S’il  y a encore peu de décennies, toute femme enceinte savait que son  état ne lui permettait pas d’ingurgiter de substances alcoolisées  afin de protéger l’embryon, déjà futur fœtus en devenir  d’humain, il semblerait que les choses aient quelque peu changé.  Ainsi, on constate actuellement en France environ 7000 fœtus  alcoolisés par an dont 3000 en moyenne garderont des séquelles  graves, voire irréversibles.
                 
			     Ce  tableau dramatique, au plan d’une observation simple, reste  incompréhensible. Ainsi, comment réagirait une mère en présence  d’un individu qui mettrait du whisky dans le biberon de son  nouveau-né ou de son bébé ? La réponse est inutile et s’impose  d’elle-même. Comment concevoir alors qu’une femme puisse  s’alcooliser sans réaliser que, porteuse d’une vie, elle expose  celle-ci à un danger véritable ?                   
			     Le  placenta
                   Personne, 
a  priori, n’ignore  plus aujourd’hui que l’alcool ingurgité pendant la grossesse va  passer chez l’enfant sans que le placenta n’y fasse obstacle. Il  ne s’agit pas d’imaginer que le liquide amniotique dilue la  substance toxique. L’alcoolémie fœtale va persister élevée  beaucoup plus longtemps que chez la mère et sera quasiment identique  au taux d’alcoolémie maternel. Le placenta ne sert pas de barrière  et ne diminue pas ce degré d’alcoolisation chez le 
petit qui  va donc se retrouver soumis à l’action de l’alcool, toxique  extrêmement destructeur pour certains organes et de nombreuses  cellules immatures. Il faut savoir qu’une alcoolisation chronique,  c’est-à-dire quotidienne, avec par exemple 
simplement deux  verres de vin par jour, voire même des doses plus faibles, devient  potentiellement nocive et responsable de pathologies lourdes. De la  même façon, une alcoolisation aiguë, ponctuelle, massive, de type 
bonne  cuite,  peut entraîner aussi d’énormes dégâts. Il est bien évident que  l’immaturité organogénétique et psychogénétique d’un embryon  ou d’un fœtus aggrave les effets néfastes sur son développement.  Ainsi et avant de vouloir aider le bébé à bien se développer, il  apparaît tout aussi utile et raisonnable de détailler les  conséquences des conduites alcooliques maternelles.
                   
Les  symptômes
                   Effectivement,  le SAF ou syndrome d’alcoolisme fœtal se lit déjà sur le  physique de l’enfant dès sa naissance. On peut constater alors, le  plus souvent, un poids inférieur à la normale et une petite taille.  Si ces enfants ne présentent pas, en règle générale, de troubles  de la vision ou de l’audition, il est à noter des caractéristiques  faciales observables chez le plus grand nombre, en particulier de  petits yeux et un pourtour labial modifié : la lèvre supérieure se  remarque par sa finesse anormale, à laquelle se surajoute un  aplatissement. Si le médecin avait déjà pu enregistrer un retard  de croissance intra-utérin, les effets compulsifs de l’alcoolisation  fœtale ou EAF se vérifient aussi par une observation  comportementale du nouveau-né. Celle-ci donne à constater des  pleurs lancinants et/ou colériques, mêlés d’une irritabilité  majeure, une agitation importante, des difficultés à  l’alimentation, des troubles digestifs à type de diarrhées. Ces  manifestations réactionnelles sont dues, pour l’essentiel, à un  phénomène de sevrage, l’enfant ne baignant plus dans un milieu  directement alcoolisé. Il souffre donc d’un phénomène de manque  aggravé. On pourrait imaginer que la section du cordon règle le  problème. Il n’en est rien. L’enfant va garder un terrain  fragile, hyper réactif, avec accroissement d’une instabilité qui  va perturber progressivement ses mécanismes d’adaptation à la vie  en société. L’enfant atteint de SAF va devenir un écolier qui  connaîtra des difficultés scolaires sérieuses avec,  majoritairement, des troubles d’apprentissage de la lecture et de  mémorisation. Le retard scolaire s’aggravant, des attitudes  délinquantes précoces surgissent, l’élève étant de plus en  plus incapable de se conformer à la moindre discipline. En  opposition permanente, agressivité verbale et/ou physique  prédominent. La violence devient le seul moyen d’expression  utilisé par ces victimes d’alcoolisation maternelle et fœtale. La  descente aux enfers s’aggrave encore car ces sujets SAF deviennent,  pour la plupart, alcooliques dès l’adolescence.
                   
La  prévention
                   Devant  la gravité du processus, la prévention s’impose. La France et le  Canada, entre autres, se mobilisent concrètement depuis plusieurs  années pour réfléchir à cette véritable tragédie et essayer  d’informer pour tenter d’enrayer un phénomène qui s’accélère.  Car il est une évidence que ce fléau touche un axe potentiel de  régression psychiatrique. Rappelons que les conséquences  neurologiques, en particulier, amènent au constat effrayant suivant  : le SAF est responsable, statistiquement, du nombre le plus élevé  d’atteintes mentales graves (débilité, retard psychologique...).  En France, le Ministère de la Santé propose, à l’instar des  Etats-Unis et du Canada, une signalétique précise sur les  bouteilles d’alcool pour sensibiliser la future mère ou la femme  enceinte des dangers réels qu’elle peut faire encourir à son  enfant si elle s’alcoolise, même de façon minime. Cette  information va dans le sens de la recommandation d’une abstinence  totale de produits alcoolisés durant la grossesse. Est aussi à  l’ordre du jour une plaquette à disposition dans les pharmacies  pour chaque femme demandant un test de grossesse. Cette plaquette  mentionne et détaille tout ce qu’il faut savoir sur le syndrome  d’alcoolisation fœtale. Le livret de grossesse, de son côté,  fournit des indications sur les risques dus à la consommation  d’alcool.
                   
 
                   Chantal Calatayud
                    
                   
                    
                    
                    
                   On  ne s’alcoolise pas par hasard
Si  on a pu constater il y a peu encore que l’alcool, fléau national  en France, reste un sujet tabou (producteurs, démagogie et électorat  obligent...), en taisant, en niant cette pathologie, nous nous  inscrivons tous dans de la non-assistance à personne en danger.  L’alcool reste encore trop souvent associé au plaisir, alors qu’il  serait grand temps de prendre conscience qu’il s’agit d’une  maladie grave pour le sujet alcoolique et pour sa famille. Il est  grand temps aussi d’admettre qu’un individu ne s’alcoolise pas  par hasard. La prise en charge psychothérapeutique, notamment  l’écoute, donne plutôt de bons résultats, jumelée à une prise  en charge médicale. Des groupes de paroles efficaces, pour le  syndrome d’alcoolisation fœtale, œuvrent, comme « Alcool et  grossesse », et leur multiplication vérifie qu’on ne peut plus  ignorer que l’affection alcoolique ne concerne pas que les autres.  Une prise de conscience de chacun inscrit dans la prévention. Si  elle reste souvent difficile pour des raisons intimes, il suffit de  penser à l’innocence violée du fœtus alcoolisé...