La santé et la forme
      dans Signes & sens

      Pour le professeur Michel Lejoyeux,
      la bonne santé,
      c’est dans la tête !

      Pour le professeur Michel Lejoyeux, la bonne santé, c’est dans la tête !
      ©iStock

      Nombreux sont ceux qui se soignent trop, jusqu'à s'en rendre malades. Ils savent bien qu'ils exagèrent. Mais comment résister à cette envie d'aller toujours mieux ? Ces individus consultent leur médecin généraliste trop souvent. Ils ont toujours une nouvelle question à poser, un doute à exprimer, un symptôme à présenter. Ils ne parviennent pas à modérer leur appétit de médecine. Ils voudraient tant vivre de manière insouciante avec leur corps, appartenir au monde si proche et si lointain à la fois des «bien-portants», de ceux qui ne soignent que les vraies maladies. Quand on leur demande «Comment vas-tu ?», ils répondent «Mal, bien sûr !» ou «Pas très bien aujourd'hui...», presque sans réfléchir, par habitude.

      À l'heure où de nouvelles structures sont créées dans les hôpitaux, nul n'a encore inventé de CSMI (Centre de soins pour malades imaginaires) ! Faut-il le regretter ? Certainement pas. Les obsédés de la santé n'ont pas besoin de consultations supplémentaires. Ils se surveillent et s'écoutent déjà trop...


      Ils veulent de vrais médecins…

      Les généralistes et les spécialistes voient souvent passer nos obsédés de la médecine. Ces derniers prennent un ou deux rendez-vous puis se lassent, vont voir ailleurs, à la recherche d'un nouveau traitement. Ils essaient aussi – sans beaucoup plus de conviction – les thérapeutiques dites douces ou naturelles. Le psychiatre que je suis ne les rencontre presque jamais en consultation. Pourquoi, d'ailleurs, iraient-ils voir un psychiatre ? Ils veulent de vrais médecins, qui soignent sérieusement leur corps et s'occupent de leurs vrais symptômes. Ils n'ont que faire d'explications ou de psychothérapies. Ils veulent être traités, bilantés comme ils disent quand ils réclament une prise de sang ou une radiographie. S'ils demandent une aide, c'est par des chemins détournés. Sous prétexte d'être vaccinés, fortifiés, désinfectés, ils espèrent en fait être écoutés et même, pourquoi pas, entendus et rassurés. Ils ne le sont que rarement. Ils ne trouvent pas le médecin idéal, celui qui sera capable de deviner leurs besoins, leurs attentes et leurs désirs avant même qu'ils en parlent. Comme ils ne dénicheront pas ce médecin de conte de fées, mi-Prince charmant mi-magicien, apte à les guérir au premier regard, ils accumulent de la rancœur. Les consultations tournent aux dialogues de sourds. Ils refusent de parler de leurs obsessions – peur de la mort, de la vieillesse, de la solitude. En face, celui qui est censé les soigner regimbe à décrypter les messages qui lui sont envoyés. En effet, il n'a pas toujours le temps ni l'envie d'écouter leurs plaintes exceptionnelles : J'ai un estomac fragile depuis dix ans, j'ai des douleurs extraordinaires...

      La politique de l’autruche

      Les psychiatres – je peux en témoigner – ne sont pas dans une position beaucoup plus confortable que les médecins généralistes. La question du corps, ou plutôt de l'expression des angoisses par le corps, est l'une des situations les plus difficiles qu'ils puissent rencontrer. Les descriptions classiques des grands délires hypocondriaques ne s'appliquent guère à ces inquiétudes discrètes, quotidiennes. Les obsédés du soin n'ont pas, comme les délirants hypocondriaques, l'impression que leur corps se modifie, que leurs organes grossissent, rétrécissent ou disparaissent. Leurs angoisses sont bien ancrées dans la réalité. Ils redoutent les effets de la guerre ou des ondes des téléphones portables. Ils transforment les vitamines ou les magazines médicaux en traitements sauvages mais efficaces de leur angoisse. Ils ne rencontreront jamais de psychiatre ou de psychothérapeute. D'ailleurs, en ont-ils vraiment besoin ? Ils restent dans un déni protecteur, appliquant avec un certain succès la politique de l'autruche. Ils cachent leur tête dans le sable, pas celui du désert mais celui des sacs qui pendent dans les salles de gymnastique. Ils prétendent en effet se soigner par le sport, les haltères. S'ils s'allongent, c'est sur un appareil de musculation et non sur le divan d'un psychanalyste. Ils n'ont rien à demander aux psychologues ou aux psychiatres. Ils pensent que tout va bien dans la tête et qu'il vaut mieux s'occuper de ses artères ou de ses poumons. Ils se veulent scientifiques. Quand ils m'interrogent, ils me posent des questions dont je ne connais pas la réponse : Comment éviter la pollution ? Risquons-nous une nouvelle épidémie de variole ? Ils sont sûrs ou ils se convainquent que leurs problèmes viennent du corps, des organes. Ils ne se trouvent pas anxieux. Préservez-moi des maladies physiques, les douleurs de l'esprit, je m'en charge, disent-ils...

