La résilience et moi

     
    C'est un moment insolite, inattendu, parfois difficile de leur existence. Ils ont choisi de témoigner et de nous confier comment ils s'en sont sortis... seuls. Ils nous expliquent aussi ce qui a changé en positif et " pour de bon " dans leur vie à partir de l'obstacle ou de l'épreuve qu'ils ont eu à franchir et à dépasser. Si vous avez connu un épisode de ce type auquel vous n'étiez pas préparé, adressez-nous votre courrier qui sera lu et mis en ligne si son contenu a été sélectionné par la Rédaction...
     

    " Je suis restée bloquée
    dans un ascenseur "

    " Je suis restée bloquée dans un ascenseur "
    ©iStock

     

    Cécile a emménagé depuis très peu de temps dans un petit immeuble résidentiel. Il est tout neuf. Peu de monde y habite. Elle vit au troisième étage et évite de prendre l'ascenseur…

    Je venais de me séparer de mon mari et, malgré ce genre de contexte pas toujours évident, j’étais heureuse d’avoir trouvé un joli appartement au dernier étage d’une résidence coquette. Le loyer était élevé mais l’espace fort bien conçu : une entrée assez vaste, un salon / salle-à-manger de belle taille donnant sur un grand balcon, deux chambres - dont une particulièrement spacieuse et bénéficiant aussi d’un beau balcon -, chambre qui s’était imposée à moi tout de suite comme étant la mienne car elle pourrait, en plus, faire office de bureau, et celle de mon fils, un peu petite mais donnant sur un jardin très bien aménagé. La cuisine et la salle de bains étaient modernes. Mon propriétaire, monsieur d’un certain âge, charmant, m’avait - ce qui ne gâche rien - facilité les obligations pécuniaires de départ. Il faut dire que, compte tenu du prix, de la conjoncture financière, d’un seul garçonnet de 7 ans et de ma profession d’enseignante qui le rassurait, il n’avait pas hésité à me remettre les clefs d’un lieu qu’il aimait beaucoup. Il m’avait d’ailleurs confié qu’il avait acheté ce bien en prévision de devoir quitter un jour sa maison située à la campagne, d’autant que son épouse était dépressive… Chacun y trouvait donc ses avantages. Et puis, surtout, l’appartement venait d’être terminé, les murs étaient blancs comme j’aime et mes meubles convenaient à merveille à cet environnement !
    J’avais assez vite réalisé que le promoteur immobilier avait sûrement du mal à vendre les quelques lots qui lui restaient car le prix d’achat de chacun d’eux était réellement prohibitif. En résumé, en dehors de deux locaux commerciaux occupés au rez-de-chaussée, vivait un jeune couple originaire de Perpignan, parents d’un garçon et d’une fille âgés de 4 et 2 ans. L’épouse ne travaillait pas et n’avait pas vraiment voix au chapitre, lui occupait un emploi dans une banque et donnait l’impression d’avoir une solide ambition. Un peu particulier, il aimait dire qu’il mettait volontiers la main à la pâte quant au ménage parce qu’il était un obsessionnel de la propreté. Comme il déployait un avis définitif sur tout, je savais d’emblée que mes rapports de voisinage seraient courtois mais sans plus. En face de la porte de leur appartement habitait une dame veuve à laquelle il était difficile de donner un âge. Disons qu’elle renvoyait une image d’une septuagénaire encore assez alerte. Elle ne jurait que par le jeune couple qui logeait en face de chez elle, leur trouvant toutes les qualités. Ne semblant pas douée d’une intelligence exceptionnelle, elle n’avait surtout pas compris qu’elle était utilisée par ses voisins adorés qui lui demandaient de garder leurs enfants, sans aucune contrepartie financière en échange, lorsqu’ils sortaient… Pourtant, les choses étaient évidentes car les élans de séduction allaient bon train. Cette retraitée avait une fille, en instance de divorce mais déjà en ménage avec un ami, et une petite fille de 10 ans. Visiblement, là aussi, la famille faisait appel à elle en cas de besoin, sans plus, mais c’était décidément son histoire si elle se laissait contrôler… Je n’avais pas d’affinité réelle avec cette propriétaire pour la simple et bonne raison que chaque fois que nous échangions des banalités, elle ne pouvait pas s’empêcher de faire l’éloge du jeune couple et ce transfert en devenait à la fois pénible et ridicule. En revanche, vivait au-dessus de cette dame un couple de trentenaires, sans enfant, adorables et qui partageait un peu mes sentiments quant au lien névrotique qui unissait les habitants du premier étage ! Ces trentenaires étaient parisiens et avaient eu une opportunité de venir travailler dans la région qu’ils appréciaient pour son climat et la proximité de la Mer Méditerranée.
