Taillés comme des vikings, grands et   costauds, les oreilles  entamées ou mâchouillées, les piliers de mêlée   sont des images  emblématiques du rugby à XV ! Sport d’équipe et de   contact,  celui-ci nécessite de la part des joueurs une excellente   condition  physique, une analyse rapide du jeu sur le terrain et surtout   de la  combativité. En atteste la fameuse équipe néo-zélandaise des All    Blacks, qui effectue depuis 1987, date de la première coupe du  monde,   avant chaque début de match, une danse guerrière Maori –  le Haka –,   démonstration de leur hargne et de leur détermination  dans la rencontre   qui les attend...
Selon la version la plus   répandue, le rugby serait né en 1823 en  Angleterre lorsque le jeune   William Webb Ellis, lors d’un match de  football, s’est saisi du ballon   avec ses mains pour le porter  derrière la ligne de but adverse. Mais le   rugby pourrait avoir des  origines plus anciennes avec la Soule, un   sport pratiqué au Moyen  Âge. La création de la Rugby Football Union en   1871 et le premier  match international la même année, entre l’Ecosse et    l’Angleterre, signent sa naissance officielle, avec sa  différence :   un ballon ovale. Progressivement, le rugby n’est  plus réservé à une   élite mais devient accessible à toutes les  couches sociales. Il se   développe alors en dehors des frontières  anglaises, en Nouvelle   Zélande, Australie, France… En 1891 est  créé l’International Board,   chargé de la gestion du jeu et de  ses règles. Mais le premier match de   l’équipe de France de rugby  aura lieu plus tardivement au Parc des   Princes, le 1er janvier 1906.
                          Un sport complet
                         Cette discipline fait participer l’ensemble des muscles   du corps.  Rachis, épaules, membres supérieurs et inférieurs sont   sollicités.  La stratégie de jeu est importante et exige une   participation active  et intelligente entre joueurs. Sport d’équipe par   excellence, il  demande au joueur de lâcher l’individualisme et   d’accepter de  passer le ballon, trophée du match. En effet, dans   l’imaginaire  collectif, celui-ci n’est pas sans rappeler le ventre de maman  enceinte et   en fait, cet œuf précieux, notre enveloppe, qui  nous a permis de   naître. Lucas, âgé de 6 ans, débute cette année  le rugby, tout comme   son grand-père en son temps. Lucas entre dans  sa période de   socialisation. Cette activité lui apprend à partager  avec les autres et   à dépasser les rivalités habituelles dans le  groupe à l’image de ses   frères et sœurs. Mais il en serait de  même pour un enfant unique :   fonctionner avec un entourage. Chez  l’adulte qui évolue entre vie   professionnelle et existence  affective, au sein de la famille que   celui-ci a construite mais en  lien aussi avec l’ensemble des membres de   sa fratrie, les  différends sont en quelque sorte rejoués sur le   terrain mais  canalisés grâce à l’esprit sportif et les règles de jeu   qui  l’accompagnent. Dans ce sport, le principe d’union fait la force  !   C’est en quelque sorte le sens aussi de la danse des All Blacks  avant   toute rencontre. Et aussi, celui de notre hymne national.
                          La mêlée, un rituel
                         Le principe de la mêlée est intéressant car elle intervient   à la  suite d’une faute mineure pour remettre le ballon en jeu. Trois    rangées de joueurs des deux équipes s’affrontent. Le ballon est    introduit par le demi de mêlée. Au sein de la première ligne, les  deux   piliers, et le talonneur talonne le ballon vers l’arrière de  son pack.   Cette ligne est la ligne de contact et d’affrontement  direct avec   l’adversaire. Les deux joueurs de la deuxième ligne  assurent la   puissance du pack. Pour la troisième ligne, trois  joueurs guident   l’orientation de la mêlée et facilitent la sortie  de la balle. Dans ce   face-à-face, expression d’un corps à corps  puissant, viril entre deux   groupes de joueurs, la règle est là pour  permettre de transformer cette   rencontre en un duel sportif dans  lequel l’expression de   force s’effectue en terme de combativité  et non d’agressivité.   L’objectif étant de libérer le ballon et  de reprendre une progression   vers les lignes adverses.
                          Sortir de la mêlée
                         Il s’agit pour gagner de jouer avec les autres   en laissant  de côté son narcissisme. La montée vers le camp de son   adversaire  permet par des passes, selon une stratégie bien établie, de   mener  au bout un ballon vers les buts. Le succès n’est pas le fait d’un    seul homme mais d’une équipe. Cependant, chacun y contribue par  son   initiative personnelle à un moment donné. Quitter la mêlée,  zone   d’affrontement, permet de s’en libérer et de retrouver des  ailes pour   progresser en avant, vers la victoire ! L’arbitre joue  un rôle   important puisqu’il intervient pour canaliser tout geste  non autorisé.   Pas de règlements de comptes sur le terrain mais des  sanctions bien   définies, les mêmes pour tous ! Un véritable signal  pour encourager à   lâcher les conflits et le risque d’un jeu  permanent et alternatif entre   bourreau et victime, attitude par  définition non évolutive. Quitter la   mêlée favorise finalement le  passage à l’acte et la transformation   d’un essai en réussite. 
                          
                         Pierre Lapeyre