ont été dictés par Dieu à Moïse, sur le mont Sinaï, il y a plus de trois mille ans. Le Décalogue énonce quelques règles simples : l’unicité de Dieu, le refus des idoles, le respect des parents, l’interdiction de tuer, de mentir, de commettre l’adultère, etc. Des prescriptions d’un autre âge ? Pour André Chouraqui, auteur des « Dix commandements aujourd’hui », ancien conseiller de Ben Gourion, Premier Ministre d’Israël, le Décalogue est plus d’actualité que jamais. Terriblement audacieuses, les dix paroles seraient la clé de notre liberté.
Contradictions et paradoxes
Par bien des aspects, les Dix Commandements sont véritablement révolutionnaires. Ainsi, le Commandement ordonnant le repos lors du septième jour est proprement inouï pour l’époque. Pour la première fois dans l’Histoire, même les plus humbles, même les esclaves, même les animaux, ont droit au repos hebdomadaire. Quant au « Tu n’abuseras point de mon nom », qui ordonne le troisième Commandement, il est malheureusement parfois transgressé : aujourd’hui, de nombreux terroristes, parfois même des États, continuent à commettre des crimes au nom de Dieu, se servant de lui comme d’un alibi… Le sixième Commandement, le plus connu de tous, « Tu ne tueras point », est tout autant révolutionnaire, à une période aussi violente où tuer un homme n’avait pas plus d’importance que d’abattre un chien enragé ! Les sceptiques pourront objecter qu’en dépit de ce Commandement, la violence n’est pas absente de la Bible, loin s’en faut. Mais cette contradiction n’est-elle pas emblématique de la nature humaine, tiraillée entre des pulsions si opposées ?
Une déclaration universelle des devoirs de l’Homme ?
Les dix Commandements ne constituent toutefois pas le seul texte antique à se réclamer d’une morale. Ainsi, le code d’Hammourabi, encore plus ancien que le Décalogue, impose le repos lors du septième jour et le respect de l’esclave. La vraie force des Dix Commandements, c’est la transmission qui a assuré sa pérennité de génération en génération. Mais, aujourd’hui, si le Décalogue ne se transmet plus, à quoi sert-il ? Et appliquer les dix injonctions prétendument divines a-t-il encore un sens ?
Si le respect de certains Commandements semble aller de soi (ne pas tuer, ne pas voler, respecter ses parents…), d’autres, notamment celui concernant l’adultère, semblent bien peu en phase avec le désir de liberté animant les sociétés occidentales actuelles. Pourtant, cette injonction peut s’expliquer par son but, qui va bien au-delà de la sphère privée. La fidélité conjugale est à mettre en parallèle avec le fidélité religieuse. La pulsion visant à avoir le plus de partenaires possible n’est-elle pas proche de la dispersion idolâtre ?
Selon André Chouraqui, « les Dix commandements nous ouvrent les portes de l’utopie, aujourd’hui condition suprême de notre survie. Ils portent en eux une Déclaration universelle des devoirs de l’Homme pour édifier l’Univers et réconcilier enfin l’Homme avec l’humain ». Qui n’a jamais rêvé d’un monde sans mensonges, sans tromperies, sans vols, sans meurtres, comme le préconise le Décalogue ? Les auteurs de la Déclaration d’indépendance américaine, datant du 4 juillet 1776, se sont clairement inspirés des Dix Commandements. Quant à la Déclaration universelle des droits de l’Homme, n’est- elle pas représentée sous la forme de deux tables ? Pour les croyants, Dieu est libérateur puisqu’il a sorti son peuple de l’esclavage en Égypte. Les Dix Commandements ne sont pas, comme on le croit trop souvent, des entraves à la liberté. Au contraire, nous sommes justement libres de les interpréter, affirme le rabbin Marc-Alain Ouaknin. Si Dieu est unique, il est aussi pluriel.
Nathalie Giordano
Et si on révisait les Dix Commandements ?
1 - Je suis le Seigneur ton Dieu, tu n’auras point d’autre Dieu que moi.
2 - Tu ne feras point de Dieu à ton image.
3 - Tu n’abuseras point de mon nom.
4 - Tu sanctifieras le jour du Seigneur.
5 - Honore ton père et ta mère.
6 - Tu ne tueras point.
7 - Tu ne commettras point d’adultère.
8 - Tu ne voleras point.
9 - Tu ne seras point un faux témoin.
10 - Tu ne convoiteras point le bien d’autrui.
I) Si vous respectez moins de la moitié des Commandements, vous avez une difficulté inconsciente à considérer autrui comme votre semblable.
II) Si vous respectez la moitié ou + des Dix Commandements, vous avez une dimension socialisante de belle envergure.
III) Si vous respectez tous ces Commandements, vous avez une dimension humanitaire évidente.