    Un long week-end de Pentecôte arrivait et mes jeunes amis sympathiques m’avaient demandé si je profiterais de ce pont pour prendre quelques jours de vacances à l’extérieur. Je leur répondis par la négative, leur précisant que j’allais plutôt investir cette courte période de repos pour finir de bien installer mon appartement et mettre enfin les rideaux que je n’avais pas eu le temps de suspendre. Mon fils se trouverait chez son papa comme prévu et il me serait plus facile de peaufiner l’agencement de mon nouveau lieu de vie. Ces précisions données, la jeune femme me lança : « Mais vous serez toute seule dans l’immeuble ! »… Effectivement, elle avait appris que le couple de Perpignanais partait dans sa région d’origine et la dame retraitée devait aller garder sa petite-fille dans la ville de sa maman à une quinzaine de kilomètres de là. Quant aux trentenaires, ils avaient choisi de faire du farniente et de se faire bronzer à la Grande Motte, petite station balnéaire qu’ils adoraient… Le couple me demanda si le fait de « garder » l’immeuble ne m’effrayait pas. Même pas peur, leur dis-je : le bâtiment était particulièrement bien sécurisé et le quartier tranquille. Pour être tranquille, j’allais être tranquille…
    En rentrant de mon travail, je constatai donc que les fenêtres et autres porte-fenêtre des habitants du lieu étaient fermées, comme prévu. Je pénétrai dans le hall, relevai mon courrier et hésitai à ce moment-là à prendre l’ascenseur, culpabilisée de rarement monter les escaliers à pied ! Les trois étages me permettraient pourtant de faire un peu de gymnastique mais j’avoue qu’aujourd’hui encore, je déteste le sport ! Je ne me mentais pas ce jour-là car j’étais vraiment chargée : mon gros sac en bandoulière, deux énormes paquets de victuailles et une lettre… L’ascenseur m’attendait ! Je pénétrai dedans, appuyai sur le bouton qui avait pour charge de « m’élever » jusqu’au troisième étage. Le démarrage s’effectua sans encombre et je faisais déjà un plan dans ma tête pour l’organisation de mon week-end et des tâches que je désirais répartir astucieusement, tout en voulant profiter de mon balcon, de ma chaise longue, de mes petites plantations dont j’étais très fière et du soleil chaleureux annoncé par la météo. Décidément, pensai-je, la société actuelle se sent obligée de bouger tout le temps ! D’accord, les Perpignanais avaient sûrement envie de voir leur famille, la retraitée du premier étage se devait de dépanner sa fille en jouant à la baby-sitter et ça devait de toute façon lui faire plaisir mais « mes » gentils trentenaires allaient encore se plaindre de la dureté des fins de mois : un week-end à la Grande Motte, ce n’est quand même pas donné !
    J’avais constaté depuis quelques jours que l’ascenseur montait moins vite que d’habitude et la descente présentait le même ralentissement avec un léger crissement. Cependant, étant plutôt claustrophobe, j’avais mis ça sur le compte de ma phobie… Mais, maintenant, il ramait carrément. Je commençais à ne pas me sentir bien quand l’élévateur s’immobilisa… Je devais être arrivée… Je constatai soudain avec effroi que l’ascenseur venait en fait de s’arrêter entre le deuxième et le troisième étage. Je me calmai rapidement en lisant attentivement la notice de dépannage, le bouton sur lequel appuyer pour prévenir la société de cet ascenseur afin qu’elle effectue le nécessaire pour que je sois délivrée. J’avais beau répéter le geste tel qu’indiqué sur la plaque métallique, personne ne me répondait. Aucun interlocuteur. Je pris nerveusement mon téléphone portable pour appeler