      L’hypocondriaque

      Si les hypocondriaques et les nosophobes sont deux types d'obsédés de la santé qui s'inquiètent tous de l'état de leur corps, leurs angoisses sont de nature différente. L'hypocondriaque est persuadé – à tort – d'être malade. Il est sûr que l'un de ses organes est atteint. Il insiste pour recevoir les soins qu'il mérite, auxquels il a droit. Il est un bon client (assidu et exigeant) des médecins mais aussi des gourous et autres guérisseurs. Rien de ce qui prétend soigner ne lui est étranger. Il se méfie de tous les praticiens mais il est prêt, dans un étonnant mélange de naïveté et de suspicion, à essayer les nouveaux traitements que ceux-ci lui proposent. Examinant son corps sans relâche, il trouve des anomalies qu'il doit confier sans tarder au spécialiste de la question. Il a une maladie rare pour chaque discipline. Il parle de son dos à son kinésithérapeute, de sa toux au pharmacien et de sa tension au généraliste. Il est souvent persuadé d'être atteint de maladies graves, exceptionnelles, de ces maux extraordinaires qui dépassent les médecins, les prennent en défaut. Il passe donc d'un praticien à un autre, à la recherche de celui qui sera digne de son mal mystérieux. L'hypocondriaque se comporte en procureur. Il accuse les médecins d'être incompétents, trop légers, incapables de reconnaître ses vraies maladies. Il inculpe aussi un ou plusieurs de ses organes. Il les rend responsables de tous les maux et les traites en criminels. Le procureur affirme : Il ne doit pas échapper à la sanction méritée. L'hypocondriaque ne dit pas autre chose quand il s'en prend à son corps. Il se plaint de son poumon, de son cœur, de sa peau, de sa mauvaise circulation sanguine ou de sa digestion.

      Le nosophobe

      Les phobiques de la maladie ont une angoisse bien différente : la peur de tomber malade. Ils ne perçoivent pas leur corps comme anormal ou malade mais ils craignent ce qui pourrait leur arriver. Ils ont l'impression d'être au bord du gouffre. Pour éviter de tomber, ils se protègent. Ils ne se contentent pas des vaccins et des mesures de préventions classiques. Ils rêvent d'être vulnérables. Ils s'inventent leur propre médecine, une sorte de religion personnelle de la bonne santé et de l'hygiène faite de superstitions, de recettes ancestrales. Les nouveaux médicaments qu'ils trouvent sur l'Internet guérissent ou préviennent des maladies qui n'existent pas encore. Leurs plats préférés sont ceux qui évitent le cancer, font perdre du poids ou baisser la tension. Ils militent pour un monde sans microbe, ni pollens, ni pollution. Les maladies vedettes au palmarès de la peur sont les maladies infectieuses. Certains redoutent le sida, d'autres l'herpès ou la tuberculose. Ils se lavent les mains plusieurs fois par jour, désinfectent ce qu'ils touchent et fuient les situations qu'ils croient à risque. Ils choisissent des produits d'entretien qui tuent les microbes et changent de place quand leur voisin de table ou de train tousse. Leur fuite devant la maladie devient un vrai handicap. Ils essaient de se mettre à l'abri d'un danger invisible à l'aide de défenses souvent dérisoires. Ils se plongent dans l'alcool ou les détergents, espérant ainsi échapper aux cancers ou aux infections. Ils ne sont pas, comme les hypocondriaques, obsédés par l'idée d'être déjà malades mais par une impression de faiblesse ou de fragilité face au risque qu'ils courent. La prévention des maladies est dès lors la principale activité de leur vie. Ils n'osent ou ne peuvent jamais baisser leur garde, craignant qu'à la moindre imprudence les maladies tant redoutées fondent sur eux. Qu'ils soient nourris par la peur de tomber malade ou par la certitude de l'être déjà, le besoin de se soigner devient vite une drogue. A la manière d'un alcoolique qui ne peut pas arrêter de boire, le toxicomane de la médecine ou des médicaments ne parvient pas à cesser de se soigner, de se faire examiner. Il sait que ses consultations sont inutiles, voire dangereuses mais il ne peut se passer d'un soin de plus. C'est plus fort que moi, dit-il comme tous les autres drogués. Pourtant, les médecins et chirurgiens, dont il use et abuse, ne guériront qu'exceptionnellement la cause de son mal. Les consultations répétées auront même tendance à renforcer et à retenir son inquiétude. Ce n'est pas par le corps que se traitera son angoisse.