le numéro idoine mais mon portable ne passait pas… L’horreur ! Je commençai à imaginer le pire des scénarios : rester bloquée, ici, pendant trois jours… Les Perpignanais n’étaient pas là, la retraitée n’avait aucune raison de venir avec sa petite-fille, quant aux trentenaires, à leur âge on n’a pas pour habitude de faire demi-tour… Je me mis à faire défiler la liste complète des désagréments. D’accord, j’avais de quoi manger mais pas à boire. J’allais me déshydrater et mourir desséchée… Seule de surcroît. Et puis, si j’avais envie d’aller aux toilettes mais comment allais-je faire ? Et surtout, je sentais que je manquais d’air et que j’allais finir mon existence en suffoquant et en étouffant. Contre toute logique, je tapais comme une malade contre les parois de la porte de l’ascenseur, inutilement. J’appelais au secours régulièrement, tout aussi inutilement. Je transpirais, moi qui ne transpire jamais. J’étais désespérée. J’hésitais à continuer à tambouriner et à crier, me disant qu’a priori non seulement ça ne servait à rien mais que je m’épuisais.
    Adepte de la Pensée Positive et de ses jolies lois d’attraction, je me mis instinctivement à me répéter les phrases célèbres du Docteur Joseph Murphy. J’avais malgré tout bien du mal à me concentrer. Mon imaginaire négatif se déclenchait régulièrement. Je reprenais à nouveau les phrases de sagesse puis je m’efforçais à m’imaginer sauvée, le fameux Comme si… Le temps passant, le désespoir m’envahissait de plus en plus. Je ne suis pas du genre à baisser facilement les bras mais là, je ne croyais plus en rien. La vie, c’est logique : plus âme qui vive dans cet immeuble, ma destinée allait s’interrompre bêtement dans un ascenseur. Pourquoi, pourquoi moi, je n’en savais rien. Peut-être le comprendrais-je plus tard, s’il existe une autre dimension après la vie, mais tout de suite, à l’instant « t », je n’avais aucune réponse. Je reprenais régulièrement ma formulation positive que j’égrenais maintenant à voix haute : « Je n’ai pas peur, je ne crains rien, mon sauveur est en route »… Le fonctionnement d’un cerveau est quand même surprenant. Ainsi, au plus fort de ma tourmente, je me demandai s’il valait mieux que je mette une majuscule à sauveur ou non… J’en étais là de mes pensées quand j’eus l’impression d’entendre un bruit de porte. Ce bruit me rappelait celui de la porte d’entrée de l’immeuble. Non, ce n’était pas possible. J’avais peut-être une hallucination… Des sonorités vocales semblaient monter… Je me mis à crier de toutes mes forces, je tapai au maximum de mes possibilités contre la porte de l’ascenseur quand j’entendis la voix de mon voisin trentenaire me demander ce qui se passait. Je lui expliquai ma mésaventure. Il prévint immédiatement les pompiers qui me délivrèrent rapidement. Gentils, dévoués, ils n’apprécièrent pas pour autant l’entreprise de cet ascenseur mais ceci était une autre histoire…
    Une fois remise de mes émotions, j’appris par mes adorables amis qu’ils avaient oublié leurs bagages chez eux et, bien entendu, décidé de revenir les chercher pour passer leur week-end de rêve convenablement… Indépendamment de la chance qui m’a souri grâce à leur oubli, cette panne d’ascenseur m’a toutefois confirmé une chose à laquelle j’avais déjà réfléchi. J’étais tellement angoissée lors de ma mésaventure qu’elle ne pouvait pas m’indiquer une mort imminente. Je ne désire pas imposer mon raisonnement à qui que ce soit mais je suis convaincue que l’angoisse nous poussant à avancer, à trouver des solutions, est plutôt synonyme de vie. Je ne fais pas ici non plus l’apologie des conduites angoissées, on s’en doute. En revanche, plutôt que de perdre tous ses moyens quand un obstacle bénin mais suffisamment paniquant surgit, calmer son inquiétude passe par le fait de réaliser que l’anxiété nous suggère de trouver notre solution. Pour moi, dans cet exemple, elle s’est appelée Pensée Positive. Certains pourront ironiser : La Pensée Positive, c’est du placebo. Peut-être… Mais placebo ou pas, en attendant, ça marche !

     

     
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