      Retrouvez le bien-portant qui est en vous !

      Pari ou presque un défi, quoi qu'il en soit essayez de moins vous soigner et vous vous sentirez en meilleure santé. Apprenez à ne consulter votre médecin qu'en cas de nécessité et sachez lui faire confiance quand il dit que tout va bien. En limitant votre angoisse aux situations vraiment dangereuses, vous pouvez retrouver le bien portant qui est en vous. Ce bien-portant caché sous la médecine ne demande qu'à revivre s'il n'est pas étouffé par un excès de soins et de précautions. Pour avancer sur le chemin de l'insouciance ou de la vraie bonne santé, il faut procéder par paliers. Dans un premier temps, mettre des mots sur ses maux est le passage obligé. L'obsession de la bonne santé, comme la plupart des autres angoisses, se nourrit de silence, de honte et de culpabilité. Repérer sa peur de la maladie, l'accepter, en reconnaître les signes commence à faire tomber la tension. Dans un deuxième temps, il convient de comprendre pourquoi la santé nous obsède. L'angoisse a toujours plusieurs causes. Certains ont une conception trop exigeante de la santé. Ils raisonnent en tout ou rien : soit je vais parfaitement bien, soit je suis très malade. Ils sont des perfectionnistes du bien-être. Ils interprètent le signe le plus banal comme l'indice d'une maladie grave. Leur peur se nourrit de raccourcis redoutables : mon cœur bat vite, je vais mourir. Ils vivent ainsi en état d'alerte permanent, dans l'attente d'une maladie qu'ils pressentent comme imminente ou déjà là. D'autres ont la manie de l'anticipation. Ils se préparent au pire. Le pessimisme est leur seule vraie croyance. Ils vivent dans l'attente de la mort.

      Vers davantage de philosophie…

      Il est bien difficile de recevoir une information sur les risques que nous courons sans céder à la panique. Comment trier ces risques, distinguer ceux qui nous menacent vraiment des dangers lointains ou hypothétiques ? Le journaliste du Monde, Pierre Georges, suggère de résister à la panique contagieuse transmise par les experts : Il est temps, écrit-il, d'apprendre à manger sans peur ni fantasmes. Sans être allé auparavant choisir notre perpétuelle concession ou signer chez le notaire une donation au dernier vivant, au dernier vif à moitié mort... Et pour le reste, gardons nos vraies craintes, nos vraies peurs, nos vraies précautions et pas seulement en principes, pour d'autres dangers bien réels ceux-là... Tabac, alcool, route, cancer, sida, famines, épidémies. En chemin vers la tranquillité et le bien-être, nous croiserons aussi les réflexions des moralistes. Pour Montaigne, l'homme heureux, celui qui est vraiment en bonne santé, a appris et accepté qu'il peut un jour être malade et même qu'il va mourir. Dans son chapitre « Que philosopher c'est apprendre à mourir » (Essai, 1, XX), il compare le destin de l'homme à celui des condamnés à mort que l'on mène au supplice. Celui qui a peur de la mort ne s'intéresse qu'au but de la vie, à la fin du chemin. Il ne jouit ni des pays qu'il traverse, ni des repas qu'on lui offre. Celui qui craint la maladie est aussi tourmenté. Il ne profite pas de sa santé, obsédé par l'idée de sa fin prochaine. Et que dirait aujourd'hui Montaigne à celui qui s'interdit de vivre par peur du terrorisme, de la maladie de Creutzfeldt-Jacob ou de la pollution ?

       

       

      *Michel Lejoyeux est professeur de médecine à la faculté Xavier Bichat ; il exerce la psychiatrie et a publié «Il n'est jamais trop tard pour vaincre sa peur de la maladie» aux Editions La Martinière.

       

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